Alors que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, vient de réaffirmer son projet de soumettre aux Nations Unies à la rentrée une demande de reconnaissance d’un État palestinien souverain, le gouvernement israélien use et mésuse du discours alarmiste pour toute posture – on n’ose dire pour toute politique.
Pour les quatre auteurs de ce texte, en revanche, cette initiative palestinienne « pourrait être le levier d’une situation “gagnant-gagnant” pour les Israéliens, les Palestiniens et le monde ».
Tel-Aviv – Au lieu de perdre leur temps et leur énergie à tenter de redonner vie à un processus de paix israélo-palestinien moribond, les États-Unis et l’Union européenne devraient reconsidérer l’initiative palestinienne visant à obtenir la reconnaissance de l’ONU en septembre. Ce qui est décrit en certains lieux comme la meilleure recette pour de nouvelles querelles et confrontations pourrait bien être en fait le levier d’une situation “gagnant-gagnant” pour les Israéliens, les Palestiniens et le monde.
Les Palestiniens, sous la conduite de Mahmoud Abbas, attendent des Nations Unies qu’elles les dotent d’un État souverain sur la base des frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale. C’est tout. Il ne s’agit pas de demander à l’ONU de résoudre la question du droit au retour des réfugiés ni de déterminer à qui appartient le mont du Temple à Jérusalem. Il s’agit de convertir un conflit intraitable entre un État et un mouvement de libération en un conflit d’État à État aux paramètres maîtrisables.
Pourquoi ne pas donner aux Palestiniens ce qu’ils veulent, mais additionné d’éléments propres à rendre cette résolution admissible pour une majorité d’Israéliens ?
Israël veut se voir accepté en tant qu’État juif ayant Jérusalem pour capitale reconnue. Il lui faut des garanties quant à la nature et l’ordre de priorité des négociations à venir, les questions vraiment réfractaires étant repoussées à une phase ultérieure. Il lui faut de solides dispositions de sécurité ; des arrangements concernant le pouvoir du Hamas à Gaza ; et une incitation sous forme de conditions viables de la part d’un monde arabe qui en a longtemps fait la proposition en retour d’une avancée avec les Palestiniens.
Voici les éléments d’une éventuelle résolution “gagnant-gagnant“ des Nations Unies concernant l’indépendance palestinienne :
• Réaffirmer le soutien à une solution du conflit israélo-palestinien sur la base de deux États pour deux peuples et le droit des peuples juif et palestinien à l’autodétermination, sans porter préjudice aux droits de l’ensemble des citoyens ni à ceux des minorités.
• Prendre acte de la réforme des institutions et des forces de sécurité, du développement économique et des efforts de construction de l’État – en particulier en Cisjordanie, sous la conduite du président Abbas et du Premier ministre Salam Fayyad, qui ont contribué à poser les fondations de l’État palestinien – et donner son aval à la position exprimée par la Banque mondiale et les Nations Unies selon laquelle « l’Autorité palestinienne est bien placée pour fonder un État à tout moment dans un avenir proche. »
• Soutenir par conséquent la fondation d’un État palestinien indépendant et souverain sur la bases des lignes de 1967, ayant sa capitale à Jérusalem-Est symétriquement à la capitale reconnue d’Israël à Jérusalem-Ouest, compte tenu d’échanges et modifications mutuellement agréés de territoires négociables – un État vivant côte à côte avec Israël en paix et en sécurité.
• Admettre qu’étendre l’autorité d’un État palestinien à la bande de Gaza y suppose le pouvoir effectif d’un gouvernement palestinien légitime exerçant son autorité sur la rive occidentale du Jourdain, adhérant aux principes du Quartette [1] et à l’Initiative de paix arabe [2], et respectueux des engagements de l’OLP.
• Appeler les deux États à s’engager de bonne foi dans des négociations sur la base des résolutions et amendements pertinents qui précèdent, dans le but de résoudre toutes les questions pendantes entre eux, à commencer par celles des frontières, des implantations, des accords sur l’eau et la sécurité. Les dispositions de sécurité, en particulier, qui incluent des garanties internationales, régionales et bilatérales à plusieurs échelons, devraient se mesurer aux menaces et les neutraliser, permettant le désengagement par étapes de l’armée israélienne d’un État palestinien démilitarisé, doté de forces de sécurité intérieures efficaces, sans que la sécurité d’Israël soit compromise.
• Prendre note de l’importance de l’Initiative de paix arabe, avalisée par la Ligue arabe en 2002, et appeler les États de la région à contribuer à la création d’une atmosphère incitant à négocier et se mettre d’accord, y compris par des efforts plus intenses afin de faire progresser la coexistence et la normalisation des relations entre États membres de la Ligue arabe et État d’Israël.
Une approche novatrice et courageuse visant à tirer bénéfice de l’initiative palestinienne ne mettra pas fin au conflit. Mais elle pourrait le rendre infiniment plus maîtrisable.
NOTES
[1] Composé de représentants de l’ONU, de l’Union européenne, des États-Unis et de la Fédération de Russie, le “Quartette“ diplomatique réuni le 30 avril 2003 avait adopté la “Feuille de route“ destinée à aboutir à un règlement permanent du conflit israélo-palestinien sur la base du principe de l’existence de deux États.
[2] Présentée au sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en mars 2002 et réactivée au sommet de Ryad en mars 2008, l’Initiative proposait une normalisation des relations des pays membres de la Ligue avec l’État d’Israël sur le principe de “la paix en échange de la terre“ : les deux conditions essentielles étant le retrait plein et entier des territoires occupés en 1967 et l’accord d’Israël à la fondation d’un État palestinien indépendant et souverain avec Jérusalem-Est pour capitale.