En Israël, à la surprise générale, des affrontements communautaires se sont récemment produits dans plusieurs villes mixtes judéo-arabes. Myriam DARMONI CHARBIT répond aux questions de Paul Ouzi MEYERSON sur cette vague de violences.
Pédagogue spécialisée dans le dialogue social, Myriam DARMONI CHARBIT a encouragé pendant 20 ans le dialogue et l’apprentissage commun entre Juifs et Arabes. Elle a été directrice au Centre de technologie des sciences de l’éducation à Tel-Aviv et maître de conférences en pédagogie à l’Université ouverte d’Israël.
Myriam Darmoni Charbit a été surprise par l’ampleur et la violence des émeutes entre Arabes et Juifs. Cependant, elle reconnaît “avoir su qu’il y avait de graves tensions dans nos sociétés car l’éducation et le vivre ensemble sont mes domaines d’activités”. Elle constate que le Ministère de l’éducation, depuis des années, n’investit pas suffisamment dans les villes mixtes qui sont aussi des villes pauvres et que l’accumulation des facteurs ont certainement contribué à l’émergence de la violence : crise du système politique, pandémie du Coronavirus, affrontements à Jérusalem, enfin guerre à Gaza. “La cocotte minute a explosé”, explique-t-elle.
« On aimerait à penser qu’il y aura une prise de conscience de la nécessité d’investir massivement dans l’éducation et le vivre-ensemble... Toutes les communautés souffrent de cette situation de sous investissement et ne savent pas comment s’en sortir. Ce sont des pans entiers de la jeunesse juive et arabe qui vit dans la pauvreté et l’ignorance. Les villes mixtes cumulent les handicaps”. Elle indique, pour illustrer ce sous -investissement et un manque de vision à long terme, qu’elle a eu besoin de soutien philanthropique pour effectuer le travail qui a été le sien en ce domaine à Ramleh et que la puissance publique n’a malheureusement pas pris le relais.
Sur le profil des participants aux émeutes, Myriam Darmoni Charbit s’accorde à les définir comme “des jeunes hommes aux passions exacerbées par les tensions sociales et identitaires. C’est vrai pour les émeutiers juifs qui, en grande majorité, sont issus des rangs nationalistes-religieux et venaient, pour beaucoup, des implantations, considérant les arabes comme une cinquième colonne ; par contre, chez les Arabes israéliens, il y a un mélange d’identification religieuse avec le Hamas et de révolte contre des conditions sociales insupportables à leurs yeux”.
Pour Myriam Darmoni Charbit, les manifestations palestiniennes et israéliennes à Jérusalem ont joué un rôle déclencheur à l’origine des émeutes racistes de part et d’autre. Elle ne se prononce pas sur des provocations éventuelles de la part du gouvernement israélien, mais elle considère « qu’il y a eu cependant beaucoup de maladresses dans la gestion des événements. Tout cela a mis de l’huile sur le feu !”.