Selon Tony Klug, la solution à deux Etats demeure toujours la seule possible, mais sa réalisation requiert un leadership stratégique de la part de militants palestiniens et israéliens fermement engagés à mettre un terme à l’occupation et à travailler ensemble. 

Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Illustration : Couverture du Vol.24, N°1 & 2, 2019 de Palestine-Israel Journal

L’auteur : Tony Klug, conseiller spécialiste du Moyen-Orient pour l’Oxford Research Group, consultant pour le Palestine Strategy Group et l’Israel Strategic Forum, il a consacré de nombreux articles aux problèmes israélo-palestiniens.

https://www.pij.org/articles/1899/is-there-a-plausible-alternative-to-the-twostate-solution

Palestine-Israel Journal issue devoted to « Palestinians and Israelis at a Dangerous Crossroads, » Vol. 24, No. 1 & 2, 2019


Coincé entre les mantras « Il n’y a pas d’alternative à la solution à deux États » et « La solution à deux États est morte« , le débat actuel sur la manière de résoudre le conflit israélo-palestinien s’est réduit à une simple confrontation entre deux camps absolutistes, tous deux convaincus d’avoir raison. Or, il se pourrait bien que tous deux aient raison.

On peut penser que la solution à deux États est effectivement morte – ou tout au moins en soins intensifs – et, en même temps, qu’il n’y a pas d’alternative plausible. Si les deux affirmations sont vraies, nous devrons nous préparer à un avenir de conflit perpétuel avec tous les excès néfastes que cela implique. C’est un scénario terrible, mais il n’est pas prédéterminé. Il dépend des décisions que prendront les hommes.

Une précision s’impose : j’ai fait partie d’un petit nombre de personnes qui ont commencé à réclamer la création d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza aux côtés d’Israël au lendemain de la guerre de 1967 (1). Au cours d’une longue visite de recherche dans la région en 1973, j’ai retrouvé et interviewé tous les Palestiniens et Israéliens qui – m’avait-on dit – soutenaient la même proposition(2). Dans la plupart des cas, à l’époque pré-Internet, ils n’étaient pas en contact les uns avec les autres et étaient parvenus indépendamment à l’idée des deux États.

Cependant, je ne me souviens pas que quelqu’un dans ce groupe disparate (moi y compris) ait jamais parlé de deux États comme d’une « solution ». Ce langage simpliste a commencé à s’infiltrer dans le débat des années plus tard, étouffant toute pensée créative et condensant une abondance de problèmes en une seule question pour laquelle il y avait, supposément, une unique solution valable en tout temps. Les partisans d’un État unitaire reprirent rapidement ce langage. Leur soi-disant « solution à un seul État » allait résoudre tous les problèmes après avoir miraculeusement contourné la multitude d’obstacles qui entravaient sa propre réalisation.

Aucun des premiers partisans ne concevait non plus les deux États voisins comme un moyen de séparer les deux peuples selon la formule du « nous ici, eux là-bas », une doctrine qui allait s’enraciner dans certains cercles israéliens dans les années suivantes. Au contraire, l’opinion générale était qu’avec le temps et dans un climat de paix en constante évolution, une série de relations « horizontales » entre les deux peuples pourrait se développer – y compris des liens commerciaux, d’affaires, sportifs et culturels – susceptibles de pousser les institutions des deux Etats à une coopération toujours plus étroite, qui pourrait aboutir à un arrangement de type confédéral. Mais il n’était pas nécessaire de le déterminer à l’avance.

Il s’agit là d’un point critique, car deux États étaient considérés non seulement comme la base indispensable des relations à long terme entre les deux peuples, mais aussi comme la structure inhérente à des négociations sérieuses sur toutes les questions en suspens, quelle que fût la vision finale. En d’autres termes, c’était autant un « cadre » qu’une « solution ».

Tôt ou tard, même les partisans d’un État unitaire devraient se demander comment en arriver à la solution qu’ils prônaient. Qui protégerait les intérêts palestiniens pendant la longue et périlleuse transition vers un État unique : une Autorité palestinienne impuissante, une société civile palestinienne amorphe, une communauté internationale mythique, une baguette magique ? Dans la pratique, à moins qu’il n’y ait une parité politique sous-jacente entre les deux parties à un stade précoce du processus, c’est le gouvernement israélien qui mènerait le jeu. Il le ferait naturellement selon ses propres intérêts (mais pas nécessairement dans l’intérêt à long terme du peuple israélien).

