Ha’aretz, 25 janvier 2008

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


A la question rituelle de savoir quel candidat aux présidentielles américaines serait le meilleur pour les Juifs, il existe une réponse juive, c’est-à-dire par une autre question. En fait, par deux questions : « Qu’est-ce qui est bon pour les Juifs ? », et « Pour quels Juifs ? »

Par exemple, ce week-end, le New York Times rapportait que lors de la conférence de la Ligue arabe qui doit se tenir le mois prochain à Damas, l’offre d’une normalisation des relations des Etats arabes avec Israël en échange de la fin de l’occupation serait réexaminée. Est-ce bon ou mauvais ? Cela dépend à quel Juif on pose la question.

Le Premier ministre Ehoud Olmert dit que, pour les Juifs, le plus important et le plus urgent est la création d’un Etat palestinien sur la plupart des territoires occupés. Selon lui, si nous ne trouvons pas une manière de partager la terre en deux Etats, le plus vite possible, Israël deviendra un Etat binational. En d’autre termes, si l’on suit Olmert, un président américain opposé à un accord définitif avec les Palestiniens est une menace pour le sionisme.

De son côté, le leader du Likoud Benjamin Netanyahou affirme qu’un président qui pousse à la création d’un Etat palestinien soutient en réalité la création d’une « entité terroriste » qui menacerait l’existence d’Israël. Netanyahou se sent chez lui dans le camp des politiciens américains proches de l’évangéliste Pat Robertson, qui avait déclaré, quelques heures après l’accident cérébral d’Ariel Sharon, qu’il s’agissait d’une punition divine « pour avoir divisé une terre sainte qui n’appartient qu’à Dieu. »

Olmert est devenu le représentant le plus important de l’opinion selon laquelle les colonies sont un obstacle pour l’avenir du sionisme. De ce point de vue, le président Bush père était meilleur pour les Juifs que son fils. Le père avait gelé les promesses américaines d’un prêt destiné à financer l’absorption des nouveaux immigrants pour punir Itzhak Shamir qui avait refusé de geler la colonisation pendant les négociations. De son côté, Bush fils se contente des promesses traditionnelles d’Olmert de respecter les engagements de son prédécesseur Sharon et d’évacuer les colonies illégales.

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Entre les déclarations soigneusement rédigées des trois candidats à la présidentielle, on peut remarquer que Barack Obama, Hillary Clinton et John McCain ne proposent rien de très différent : deux Etats séparés par la ligne de 1967, avec des modifications mutuellement agréés quant à leur localisation précise, et une solution équitable et réaliste au problème des réfugiés.

L’engagement pour la sécurité d’Israël est depuis longtemps le test décisif pour mériter le titre d »ami d’Israël ». Il y a longtemps que les arabistes du département d’Etat, qui doutaient du droit d’Israël à exister dans la sécurité, ont jeté l’éponge. Les trois candidats se sont entourés de conseillers qui considèrent la paix avec le monde arabe comme la clé de la sécurité d’Israël. Pour eux, la résolution du conflit israélo-arabe renforcera le camp pragmatique arabe dans sa lutte contre l’islamisme radical.

Si l’on en croit le gouvernement israélien actuel, le titre d' »ami d’Israël » serait réservé à un président américain qui ne se contenterait pas de jolies paroles sur un « horizon politique », et qui placerait le défi des deux Etats en haut de son ordre du jour.

Tel n’est pas le cas de l’establishment juif américain. Pour lui, un « ami d’Israël » est un Américain qui laisse les Arabes et les Israéliens se massacrer, sur le chemin d’un Etat binational ou d’un régime israélien d’apartheid. Un exemple d' »ami d’Israël » serait par exemple quelqu’un comme l’évangéliste Gary Bauer, candidat aux primaires républicaines il y a huit ans.

L’AIPAC, le puissant lobby pro-israélien, de daigne pas vraiment se mobiliser en faveur d’une solution à deux Etats. Invité d’honneur de l’AIPAC à l’un de ses congrès annuels, Gary Bauer avait rappelé à un public enthousiaste : « Dieu a donné la Terre d’Israël au peuple juif, et il est absolument interdit de la donner à un autre peuple. »

Les caciques de l’appareil juif américain (qui, d’après les sondages, sont loin de représenter la majorité des Juifs aux Etats-Unis) considèrent Bauer comme un « ami d’Israël ». En revanche, Obama a perdu ce titre à leurs yeux quand Robert Malley, l’un des conseillers de Bill Clinton pour le Moyen-Orient, a été vu à son QG de campagne.

Ehoud Olmert lui-même a affirmé que, sans une solution à deux Etats, « c’est la fin d’Israël. » Les organisations juives disent qu’elles soutiennent le gouvernement israélien, quelle que soit sa politique. Alors, qui est le bon Juif ? Celui qui soutient un candidat qui appelle à la création d’un Etat palestinien, ou celui qui s’y oppose ?