Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le rapport présenté dimanche au gouvernement par le coordinateur de l’action publique dans les Territoires perturbe et déprime quiconque se soucie du bien d’Israël – et pas seulement ceux qui s’inquiètent du bien-être et des droits des Palestiniens. Le general de brigade Amos Gilad fait un portrait saisissant de la société palestinienne, dont les trois millions de membres s’engluent sans espoir, apres deux années d’intifada, dans un bourbier de pauvreté, de chômage et de dépendance économique. Tout ici s’effondre et se délite ; seule croît la haine
envers Israël.
Environ 60% des Palestiniens, et 80% des habitants de la bande de Gaza sont en dessous du seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale. La survie de deux Palestiniens sur trois dépend de l’aide humanitaire étrangère, laquelle ne parvient pas toujours à ses véritables destinataires, du fait de la corruption et du désordre généralisés. L’Unwra, l’agence des Nations Unies chargée de l’assistance aux réfugiés au sein des camps, a étendu son champ d’activité et secourt de nombreux citadins. « On ne meurt pas de faim, dit le coordinateur, mais des signes de malnutrition sont désormais evidents dans certaines régions. »
Le rapport du coordinateur montre clairement qu’en dépit du déclin économique, la plupart des habitants des Territoires persistent à soutenir la lutte armée. Plus Israël leur fait la vie dure, plus leur haine des Israéliens – et en particulier des colons et des soldats – croît. Chaque fois que Tsahal rouvre un peu les frontières et prend quelques mesures facilitant légèrement la vie des civils, une nouvelle
vague d’attentats meurtriers vient lui répondre.
L’ambassadeur du Royaume-Uni, Sherard Cowper-Coles, a suscité la colère du gouvernement israélien en rendant publiques ses impressions à la suite de ses visites au-delà de la Ligne verte en compagnie du général Gilad. Il a décrit les Territoires comme un vaste camp de prisonniers et cite les humiliations et harcèlements gratuits auxquels les habitants sont fréquemment soumis. L’ambassadeur dit s’être exprimé en tant qu’ami d’Israël, mû par la peine et l’inquiétude. Le rapport du coordinateur, en revanche, est formulé avec une froide objectivité, comme s’il s’agissait d’une étude impersonnelle portant sur quelque contrée lointaine.
Les faits et analyses présentés dans ce rapport ne sauraient être acceptés par Israël ou ses amis avec équanimité – et aveuglement. Ce qu’il décrit témoigne d’une tragédie en train de se produire et devrait s’afficher en lettres de feu – car pour être la tragédie des Palestiniens elle n’en est pas moins notre. Leur société s’effondre, mais les valeurs morales d’Israël s’effritent avec elle. Le soutien et l’amitié dont Israël jouissait à l’étranger et qui lui sont importants subissent la même érosion. Quand trois ministres – Shimon Peres, Dan Meridor et Matan Vilnaï – evoquent chacun la même vague de répulsion et d’hostilité envers Israël à leur retour de diverses capitales européennes, ce n’est pas chose à négliger.
A court terme, le rapport du coordinateur entraîne des conclusions pratiques, à savoir diverses mesures allégeant la vie des civils palestiniens et réduisant, autant que faire se peut, les occasions de friction entre la population palestinienne et l’armée israélienne. Mais Israël doit aussi mettre en chantier des avancées diplomatiques ambitieuses – ce qui ne sera peut-être possible qu’une fois la crise
irakienne résolue – afin de mettre fin, une fois pour toutes, à une situation intolérable où des millions d’êtres humains souffrent de l’occupation israélienne.