Le paramètre manquant : Un État palestinien

La première étape exigeait donc que deux gouvernements voisins exercent un contrôle souverain sur leur territoire et leur population, étendant aux Palestiniens le même droit à l’autodétermination qu’aux Israéliens. Ainsi, l’opinion consensuelle des premiers partisans de deux États (dont la plupart ne sont malheureusement plus en vie) était que le paramètre vital manquant était un État palestinien indépendant, sans lequel tout progrès était pratiquement condamné. Combler cette carence était donc la priorité absolue(3). Une cinquantaine d’années de diplomatie infructueuse depuis lors allait démontrer la justesse de cette perspective.

Si nous essayons de voir l’histoire des deux peuples avec empathie, de les voir tels qu’ils se voient, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les Arabes palestiniens qui souffrent depuis longtemps – déplacés, dépossédés et abandonnés – n’abandonneront probablement jamais leur lutte pour l’indépendance, tout comme il est difficile d’imaginer les Juifs israéliens farouchement attachés à leur indépendance – suite à près de deux mille ans de vie précaire – accepteraient de devenir un jour une minorité sur la terre d’un autre peuple.

Pour qu’une « solution » soit plausible, il faut qu’elle réponde à ces sentiments essentiels et qu’elle ait le soutien naturel des parties principales. La « solution à un seul État » peut revêtir de nombreuses formes – musulmane, juive, arabe, laïque, unitaire, démocratique, fédérale, binationale, cantonale ou multiconfessionnelle – mais il est douteux que l’une ou l’autre de ces versions puisse satisfaire les aspirations minimales des deux peuples. Dépouillées de leur rhétorique, aucune de ces versions n’a été bien pensée. Au contraire, elles tendent à être irréalistes et souvent contradictoires. Elles priveraient de leurs droits nationaux l’un ou l’autre peuple, voire les deux. Il n’est donc guère surprenant qu’elles soient jugées gravement  dangereuses par l’une ou l’autre partie et, dans certains cas, par les deux.

Un État laïque démocratique ?

La version d’un État qui semble bénéficier d’un soutien croissant dans certains cercles libéraux et de gauche en Occident est celle d’un État démocratique, laïc et unitaire où chacun en Israël et en Palestine a les mêmes droits dans une seule entité politique, du Jourdain à la mer Méditerranée. À première vue, cette vision peut sembler attrayante, mais voici quelques réflexions à prendre en considération :

Tout d’abord, pour dire l’évidence, les droits fondamentaux ne sont pas déterminés par le nombre d’États. Ils peuvent être réalisés – ou non – dans un État, deux États ou plusieurs États.

Deuxièmement, cette vision particulière d’un seul État repose sur la notion simpliste que les sociétés complexes du Moyen-Orient peuvent être atomisées jusqu’au niveau de l’individu et qu’un conflit historique de deux mouvements nationaux peut être réduit à une lutte unidimensionnelle pour les droits civils. Elle ne tient pas compte de la nécessité élémentaire pour les deux peuples de s’accommoder de l’impératif national de l’autre. En fait, elle est fondée sur le fait qu’il n’existe pas d’impératif national de ce genre. Ce déni, qu’il soit doctrinaire ou simplement mal informé, est son défaut le plus grave.

Troisièmement, les partisans de cette approche – que l’on pourrait nommer  » voici une solution, où est le problème ?  » – imitent une vieille tradition occidentale qui a historiquement imposé de l’extérieur ses propres valeurs et systèmes aux autres peuples. Une telle tendance, qu’elle émane de la droite, du centre ou de la gauche, trahit un état d’esprit néocolonial sous-jacent du « nous savons mieux » qui a causé le chaos dans le monde depuis des générations. Qu’il n’y ait que très peu d’exemples, voire aucun, de ce modèle démocratique et séculier de type occidental dans la région, devrait au moins inciter ses ardents partisans à réfléchir.

Quatrièmement, l’inévitable gouvernement de coalition israélo-palestinien dans un État unitaire, où l’équilibre démographique fragile serait politiquement critique, aurait très peu de chances de parvenir à un accord sur un droit au retour palestinien à part entière, un élément central de l’argument de l’État unique. En revanche, un État palestinien indépendant exercerait presque certainement ce droit, quoique limité à la Cisjordanie et à Gaza. Pour des raisons similaires, l’intégration dans le nouvel État de la bande de Gaza, qui compte près de 2 millions d’habitants palestiniens, pourrait également faire l’objet d’un veto de la part d’Israël. D’autres rivalités non résolues feraient également l’objet d’une impasse.

