The Forward, 25 mars 2005
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
La procureure Talia Sasson a rendu un rapport provisoire sur les avant-postes illégaux, ces colonies en Cisjordanie qui ont été construites sans autorisation officielle d’Israël, depuis plus de 10 ans. Après des mois de recherches et de frustrations devant l’attitude évasive de bureaucrates, elle a réussi à prouver ce que La Paix Maintenant affirme depuis plusieurs années. Les colons n’ont pas agi seuls pour construire les avant-postes. Les ministères du Logement et de la Défense, ainsi que la division « implantations » de l’Organisation sioniste mondiale, se sont révélés coupables d’avoir détourné illégalement des millions de dollars vers les avant-postes, par un système parallèle qui faisait fi de la loi.
Le rapport Sasson ne fait pas qu’apporter la honte sur les institutions d’Etat d’Israël, il expose aussi le peu de contrôle exercé par les dirigeants de la diaspora, américains et autres, qui sont censés être en charge de l’Organisation sioniste mondiale. Que ce soit par sa négligence ou par son soutien actif, la communauté juive internationale a facilité une violation massive de la loi israélienne.
Bien qu’il faille porter au crédit du Premier ministre Sharon d’avoir commandé ce rapport et d’avoir promis de suivre ses recommandations, il aurait pu épargner du temps en publiant simplement son agenda. Il est aujourd’hui absolument clair (s’il y avait jamais eu le moindre doute) que Sharon lui-même a été l’une des forces principales derrière cette connivence avec les colons, pendant toutes les années de son gouvernement.
Sur les quelque cent avant-postes existants, environ la moitié ont été créés après mars 2001, quand Sharon est entré en fonction. Selon les stipulations de la Feuille de route, ces avant-postes auraient dû être démantelés il y a un an, et pourtant, ils demeurent intacts. Il a également contribué à ériger une bonne partie des autres avant-postes qui constellent les collines de Cisjordanie.
Le rapport Sasson est loin de traiter exhaustivement des colonies. Les avant-postes ne sont qu’un aspect de l’entreprise de colonisation qui a corrompu le processus démocratique en Israël.
Sasson expose la manière dont, obstinément, les colons ont pris en main leurs propres affaires et construit les avant-postes, sans qu’intervienne un quelconque vote, en utilisant des alliances secrètes avec des bureaucrates et des politiciens sympathisants, et ont ainsi détourné de l’argent public pour carrosser des routes, installer des services d’eau et d’électricité, tout cela pour la plus grande gloire de la Terrre d’Israël.
Les colons ont eu la même approche concernant les colonies plus anciennes. Malgré une autre obligation d’Israël dans le cadre de la feuille de route, à savoir le gel de toute activité [de construction] y compris par leur croissance naturelle, les colonies plus anciennes ont continué à étendre leurs limites, couvrant ainsi davantage de territoire, et abritent davantage de gens attirés en Cisjordanie, en partie à cause des avantages financiers généreusement offerts par le gouvernement. Cette croissance, en population et en territoire, qui est bien plus importante que celle des avant-postes, rend plus improbable leur évacuation qui permettrait la création d’un Etat palestinien indépendant viable, qui est censé émerger du processus de paix.
L’affaiblissement de la démocratie israélienne, le gaspillage des recettes des impôts, les violations répétées des engagements israéliens et la perpétuation du conflit israélo-palestinien, tous ce problèmes remontent à l’entreprise de colonisation et ne peuvent plus être ignorés.
Il faut noter que Sharon prend une mesure très importante pour répondre à une partie de la situation par son plan de désengagement, qui peut créer un précédent important en démantelant colonies et avant-postes. Mais cette mesure ne suffit pas. Il suffit d’observer comment certains ministres tentent d’effectuer une distinction entre les avant-postes de Cisjordanie construits avant et après la date-limite fixée par la Feuille de route pour comprendre qu’à moins que les responsables de leur construction ne rendent des comptes, les colons et leurs alliés continueront à se moquer de la loi israélienne.
Il faut une enquête officielle qui toucherait tous ceux qui sont impliqués dans les activités illégales soulignées par le rapport Sasson. Il faut dire clairement que si Israël veut être pris au sérieux quand il déclare constituer « la seule démocratie du Moyen-Orient », il ne peut alors tolérer que ses lois soient ouvertement bafouées : combien elle a coûté à la nation, et si Israël va continuer à se serrer l ceinture sur le plan intérieur pour maintenir l’occupation des territoires palestiniens.
De plus, il faut ouvrir un débat, en Israël comme dans la diaspora, sur l’état de l’entreprise de colonisation. Les contribuables israéliens, comme les donateurs étrangers, doivent exiger la mise en oeuvre des réformes que recommande Talia Sasson, et ne pas laisser la commission ministérielle chargée d’étudier son rapport d’enterrer ces mesures par des atermoiements sans fin. Les institutions qui ont caché des informations à Talia Sasson doivent être tenues de coopérer.
Enfin, il faut se rendre compte qu’avec un partenaire palestinien crédible aujourd’hui au pouvoir, le temps est venu pour Israël de remplir ses obligations concernant les colonies, comme les palestiniens doivent remplir les leurs en combattant le terrorisme.
Dror Etkes dirige l’Observatoire de la colonisation pour Shalom Akhshav