Ha’aretz, 17 mars 2008

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les colonies de Cisjordanie ont agrandi leurs juridictions administratives en prenant le contrôle de terres palestiniennes privées et en les allouant à des colons. Ce que l’Administration civile qualifie elle-même de « vol » s’est déroulé de manière parfaitement planifiée, et sans aucune autorisation officielle.

Pour la première fois, cette méthode a été rendue publique à l’occasion du témoignage d’un habitant de la colonie de Kedoumim, Michael Lesence, lors d’une audience d’appel contre un ordre de l’Administration civile d’évacuer 3,5 ha de terres près d’un quartier de Kedoumim. Les registres officiels montrent que ces terres appartiennent à des Palestiniens du village de Kafr Qaddum.

L’avocat de Lesence a admis à l’audience que les terres en question étaient des biens palestiniens privés. Toutefois, Lesence en revendique la propriété au motif qu’il les cultive depuis plus de dix ans, après les avoir reçues en bonne et due forme, forme assortie d’un accord écrit, de la part des chefs du conseil municipal de Kedoumim.

Des représentants de l’Administration civile déclarent en revanche que Lesence n’a commencé à cultiver ces terres que depuis six mois. Les avocats Michael Sfard et Shlomi Zecharia, qui représentent les propriétaires palestiniens au nom de Yesh Din – Volontaires pour les droits de l’homme, soulignent que leurs clients ont continué à cultiver leurs terres, et que l’armée et les colons de Kedoumim leur en ont interdit l’accès.

Les habitants de Kedoumim ont affirmé devant le jury que les Palestiniens n’avaient aucun problème à accéder à leurs terres. Mais une visite de la zone révèle une situation bien différente : le garde posté près de la zone en question annonce « qu’il est interdit de laisser les Arabes » pénétrer sur les terres proches de ce quartier de Kedoumim. Quand les Palestiniens se sont approchés de ces terres à pied, une patrouille de l’armée est arrivée sur les lieux et les a évacués. Averti de l’existence de documents prouvant que les Palestiniens étaient bien propriétaires, l’officier a répondu : « Les documents ne m’intéressent pas. »

Cette méthode d’appropriation de terres s’est développée à Kedoumim et dans les colonies environnantes vers le milieu des années 90, après les accords d’Oslo, et continue jusqu’à ce jour.

Zeev Mushinsky, « coordinateur des terres » au conseil municipal de Kedoumim, a témoigné de la manière de faire : les employés du conseil municipal, Mushinsky dans ce cas précis, relevaient sur une carte les « terres abandonnées » autour des colonies, même si elles se situaient hors de leur juridiction, avec pour objectif de s’en emparer. Le conseil municipal « allouait » lesdites terres à des colons, qui signaient un document officiel selon lequel ils déclaraient n’avoir aucun droit de propriété, et que le conseil pouvait les évincer quand il le jugeait bon, avec à la clé des indemnités correspondant uniquement aux investissements effectués pour la culture de la terre.

Michael Bar-Neder, ancien responsable de la sécurité à Kedoumim, a reconnu sous serment que cette « allocation » de terre était suivie d’un effort d’agrandissement de la colonie. Selon lui, une fois que les colons s’étaient saisis des terres, une demande était envoyée au commandement militaire pour que la terre soit déclarée terre d’Etat, car selon cette loi, qui s’applique en Cisjordanie, quiconque ne cultive pas sa terre pendant trois ans renonce de fait à son droit de propriété [Pour comprendre plus précisément ce mécanisme, qui utilise le droit ottoman, et plus généralement sur ce sujet, voir [« Les terres volées aux Palestiniens : rapport de Shalom Akhshav sur la construction des colonies sur des terres privées palestiniennes » ]].