Cinquièmement, il est peu probable qu’un système à un seul État mette un point final à la question. constitue un aboutissement. Les Écossais, les Catalans, les Basques et d’autres vivent dans des États démocratiques et laïques jouissant de droits pleinement égaux. Cela n’a pas empêché beaucoup d’entre eux de s’engager en faveur de l’autodétermination et de la séparation. La Tchécoslovaquie était un État laïque démocratique et uni jusqu’à ce qu’une Slovaquie mécontente fasse sécession en 1993.

Sixièmement, l’appel en faveur d’un seul État fait le jeu de l’extrême droite israélienne en sapant gravement la campagne mondiale visant à mettre fin à l’occupation par le retrait israélien de la Cisjordanie tout en légitimant les  entreprises de colonisation et d’annexion.

Septièmement, au cours des 60 dernières années, plusieurs tentatives ont été faites dans la région pour fusionner des entités distinctes, la plus connue étant la République arabe unie (RAU) regroupant l’Égypte et la Syrie, qui a duré, essentiellement sur le papier, de 1958 à 1961, lorsque la Syrie s’est retirée. Si de telles tentatives ont échoué lamentablement parmi des peuples qui se considéraient comme ayant de nombreux traits en commun, pourquoi s’attendre à un résultat plus positif entre deux peuples qui ne partagent pas ces traits et qui sont des ennemis acharnés depuis plus d’un siècle ?

Enfin, les appels en faveur d’un seul État sont souvent fondés sur la prémisse que la solution à deux États a échoué. Mais elle n’a même pas été essayée. Le problème n’est pas la fin que constitue la création de deux États, mais les moyens d’y parvenir, en particulier l’incapacité chronique des puissances mondiales à exercer une pression judicieuse combinant récompenses et sanctions. Une autre fin ne changera rien à cela. Des moyens plus perspicaces et mieux ciblés ont plus de chances d’aboutir. Repartir à zéro – avec un objectif plus discuté – pourrait repousser la lutte pour une fin équitable du conflit de façon incommensurable, sinon indéfiniment.

Soutien mondial à la formule des deux États

Il n’est pas facile de parvenir à un consensus international et il ne faut pas le tenir pour acquis. S’agissant de la formule de deux États, ce fut une bataille difficile pendant de nombreuses années après la guerre de 1967. En fait, il fallut attendre mars 2002 pour que le Conseil de sécurité des Nations Unies l’adopte finalement comme politique officielle des Nations Unies.

Le même mois, la Ligue arabe lança à l’unanimité son Initiative de paix arabe qui envisageait une paix et des relations diplomatiques complètes entre Israël et tous les États arabes, fondées sur la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël, avec Jérusalem-Est comme capitale, et ce qu’elle appelait un « règlement juste et convenu » de la question des réfugiés palestiniens. Fait significatif, plus d’une centaine de généraux israéliens à la retraite ont approuvé cette approche, tout comme les 57 États membres de l’Organisation de coopération islamique. Cependant, aucun gouvernement israélien ne l’a sérieusement envisagée.

Cette initiative, associée à l’initiative de Sadate de 1977 et à l’initiative ultérieure de l’OLP (voir ci-dessous), contredit l’idée que les parties arabes n’ont pas changé de position depuis 1967, qu’elles restent attachées à la destruction d’Israël et le seront toujours, et qu’elles n’ont jamais présenté de propositions constructives.

Pour sa part, l’OLP a officiellement adopté le paradigme des deux États en 1988 lors de son congrès historique d’Alger, après des années de vifs débats internes. Il ne faut pas sous-estimer l’immensité de cette initiative, parfois saluée comme le grand « compromis historique » de l’OLP. C’était une pilule difficile à avaler. Il s’agissait ramener les visées des Palestiniens de leur exigence inébranlable de 100 %  du territoire à l’acceptation d’un État réduit aux 22% restants, comprenant les territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est comme capitale.

En outre, les sondages d’opinion réalisés à partir des années 1990 ont longtemps montré que plus des deux tiers des Palestiniens (et des Israéliens également) étaient favorables à l’idée des deux États. Mais récemment, ce soutien vacille et semble s’estomper de part et d’autre. Ce déclin est en grande partie attribuable au fait que les gens n’y croient plus en tant que solution réalisable.

En outre, on a de plus en plus l’illusion qu’un accord fondé sur la reconnaissance mutuelle n’est plus nécessaire. En fait, il semble que les deux parties sont en train de revenir aux attitudes bien ancrées d’une époque antérieure où chacune rejetait sommairement l’impératif national de l’autre.

