[[L’auteur est actuellement directeur general de l’Initiative de Geneve, il fut precedemment attache de presse de l’ancien Premier Ministre Ehud Barak.]]
Trad. : Tal Aronzon pour La Paix Maintenant
Haaretz, le 3 aout 2004
L’affirmation populaire selon laquelle, « il n’y a personne a qui parler » rejouit l’appetit de tous ceux qui rejettent le dialogue : on voit poindre au sein de l’Autorite palestinienne les premisses d’une anarchie qui pourrait bien se transformer en chaos total. La prophetie d’Ariel Sharon se realise. Si nous ne leur parlons pas, si nous les ignorons, si nous les frappons, ils disparaitront. L’interlocuteur potentiel avec lequel un accord pourrait etre trouve s’affaiblit de jour en jour.
Le temps est venu de prouver que la prophetie inverse peut, elle aussi se realiser. Nous devons parler au camp d’en face avant de manquer definitivement l’occasion de trouver une solution basee sur deux Etats.
Au seuil du retrait de Gaza, nous devons nous poser deux questions. Nous sortons, mais qui va rester ? Nous en sortons, mais qu’y faisons-nous entrer ?
Israel pourrait bien s’apercevoir que son retrait de Gaza n’a pas fait évoluer la situation actuelle et que les difficultes, la douleur et le danger sont toujours presents. L’occupation continuera, le conflit s’intensifiera, le desespoir grandira. Mais une autre voie est possible : declarer que le retrait de Gaza n’est qu’une etape vers un accord permanent. Gouverner ne signifie pas uniquement choisir l’un des chemins existant ; bien souvent il appartient aux dirigeants d’en tracer un
autre.
Notre gouvernement ferait bien de préparer la route qui mene d’un retrait partiel et unilateral a un accord permanent. De Gaza a Geneve. Nous pouvons et nous devons sortir de Gaza, mais pour mener a bien l’evolution souhaitee au sein de notre societe, de notre economie et de notre culture, devons aussi nous sortir de ce conflit.
Pour etre a meme de resoudre nos problemes existentiels, le gouvernement
doit modifier sa façon de voir les choses meme si c’est plus difficile que
de jongler avec les differents elements de la coalition.
Jusqu’alors, la methode a ete des plus claires : commencer par detruire
l’Autorite palestinienne, puis protester contre son incapacite a reprimer
les hors la loi ; commencer par ignorer les premiers Ministres Abu-Mazen (
Mahmoud Abbas) et Abu Ala ( Ahmad Qurei), puis se plaindre du manque
d’interlocuteur. Si nous voulons choisir la bonne voie pour sortir de Gaza, il nous faut egalement considerer l’envers de la medaille. Peut-etre, la relance des negociations avec le gouvernement palestinien augmenterait-elle sa capacite a lutter contre les extremistes. Peut etre un retrait de Gaza effectue en coordination avec Mohammed Dahlan et Jibril Rajoub plutôt qu’avec les Americains et les Egyptiens, permettrait – il de jeter les bases d’une vraie cooperation ouvrant la voie a des negociations.
En plus de relancer le dialogue avec les Palestiniens pragmatiques, le
gouvernement doit annoncer que le retrait de Gaza n’est qu’une phase des
negociations devant mener a un accord permanent base sur la feuille de route. Nous ne detruirons pas les maisons des colons, mais les restituerons considerant qu’elles representent une partie des compensations que nous devrons verser aux refugies, quoi qu’il arrive. Nous ne perpetuerons pas l’occupation par des moyens detournes, mais aiderons plutot a la construction de l’infrastructure du futur Etat palestinien. Nous n’attendrons pas les reformes demandees a l’Autorite palestinienne, mais aiderons plutot ceux qui sont potentiellement en mesure de le faire, a les mener a bien. Nous ne nous installerons pas dans la lutte anti-terroriste, mais nous attellerons plutot a instaurer un reel cessez-le-feu. Nous n’attendrons pas un plan international ( et il
s’en dessinera certainement un apres les elections americaines) mais
presenterons plutot notre propre initiative qui exposera dans les grandes
lignes, la teneur des negociations. Tous les problemes essentiels y seront
traites.
Le retrait de Gaza, aussi juste et bienvenu soit-il, est comme l’aspirine : il soulage une certaine douleur a un endroit donne. Nous ne devons pas resister a l’antalgique, mais ne devons pas non plus nous bercer de l’illusion qu’il est un remede a la maladie. Nous, Israeliens et Palestiniens, sommes prets, non seulement a avaler des comprimes, mais aussi a entreprendre un traitement chirurgical. Nous savons exactement quelle en sera l’issue. Les grandes lignes en ont ete tracees, par Bill Clinton a Camp David et a Taba, dans l’accord Ayalon Nusseibeh ainsi que dans l’Accord de Geneve. Un gouvernement qui a le courage de nous faire sortir de Gaza, doit egalement avoir celui d’admettre que ce retrait seul, est insuffisant.
Si Israel se retire de Gaza tout en renforçant son emprise sur la Cisjordanie , ce qui aurait pour consequence a la fois d’envenimer le debat a l’interieur de ses frontieres et d’embraser le conflit a l’exterieur, alors l’histoire ne retiendra ce changement que comme un episode interessant (bien que non nécessairement positif).
Si au contraire, ce retrait est perçu comme un jalon sur la route qui mene a un accord permanent, alors la decision de le mettre en œuvre, s’averera avoir ete une avancee historique de la plus haute importance.