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IPCRI, 1er juin 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Une fois encore, le chaos et l’anarchie qui règnent en Palestine font les grands titres et touchent l’opinion palestinienne au cœur. La possibilité d’une guerre civile à venir devient l’objet de craintes, des analystes comme du public. Cet affrontement, et les défis aux autorités et au pouvoir à Gaza pourraient finir par mener les Palestiniens à la pire des situations.

Il faut prendre au sérieux la position de l’opinion publique palestinienne, en particulier quand tous les secteurs ont pris l’initiative de présenter leur vision d’une position palestinienne unifiée. Toutes ces initiatives suivent le même modèle : rejet de la détérioration de la situation, appel à toutes les parties pour qu’elles adoptent un programme commun en vue de parvenir à un Etat palestinien viable, sûr et pérenne, et évitant ainsi la guerre civile.

De nombreux Palestiniens, individus, factions et organisations, affirment que la solution à deux Etats est la seule solution possible et acceptable, et que la Déclaration Nationale Palestinienne d’Indépendance de novembre 1988 (par l’OLP à Alger, qui reconnaissait l’Etat d’Israël) constitue la meilleure base pour tout gouvernement. Ces initiatives sont clairement des appels au Hamas pour qu’il adopte cette vision et aucune autre.

Le président Abbas a eu tout à fait raison de souligner la nécessité de s’adresser de nouveau à l’opinion par référendum sur cette question, dans la période sensible et cruciale que nous traversons. Ce référendum pourrait le seul instrument possible pour apaiser le débat interne palestinien et le conflit entre le Hamas et le Fatah. Le Document des Prisonniers a reçu un large soutien dans l’opinion, car il présente une position palestinienne unifiée, mais il manque de vision. Il serait beaucoup plus important que le référendum présente une nouvelle vision stratégique commune palestinienne, ou un « nouveau programme palestinien » qui soulignerait les intérêts palestiniens.

Les sondages sont une indication des besoins et des tendances de l’opinion. Or, pour l’essentiel, l’opinion soutient les principes de la déclaration du président lors de l’ouverture du dialogue national. Il faut maintenant parvenir à un consensus sur une stratégie palestinienne réaliste et sur une politique tournée vers l’avenir.

Le résultat de ce dialogue national n’a apparemment rien apporté de plus aux Palestiniens qu’un signe modeste de bonne volonté entre les différentes factions. Il semble qu’aucun consensus ne soit intervenu sur les questions essentielles touchant au conflit, et qu’aucune solution concrète et applicable n’en sortira.

En même temps, le nouveau gouvernement Hamas et son ministère de l’intérieur sont davantage déterminés à faire évoluer la situation vers un conflit sanglant entre les deux chefs de l’Autorité palestinienne. A la fois pour Abbas et pour Haniyeh, c’est une question « d’être ou ne pas être », une chance de profiter au mieux de la situation. Le ministre de l’intérieur (Hamas) est en train de réexaminer sa mauvaise décision de redéployer sa soi-disant « unité de renfort » dans les rues de Gaza.

Cette mauvaise décision, qui consiste à utiliser des forces parallèles pour maintenir la sécurité à Gaza, est une erreur, et elle n’apportera pas la sécurité aux Palestiniens. Cette décision hâtive n’a été qu’un défi au Fatah et à ses membres affiliés. Le message, c’est : « c’est le Hamas, et seulement lui, qui est au pouvoir et qui contrôle l’Autorité ». Cela a provoqué la pire des situations dont les Palestiniens ont besoin en ce moment. Les questions non posées et restées sans réponse demeurent : pourquoi avons-nous besoin de toutes ces milices armées à Gaza ? Et qui exactement est l’ennemi ?

Gouverner le peuple, ce n’est pas déployer des milices armées dans les rues au nom de la « sécurité ». Pour faire respecter la loi, il faut une autorité officielle, légitime et constitutionnelle, et non des délinquants.

Le déploiement de ces milices surarmées montre que le Hamas a travaillé de façon intensive à son armée. Il a fait de gros efforts pour préparer cette armée à défendre le Hamas. Il s’est servi de la période d’accalmie avec Israël pour l’entraîner et l’équiper en hommes en armes nécessaires pour juguler les Palestiniens. Cette armée n’a pas été préparée pour combattre l’occupation, mais pour combattre le Fatah et s’emparer de l’Autorité palestinienne et de l’OLP.

Le président Abbas doit savoir que les Palestiniens n’ont pas besoin d’une nouvelle armée ou d’une « nouvelle garde présidentielle », qui ne peut représenter qu’un fardeau financier supplémentaire et inutile. La solution n’est pas d’engager des combattants supplémentaires, surtout quand la direction palestinienne n’a pas de quoi payer les salaires des forces plus anciennes et qu’elle est incapable d’intégrer les milices dans les services existants.

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Le Hamas doit envisager de modifier ses positions dogmatiques. D’abord, il doit penser à la manière d’unifier le peuple palestinien, et si cela s’avère impossible, il doit penser avant tout à éviter la guerre civile, même si cela implique la démission du gouvernement et l’organisation de nouvelles élections. Ce n’est pas le moment de nous lancer dans de dangereuses guerres intestines. L’intérêt collectif des Palestiniens doit toujours l’emporter sur l’intérêt d’un groupe ou d’une faction.

Il semble que le Hamas lui-même ne soit pas uni sous une direction et un programme, ce qui augmente la confusion. Ainsi, il semble y avoir de réelles contradictions entre les positions de la direction du Hamas de l’intérieur et sa direction de l’étranger, à Damas. Il apparaît qu’il y a une crise croissante au sein du Hamas. De plus, il est maintenant évident que le premier ministre Haniyeh n’a pas gagné le soutien plein et entier de la direction du Hamas.

La direction du Hamas de l’étranger, qui contrôle la milice (les brigades Al-Qassam) semble constituer une autorité qui prend le pas sur la direction de l’intérieur. Les « durs » de l’intérieur et la direction de l’étranger travaillent main dans la main, avec un programme différent qui est incompatible avec le Dialogue national, et qui va bientôt provoquer de graves dissensions au sein du Hamas.

La direction du Hamas à l’étranger, hébergée par le gouvernement syrien, joue le jeu de la Syrie et de l’Iran et est au service de leurs intérêts régionaux. Cette politique va radicaliser les positions palestiniennes et faire qu’une fois de plus, la cause palestinienne sera utilisée par des éléments externes pour servir leurs propres intérêts stratégiques régionaux.

En cas d’échec des tentatives de parvenir à un consensus national, le président Abbas doit envisager sérieusement de dissoudre le parlement et de constituer un gouvernement de salut public. Ce n’est pas pour contrer le Hamas et sa stratégie, mais bien pour sauver les Palestiniens de la destruction totale et du conflit interne qui s’éternise. Les Palestiniens sont suffisamment patients pour donner au Hamas une carte blanche limitée pour qu’il fasse ses preuves, mais tant qu’il n’y a aucun progrès, le Hamas doit garder à l’esprit qu’il doit rendre des comptes au public, qui n’attendra pas éternellement alors que la société tout entière se détériore. Le Hamas doit être assez sage pour prendre ses décisions au mieux des Palestiniens et pour promouvoir ce que la plupart des Palestiniens souhaitent : la création d’un Etat indépendant, souverain et viable qui vivra en paix avec ses voisins.