Ces attitudes rigides s’étaient progressivement érodées dans les années postérieures à la guerre de 1967, pour culminer en une reconnaissance mutuelle effective dans le cadre des accords d’Oslo des années 1990. Au cours de ces trois décennies, tant les Palestiniens que les Israéliens ont progressivement, bien qu’à contrecœur, pris conscience qu’il était essentiel de tenir compte des droits nationaux de l’autre peuple pour réaliser et préserver leurs propres droits nationaux.

Cependant, plus récemment, il semble que les Israéliens aient de plus en plus l’impression que les Palestiniens sont faibles et divisés et qu’après plus de 50 ans de règne israélien non désiré, ils devront accepter leur sort comme un peuple vaincu. Ils ne le feront pas, bien sûr. Leur lutte se poursuivra d’une manière ou d’une autre, à l’intérieur ou à l’extérieur, et pourrait à un moment donné prendre en Cisjordanie la forme d’une insurrection prolongée en vue d’obtenir l’indépendance – éventualité plus probable, je suppose, qu’un effort populaire tendant à un État unitaire harmonieux.

De leur côté, les Palestiniens ont été témoins d’un changement dramatique, quoique parfois exagéré, de la sympathie internationale du côté israélien pour la cause palestinienne. Cela a alimenté la croyance de certains d’entre eux qu’ils n’ont pas besoin maintenant d’accepter la réalité israélienne, car le temps s’occupera du problème. Ils ont donc, eux aussi, relâché leur allégeance à l’idée des deux États et sont revenus à leurs anciennes exigences maximales.

Mais il y a là une erreur fondamentale. L’idée de deux États n’a pas été fondée en premier lieu sur la volonté d’être soutenue par les deux peuples. En fait, elle fut conçue à une époque où elle ne recevait qu’un soutien faible et limité de leur part. Elle reposait plutôt sur le zèle dont faisait preuve chaque peuple pour son propre État et rien ne démontre que cet engagement ait faibli d’un côté comme de l’autre. C’est plutôt le contraire qui est vrai.

La seule solution plausible – mais est-elle toujours réalisable ?

Avec tout cela à l’esprit, il est difficile de ne pas conclure qu’une formule à deux États est toujours la seule « solution » plausible. Ce qui est alarmant, toutefois, c’est que cela devient de moins en moins réalisable de nos jours, car le nombre de colons israéliens en Cisjordanie continue d’augmenter, passant de moins de 5 000 au début des années 70 à plusieurs centaines de milliers aujourd’hui. Nombre de ces colonies ont été stratégiquement situées de sorte qu’elles entourent et dominent la population palestinienne de Cisjordanie.

Conjuguée à la fragmentation du territoire en trois ou quatre zones distinctes, en plus des désirs d’annexion que ne dissimulent point les principaux hommes politiques israéliens, y compris les ministres du gouvernement, cette politique est délibérément conçue pour enraciner le pouvoir israélien et empêcher la formation d’un État palestinien.

Mais les Palestiniens ne sont pas les seuls à souffrir de l’occupation prolongée. Elle a également un impact sur les citoyens israéliens sous la forme de la propagation d’un sentiment anti-israélien, d’un isolement rampant, d’une campagne de boycott qui se développe, de remises en question croissantes de la légitimité de l’État lui-même et d’accusations d’apartheid. L’érosion constante de la démocratie interne est un symptôme révélateur du dommage moral infligé à une société qui impose quotidiennement à un autre peuple un régime militaire méprisé. S’il y a une loi en béton de l’histoire, c’est probablement que, tôt ou tard, on résiste aux occupations. S’il y en a une seconde, c’est qu’elles brutalisent et corrompent aussi bien l’occupant que l’occupé.

Ces problèmes ne feront qu’empirer à mesure que la colonisation et l’occupation se poursuivront. Et si nous abandonnons définitivement la seule « solution » plausible, nous devrons alors faire face à un conflit sans fin, avec toutes ses conséquences fatales. Ne vous y trompez pas : telle est la véritable alternative à deux États. Nous devons carrément faire face à ce danger et cesser de nous bercer d’illusions avec des solutions de rechange illusoires.

Les dommages ne se limitent pas non plus aux Palestiniens et aux Israéliens. La forte augmentation du sentiment anti-juif dans les mondes arabe et musulman au cours du siècle dernier et l’augmentation parallèle du sentiment anti-arabe et anti-musulman dans le monde juif ne sont pas une coïncidence. Tous deux sont essentiellement des produits du conflit contemporain. tous deux se nourrissent et se cultivent réciproquement et contribuent l’un l’autre à nourrir l’intolérance envers les Juifs, les Arabes et les musulmans du monde entier. Ni le conflit ni l’occupation n’ont initié les préjugés mondiaux – qui ont des racines historiques beaucoup plus profondes – mais ils ont contribué à les raviver et à les aggraver dans l’ère moderne. Plus le conflit se prolonge, plus les sectarismes s’enracinent (4).

