Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Inopinément, l’index accusateur d’Israël s’est cette semaine déplacé d’Arafat vers la Syrie, taxée de « responsabilité directe » dans l’attentat de Megiddo. Mais, pourrait se demander le profane, si la Syrie est coupable, et peut-être bien l’Irak et l’Iran aussi, pourquoi s’en prendre à la couche d’Arafat? Pourquoi Israël a-t-il bombardé sa chambre à la Muquata – la dernière peut-être des « cibles ennemies » encore debout après plus d’une année de frappes aériennes, navales et d’artillerie classique contre chaque tank, bureau ou touche de clavier dépendant d’Arafat ?
La réponse semble d’ordre plus psychologique que stratégique, depuis que
toute l’attention d’un pays reconnu comme le plus puissant du Proche-Orient
s’est focalisée sur un seul homme, fait totem et obsession. La chambre d’Arafat se trouvait là, c’est pourquoi on l’a détruite. Arafat constitue la cible la plus facile à atteindre alors que nous n’avons pas la moindre idée de ce que nous pourrions faire d’autre que le punir et lui donner une leçon. Le désir même (ou plutot le désir affiché) de nous débarrasser de lui relève de ce regard obsessionnel que nous portons sur Arafat et lui seul.
De toute évidence, la confusion qui règne dans la région n’est pas sans rapport avec la personnalité pertubée d’Arafat ; mais la personnalisation du conflit et la façon qu’a le gouvernement de prendre un homme pour seul exutoire de sa colère et de son besoin de vengeance et d’en faire le bouc émissaire de son étroitesse de vues et ses frustrations accumulées tient elle aussi du délire maniaque. Une fois encore, se joue la scene pathétique où un vieil Arabe incarne notre « ennemi » (c’est vrai, le casting est du tonnerre!). Apres chaque attaque sanglante, la nation tout entière retient son souffle, attendant de voir si le vieux bouc va finalement
s’effondrer et éclater en sanglots maintenant que des représailles massives ont réduit en miettes sa voiture, son avion ou un vase dans sa chambre. Si au moins cette tactique portait ses fruits, mais Arafat n’en sort que plus fort, attaque après attaque. Qui plus est, dans une relation quelque peu perverse, il semble qu’Israël et Arafat soient entrés dans des rapports sado-masochistes : ne paraît-il pas aimer les coups autant que nous lui en donner ?
Qu’il en soit ainsi ou non, en l’absence de toute autre perspective politique ou militaire, l’obsession arafatienne est devenue le seul « programme » de ce
gouvernement et sa raison d’être. Le conseil des ministres se réunit tous les matins pour examiner la « responsabilité d’Arafat » et se sépare rassuré de l’avoir trouvé aussi coupable qu’on l’en accusait. Le gouvernement évoque son « arrestation » (à savoir la mesure d’hier soir) et salive à la pensée de son « banissement » et de sa « démission » (à savoir celles de demain soir). Il balaie d’une chiquenaude la contradiction entre la logique de l’encerclement (« empêcher qu’on déroule de par le monde un tapis rouge sous les pas d’Arafat ») et le fait que c’est précisement ce qui va arriver si on le « bannit ». Mais la logique (pour autant qu’il y en ait une ici…) n’est pas de la noce.
Que ferait notre coalition de généraux si Arafat disparaissait soudain ? Que
feront-ils quand il leur faudra vraiment se colleter à la question des territoires, des frontiàres, des réfugiés, de l’économie, de la sécurité ? Comme dans la fable de l’homme qui avait perdu un louis dans un recoin obscur et s’en fut le chercher dans la lumière d’un réverbère, nous cherchons la paix absente et la sécurité perdue à la lueur de la personnalité d’Arafat. Se pourrait-il que nous ne voulions pas réellement les trouver ?