Ceux qui connaissent Israël de l’intérieur savent que « temporaire » est souvent synonyme sinon de « définitif « , du moins de « à long terme ».
Sur le même principe, un mot vaut son contraire, il en va de même pour « changement » qui, bien que prôné par le gouvernement israélien lors de son entrée en fonction en juin 2021, a pratiqué la continuité, à quelques exceptions près, en matière de poursuite de la colonisation.
Certes on pouvait s’y attendre compte tenu de la composition du gouvernement et de sa volonté de maintenir à bas niveau le débat public sur la question palestinienne.
Il en est de même en cette période électorale, à l’instar des campagnes antérieures, comme l’a noté Tsipi Livni qui n’est pas, sinon cela se saurait, une gauchiste invétérée haineuse d’Israël.
« …nous avons à peine entendu parler du sujet le plus important pour l’avenir d’Israël et son existence en tant qu’état juif : le conflit israélo-palestinien… ».
Comme par le passé, l’approche qui prévaut est essentiellement sécuritaire. Après la vague d’attentats qui ont provoqué la mort de 19 Israéliens entre mi-mars et début mai, plus de 1500 Palestiniens ont été arrêtés et plus de 80 ont été tués – « terroristes recherchés » ou bien manifestants/émeutiers, souvent jeunes .
Aviv Kokhavi, le chef d’état-major de Tsahal a tort d’évoquer, pour expliquer l’instabilité sécuritaire, « l’impuissance des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, ce qui entraine un manque de gouvernance dans certaines zones de Judée et de Samarie qui constituent ainsi un terrain fertile pour le développement du terrorisme ». Certes, il précise « en partie » mais, à aucun moment de son intervention, il ne mentionne la désespérance ni le manque d’avenir auxquels les Palestiniens, les jeunes notamment, sont confrontés.
Ce « no future » ne relève pas de l’AP uniquement mais de l’absence de perspective politique dont Israël, en tant que puissance occupante assume une large responsabilité en se refusant à adopter une ligne claire exempte de colonisation rampante.
En ce sens, le gouvernement du changement n’a guère été différent de ses prédécesseurs et il continue sur la même ligne en tant que gouvernement de transition.
En témoigne la toute récente annonce de la création d’un nouveau quartier à Jérusalem–Est, Givat HaShaked. Il faut être mal voyant pour ne pas y déceler le dessein d’étouffer le village palestinien de Beit Safafa, déjà surpeuplé et confronté au refus quasi systématique d’attribution de permis de construire. Il perdra, si le processus bureaucratique se poursuit et que les constructions annoncées sont édifiées, les seules réserves foncières lui permettant de se développer, cerné qu’il sera par Gilo au Sud, un parc à l’Ouest, Givat HaMatos à l’Est.
Au total, plus de 7200 nouvelles unités de logement sont en attente d’approbation dans les territoires alors que la moyenne sous l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu était inférieure à 6000 par an. Mais les données collectées par Shalom Akhshav, lanceur d’alerte essentiel en matière d’implantations, montrent que les choses sont un peu plus complexes.
« Tout d’abord, parce que les dernières années de Netanyahu ont été marquées par une augmentation de la construction, par rapport à ses premières années. Ensuite, parce que la plupart des plans qui ont été approuvés doivent encore parcourir un long chemin administratif avant d’être officiellement autorisés à se matérialiser. En fait, seuls 3000 logements ont franchi toutes les étapes requises ».
S’agissant de la démolition de structures palestiniennes, l’année du gouvernement Bennett-Lapid se situe au troisième rang depuis 2009, les années 2016 et 2020 venant en première et seconde position. Le total s’élève à 614 bâtiments, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) mais tous n’étaient pas habités : certains étaient vides, d’autres destinés à l’agriculture.
En ce domaine également, la réalité est plus complexe qu’il n’y parait au premier regard. Il n’y a pas eu que des destructions : au cours de l’année écoulée, la construction de 1303 unités de logement pour les Palestiniens a été avancée, soit le nombre le plus élevé depuis des années.
On peut aussi créditer le gouvernement Bennett-Lapid d’une moindre tolérance concernant l’établissement d’avant-postes. « Ceux qui furent construits par les « jeunes des collines » ont été démantelés beaucoup plus fréquemment que ne l’a fait l’administration civile dans le passé.«
On sait que des mesures conséquentes ont été prises s’agissant de l’augmentation du nombre de permis de travail, de l’organisation des points de passage, de la « protection sociale » des travailleurs palestiniens etc. sans que pour autant la situation puisse être qualifiée de satisfaisante. Pour la première fois depuis des années, des rencontres de haut niveau politique se sont tenues entre dirigeants israéliens et palestiniens. Benny Gantz et Mahmoud Abbas se sont entretenus à deux reprises à 6 mois d’intervalle.
Il ne fait aucun doute que ces rencontres sont positives même si pour l’essentiel elles n’ont porté « que » sur la coordination sécuritaire et les défis civils. On ne peut que regretter qu’elles n’aient pas permis sinon de créer un horizon politique, du moins d’esquisser une voie qui y conduise.
Tel est le défi qui attend le gouvernement israélien qui, sans doute dans la douleur, sortira des urnes le 1er novembre prochain.
A l’orée de Rosh Hashana, le nouvel an juif, on ne peut que formuler le souhait que la société israélienne parvienne à se doter d’un gouvernement qui s’attelle enfin à donner un horizon politique au conflit israélo-palestinien qui, il convient de le marteler encore et encore, reste le sujet plus important pour l’avenir d’Israël et son existence en tant qu’état juif et démocratique.