A partir de là, que faire ?

Alors, que peut-on faire ? Idéalement, Israël devrait faire le point et changer radicalement de cap en déclarant son intention de mettre fin rapidement à l’occupation, d’accepter les principes généraux de l’Initiative de paix arabe et d’engager des négociations authentiques avec toutes les parties dans le but exprès de mettre fin une fois pour toutes au conflit.

Sinon, la communauté internationale pourrait exiger d’Israël soit de reconnaître un État palestinien dans l’immédiat, soit, en attendant le règlement du conflit, d’accorder des droits égaux à tous ceux qui sont soumis à son autorité (5). Il ne s’agit pas d’un appel en faveur d’un seul État, mais en faveur de l’égalité des droits jusqu’à ce qu’advienne une solution éventuelle. L’objectif premier serait de susciter de nouveaux courants politiques en Israël et d’accélérer le retour à l’agenda politique israélien de deux Etats voisins. La faisabilité de ce projet dépend en partie de la façon dont nous voyons les deux États.

La scission pacifique de la Tchécoslovaquie, qui a laissé à de nombreuses communautés tchèques en Slovaquie et de nombreuses communautés slovaques en République tchèque la libre circulation entre les deux États, peut constituer un modèle pertinent. L’objectif n’est pas la pureté ethnique, mais la souveraineté politique. Si nous envisageons l’avenir davantage en ces termes, bon nombre des soi-disant obstacles à la réalisation de deux États dans l’ère actuelle pourraient s’avérer bien plus susceptibles d’être surmontés que ce que l’on pense souvent.

En résumé, il semble clair que deux États indépendants demeurent la seule formule capable de répondre aux besoins et aspirations fondamentaux des deux peuples, avec la perspective d’un arrangement confédéral à l’avenir (qui pourrait inclure la Jordanie également), mais une confédération n’est pas une alternative à un État palestinien mais une conséquence potentielle – et je dirais souhaitable – de celui-ci. L’État doit d’abord être établi. De plus, une confédération de deux États est bien composée de deux États, pas d’un seul.

Par-dessus tout, ce dont le monde a besoin de toute urgence, c’est d’un leadership stratégique de la part des militants palestiniens et israéliens, qui partagent un engagement ferme à mettre fin à l’occupation. Toute répugnance à travailler ensemble, ou du moins en parallèle, doit être écartée afin qu’une stratégie commune puisse être élaborée pour que les sociétés civiles et les gouvernements du monde entier puissent s’unir et faire campagne. Le temps est court et le besoin pressant.

Notes :

1 Middle East conflict: a tale of two peoples. Tony Klug, Young Fabian pamphlet 32, January 1973, http://digital.library.lse.ac.uk/objects/lse:fon863riw.

2 Parmi les Palestiniens figuraient l’avocat Aziz Shehadeh, basé à Ramallah, le journaliste vétéran de Jérusalem-Est Muhammad Abu Shilbaya, l’activiste politique et historien Aref al-Aref, le Président de la cour d’appel de Cisjordanie Nihad Jarallah et la journaliste indépendante (et future belle-mère de Yasser Arafat) Raymonde Tawil. Parmi les Israéliens se trouvaient le journaliste et homme politique iconoclaste Uri Avnery et l’ancien secrétaire général du parti travailliste israélien Arie (Lova) Eliav. Le professeur Yehoshafat Harkabi, ancien chef des services de renseignements militaires israéliens, et le célèbre auteur Amos Oz étaient parmi d’autres Israéliens éminents qui sont venus soutenir deux États dans les années suivantes. Cependant, lorsque je leur ai parlé en 1973, Oz n’était pas partisan d’un État palestinien et Harkabi s’élevait fermement contre cette idée.

3 A cette fin, en 1977, j’ai proposé un premier retrait unilatéral israélien de la majeure partie de la Cisjordanie pour permettre l’émergence d’un Etat palestinien temporaire. Cf. Middle East impasse: the only way out. Fabian Research Series 330, Tony Klug, January 1977.

4 Cette observation n’est pas nouvelle. J’ai d’abord attiré l’attention sur ces liens potentiels dans un article de 1977 : Middle East impasse: the only way out. Fabian Research Series 330, Tony Klug, January 1977, pg 14.

5 Original proposal in If Kerry fails, what then? By Sam Bahour & Tony Klug, Le Monde Diplomatique, 8 April 2014. https://mondediplo.com/outsidein/if-kerry-fails-what-then .