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Ha’aretz, édition des vendredi et samedi 21-22 juillet 2006
Trad. : Tal Aronzon pourLa Paix Maintenant
Rien de tel que la chute de missiles à Nazareth – et auparavant à Majdal Krum, Tarshi’ha, Hurfeish, Haïfa et Akko [[Villes et villages arabes ou mixtes de Galilée récemment bombardés depuis le Sud-Liban.]] – pour illustrer le fait que les Arabes israéliens font indissociablement partie de l’État d’Israël. Tout ce qui est bon pour Israël est bon pour eux, et tout ce qui est mauvais pour Israël l’est pour eux. La mort de deux garçonnets, les frères Mahmoud et Rabia Taluzi, frappés par un tir de Katioucha, met Nazareth dans la même situation que Haïfa et Nahariya. La même douleur, le même tribut, les mêmes missiles – venus du même lieu et du même expéditeur. Mais plusieurs éléments importants différencient Nazareth des autres villes du nord, et l’absence d’abris anti-bombes n’est que l’un d’eux. Un autre aspect non négligeable est le fait que Nazareth n’est pas moins indissociable des victimes libanaises des bombardements israéliens.
Des milliers de Palestiniens vivent à Sidon, Tyr et dans d’autres agglomérations libanaises – des réfugiés contraints de quitter leurs maisons et leur patrie en 1948, auxquels se sont ajoutés leurs dizaines de milliers de descendants. Le camp de réfugiés de Ein Hilweh, par exemple, est le foyer de centaines de familles issues de ceux qui furent déracinés du gros bourg de Saffouriya – qu’on appelle aujourd’hui Tzippori. Ils font partie de cette même famille qui a perdu les deux enfants de Nazareth.
Les membres libanais de la famille ne peuvent appeler leur parents à Nazareth pour savoir comment ils vont. L’administration libanaise, depuis l’époque de la domination syrienne, empêche tout contact avec Israël. Et la famille en Israël ne peut prendre de nouvelles de la parentèle au Liban, car les bombardements israéliens ont détruit le réseau téléphonique libanais.
Le récit des souffrances qui nous parvient de là-bas est sans fin. Nous écoutons, et nous sommes déchirés, de part et d’autre, parce que nous sommes tout à la fois ici et là-bas. Certains sont d’ici, d’autres sont de là-bas.
Les Katiouchas nous frappent exactement comme tous les habitants du nord, ils ne font pas de distinction entre Juifs et Arabes ; entre Nazareth, ville arabe, et Nazareth Illith, ville juive [[Cité à population juive, « Nazareth-la-Haute » s’est édifiée depuis le début des années quatre-vingts au-dessus de la ville arabe.]]. C’est comme les «bombes intelligentes» de Tsahal, aveugles elles aussi, qui ne font pas de distinction entre le Hezbollah et les réfugiés de Saffouriya. Ces bombardements ont précipité les réfugiés dans un nouvel exil, pour la troisième ou la quatrième fois en quelques années. Nous prenons des coups tout à la fois de la part d’Israël, quand nos parents là-bas sont sous les bombes ; et comme tous les Israéliens quand notre famille nous envoie des bombes de là-bas.
Non seulement le Hezbollah ne s’est pas excusé pour avoir tiré en direction des villes et villages arabes, mais il a totalement omis ces bombardements dans ses reportages sur la chaîne Al Manar. Dans ses bulletins d’information, il prend soin d’énumérer toutes les villes et villages juifs touchés pas ses Katiouchas, mais a complètement ignoré le résultat de ses actions contre les localités arabes. En revanche, le Premier ministre Ehud Olmert a effectivement appelé le maire de Nazareth pour lui présenter ses condoléances.
Le lendemain, nous avons compris qu’Olmert voulait apparemment exploiter l’incident en accusant le Hezbollah d’avoir fait feu, soulignant que Nazareth est l’une des villes saintes de la chrétienté. Nous avons vu là la tentative d’exciter les tensions ethniques entre chrétiens et musulmans au sein de la cité – ce que le gouvernement de Benyamin Netanyahou était parvenu à faire dans le passé, et qui lui a coûté cher ! Incidemment, les deux morts de Nazareth, comme la grande majorité des Arabes blessés par les Katiouchas du ‘Hezbollah, sont musulmans et l’on compte au moins un chiite parmi eux.
Les Arabes israéliens sont déchirés, c’est un fait – mais ce n’est ni faute de savoir se situer entre les deux côtés, ni faute de savoir décider qui soutenir. C’est parce qu’ils s’inquiètent du sort de chacune des deux parties ; ils veulent le mieux pour toutes deux ; ils représentent l’intérêt commun aux deux. C’est pourquoi ils appellent à en finir avec le bain de sang et à choisir la voie des pourparlers et du dialogue.