Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Noam Arnon est tres fier des appartements construits ces six derniers mois dans un nouveau quartier juif, au coeur des halles de Hebron.

Apres que les proprietaires palestiniens eurentabandonne leurs magasins, a la suite d’annees de confrontation avec leurs voisins juifs, de nouveaux murs ont ete eriges a la hate, et des cuisines et des salles de bain installees.

« Ils sont petits mais parfaits », dit Arnon, pere de huit enfants et porte-parole de la communaute juive de Hebron. « Plusieurs familles juives se sont installees depuis six mois. Trois enfants y sont nes. Allez les visiter! »

Ces jours-ci, peu de gens viennent rendre visite a Arnon, sauf s’ils sont equipes de gilets pare-balles et de vehicules blindes. Hebron est connue pour la violence entre Juifs et Arabes qui y regne, et qui a fait plusieurs dizaines de victimes ces dernieres annees.

L’avenir des colonies juives en territoire palestinien semble etre devenu assez precaire, a cause de l’intifada et de l’impatience de la communaute internationale vis-a-vis de l’impasse dans laquelle se trouve le conflit.

L’administration Bush a vivement conseille a Sharon, lors de sa visite a
Washington, de freiner l’expansion des colonies, et Sharon a declare a la
television qu’il faudrait faire des « concessions douloureuses » sur les colonies – suggerant par la qu’il comprenait la necessite d’en evacuer certaines.

Selon de recents sondages, une majorite d’Israeliens considere les colonies
comme un obstacle a la paix. Dans l’un de ces sondages, 71%, soit le plus
gros pourcentage jamais atteint, soutenaient l’evacuation de toutes les colonies de Gaza et de celles situees pres des centres de populations palestiniennes en Cisjordanie.

Dans un rapport publie lundi dernier, B’Tselem a montre que les colonies – qui abritent 200.000 personnes sur 144 sites en Cisjordanie et a Gaza – etaient reparties de facon a rendre impossible un Etat palestinien viable.

Selon B’Tselem, les colons, qui vivent sur moins de 2% de la superficie de
Cisjordanie, en controlent 42% des terres. Le mouvement a publiee des cartes
montrant comment les villes et les villages arabes etaient entoures par les
colonies juives et le reseau de routes qui y conduisent, rendant ainsi des
negociations extremement difficiles.

Pendant des annees, les Israeliens ont tolere les colonies, mais aujourd’hui, beaucoup commencent a remettre en question le fait de les maintenir, en particulier les quelque 30 avant-postes isoles, entoures de centres de population arabe.

« Difficile de dire quelles sont les colonies qui doivent partir en premier en cas de retrait unilateral », dit Lior Yavne, responsablle de presse de B’Tselem, « mais je pense qu’on peut dire sans grande crainte de se tromper que celles de Gaza – environ 15 colonies – sont celles qui sont le plus facilement susceptibles d’etre evacuees ».

L’une des causes de ce sentiment anti-colonies croissant est leur prix en vies humaines. Au total, 155 soldats israeliens sont morts pendant l’intifada, la plupart au cours de missions de protection des colonies, ou d’escorte de colons.

Un des episodes qui a le plus horrifie les Israeliens s’est deroule sur un checkpoint pres d’Ofra, une colonie eloignee de Cisjordanie, ou en mars dernier, 11 soldats israeliens ont ete tues par des tireurs palestiniens. Le lendemain, l’armee a evacue le checkpoint, et admis plus tard qu’il avait ete etabli sur un site « inadequat ».

« Je crois que les Israeliens sont en train de se reveiller, et de dire ‘eh, ces gens-la choisissent de vivre dans ces endroits dingues, impossibles a proteger, et on y envoie nos soldats les proteger, mourir pour eux, sur nos impots? Attendez, ca ne va pas’. », dit Didi Remez, porte-parole de La Paix Maintenant, le mouvement de terrain en faveur de la paix le plus important en Israel, qui appelle Israel a se retirer de Cisjordanie et de Gaza.

Certains experts militaires israeliens ne disent pas autre chose. La ligne de defense qu’Israel doit proteger est maintenant, a cause des colonies de Cisjordanie, 10 fois plus longue que la celebre Ligne Verte, frontiere d’avant 1967.

« Le plus urgent… est de nous desengager inconditionnellement des territoires », a dit Ami Ayalon, ancien chef de la securite interieure israelienne, dans une recente interview.

Neanmoins, pas moins de 34 nouvelles colonies ont ete construites en Cisjordanie depuis que Sharon est Premier ministre. Les colonies plus anciennes s’etendent, et des permis de construire ont ete recemment accordes
pour Maale Adoumim, une colonie proche de Jerusalem.

La Paix Maintenant a deja reflechi aux implications d’un demantelement de
certains avant-postes eloignes.
« Nos recents sondages montrent qu’un nombre incroyable de colons – disons
60% – disent ‘donnez-moi l’argent, et je m’en vais’ « , dit Remez. « Il en couterait autour de 700 millions de $ pour reloger les gens dans les villes d’Israel, dans des logements de meme categorie. Sur le plan logistique, c’est tres certainement faisable ».

On ne sait pas encore d’ou viendrait le financement dune telle mesure, mais il est question des Etats-Unis et des pays europeens, qui fourniraient une partie de l’argent necessaire aux evacuations, aux demenagements, et a la construction de nouveaux logements.

Plusieurs milliers de colons seraient prets a partir, mais il y a un probleme : ceux qui sont d’accord ne sont pas ceux qui habitent les colonies isolees. Ceux-la sont le plus souvent des durs.

« La question est : durs comment? Si une majoorite suffisamment importante en
Israel veut qu’ils s’en aillent, au bout du compte, ils devront partir », dit Remez. « Selon nos estimations, seuls quelques centaines se battraient rellement avec des soldats israeliens venus les evacuer ».

Si les colons sont evacues, de force ou non, reste a savoir si les maisons
et les infrastructures doivent demeurer intactes.
« L’evacuation des colonies ne ressemblerait pas a celle de Yamit (dans le
Sinai, evacuee puis detruite apres la signature d’un traite de paix avec l’Egypte). Il est possible que les maisons restent en l’etat, et que des refugies palestiniens les utilisent », dit Yossi Alpher, analyste militaire, et ancien directeur du Centre Jafee d’Etudes Strategiques a l’Universite de Tel-Aviv. « D’un autre cote, il peut y avoir de bonnes raisons de detruire les maisons, s’il apparait que les colons desirent y revenir », ajoute-t-il. « En cas de violences et de chaos politique, il pourrait etre necessaire de detruire les maisons, parce que les colons pourraient considerer leur retour comme une option, si elles ne sont pas detruites ».

Malgre ses allusions a de « douloureuses concessions », Sharon a recemment declare a un journaliste de la television israelienne qu’il n’envisage l’evacuation d’aucune colonie, meme a Gaza.

« Netzarim est comme Tel-Aviv », a-t-il dit.

Pendant ce temps, a Hebron, Arnon, porte-parole des colons, dit que les nouveaux appartements des anciennes halles palestiniennes ne sont qu’un commencement.
« Nous avons un plan d’amenagement d’une partie bien plus importante des halles », dit-il sur le ton de la confidence. « Et nous les rempliront de familles ».