L’annonce toute récente par le Shin Bet de l’arrestation le mois dernier d’un agent du Hamas suspecté d’avoir préparé une attaque suicide à la bombe au moment des élections, attentat qui aurait été donc susceptible de se produire après l’envoi de missiles sur Tel Aviv le 14 mars dernier en soirée, illustre d’une part la volonté du Hamas d’influer sur les résultats de ces élections et d’autre part, la difficulté dans laquelle se trouve la société israélienne prise entre le marteau de ceux qui veulent sa destruction et l’enclume de ceux qui usent et abusent de cette volonté indéniable pour esquiver toute recherche d’une solution politique, à supposer que ce soit ce à quoi ils aspirent.
Aussi décevants qu’aient pu être les résultats de ces élections, ils ne traduisent aucunement une modification sensible du rapport de force entre le bloc de la droite annexionniste hostile à tout compromis et le bloc du centre centre-gauche ouvert, sous conditions, à une solution politique et opposée au détachement d’Israël de ses valeurs initiales telles qu’énoncées dans la déclaration d’indépendance. Cette relative stabilité des forces en présence dans un contexte sécuritaire marqué par la poursuite de la violence au plan intérieur et une forte incertitude au plan régional (Syrie, Iran), est plutôt positif en ce sens qu’il préserve un « possible » que fragilisent certes le développement des implantations et le refus – qui va de pair – de résoudre le conflit – qui implique l’acceptation de compromis -. L’affaiblissement des partis « de gauche » (au sens israélien du terme) résulte davantage d’un choix tactique -« voter utile » pour faire tomber Netanyahu, ce qui a presque fonctionné alors que deux mois auparavant il paraissait indéboulonnable – que de la disparition d’un courant de pensée. Nul doute que ces formations retrouveront une partie de leurs votants habituels, ce qui reste cependant insuffisant et ne doit pas les dispenser d’un travail de « refondation » aussi bien organisationnel qu’idéologique.
Un sondage publié dimanche, l’Index de la paix, (Université de Tel Aviv et Institut israélien de la Démocratie) montre qu’une forte minorité de la population israélienne soutient toujours la solution à deux États (40%) et, plus important à nos yeux, une large majorité récuse l’annexion (60%) alors que 83% des Israéliens juifs sont opposés à un état binational. Le socle des valeurs sur lequel peut se construire une sortie du conflit par le haut perdure donc. Pour qu’elle prenne corps, il faudrait que la société israélienne puisse esquiver le piège qui se referme sur elle. Elle ne se décidera à encourir le risque de la paix que dans la mesure où elle se persuadera de l’existence d’un partenaire palestinien fiable. Dans cette perspective, une stratégie de (re)conquête de l’opinion publique israélienne devrait être initiée par le leadership palestinien.
Mais les Palestiniens sont non moins en droit de s’interroger sur l’existence et la fiabilité d’un partenaire israélien. Ce ne peut être le gouvernement actuel et moins encore, sans doute, celui qui sortira de la période de marchandage qui vient de s’ouvrir. Une lourde responsabilité incombe donc au camp modéré qui, par son positionnement et son action, délivrera un message tant vers les Palestiniens que vers la communauté internationale : il y a sur qui s’appuyer, avec qui construire un avenir qui ne soit ni domination ni désolation.
Ilan Rozenkier
4 mai 2019