Jerusalem Post, 8 mai 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Depuis plusieurs mois, le gouvernement israélien prépare son retrait unilatéral de la Cisjordanie. Ariel Sharon avait nommé une équipe chargée de planifier le grand désengagement (appelé « convergence ») de la plupart des colonies de Cisjordanie située à l’est de la barrière de séparation.
Cette équipe a tenté de tirer les leçons du retrait de Gaza. Les leçons qui concernent les colons ont pour la plupart été comprises. Mais l’on en sait beaucoup moins sur ce qui a transpiré de l’autre côté. Quelles leçons tirer de l’impact du désengagement sur les Palestiniens ?
Pour les Palestiniens, l’effet le plus important a été une montée en flèche de la popularité du Hamas. Leur version du désengagement montre qu’une majorité écrasante de Palestiniens est convaincue que ce qui a conduit Sharon à se retirer de Gaza a été ce qu’ils appellent résistance (et ce que nous nommons terrorisme).
Les Palestiniens croient profondément qu’Israël a été chassé de Gaza, principalement par le Hamas. La plupart des Palestiniens pensent qu’Israël a manqué une occasion en or de renforcer la cause de la paix en ne rendant pas Gaza à Mahmoud Abbas dans le cadre d’un processus de dialogue et de négociation.
Ils croient, à tort, que les colons de Gaza ont été réinstallés dans des colonies de Cisjordanie. La perception qu’ont la plupart des Palestiniens est qu’aucun bien n’en est sorti, et que quasiment rien n’a changé. Gaza a bien été évacué par Israël, mais (pensent-ils) Israël a renforcé son contrôle de Gaza et s’est renforcé en Cisjordanie. La plupart des Palestiniens pensent également que Gaza constituait le fardeau principal de l’occupation, et qu’en renonçant à ses responsabilités à Gaza, Israël se rend la vie plus facile pou continuer à occuper la Cisjordanie.
Pour la plupart des Gazaouis, la vie est plus difficile aujourd’hui qu’avant le désengagement. Ils espéraient fortement que le désengagement apporterait le développement et la prospérité. L’ancien émissaire du Quartette, James Wolfensohn, avait conçu un plan détaillé pour le développement de Gaza. Les Israéliens et les Palestiniens s’étaient mis d’accord sur un plan concernant la circulation et les accès, négocié avec l’aide de Condoleezza Rice. Wolfensohn a même dépensé 500.000$ de sa poche et a levé 13,5 millions de $ supplémentaires pour racheter les serres des colons [pour les céder aux Palestiniens].
Malgré certaines informations qui ont circulé sur la destruction de ces serres, plus de 3.500 d’entre elles ont connu une très belle récolte, mais quasiment aucun produit n’a pu parvenir sur les marchés. L’accord sur la circulation et les accès n’a jamais été appliqué, et à part le passage de Rafah (avec l’Egypte), qui donne aux Palestiniens, un certain sentiment de liberté, Gaza est virtuellement fermée au monde.
La principale artère de la vie économique pour Gaza est le passage de Karni. Depuis trois mois, Karni a été fermé 50% du temps. Même aux moments où il a été ouvert, il n’a jamais pu approcher le niveau de trafic prévu, soit 150 camions par jour. Seuls une vingtaine de camions par jour pouvait passer. Il n’y a eu aucun progrès concernant la construction du port maritime du Gaza, et sur l’aéroport, aucune discussion n’a même été entamée.
A la lumière de cette situation à Gaza, il est plus facile de comprendre les réactions négatives et extrêmement émotionnelles de la plupart des Palestiniens au « plan de convergence ».
Israël aimerait faire valoir qu’en se retirant des territoires, il en termine avec sa responsabilité à l’égard des Palestiniens, et en termine, pour l’essentiel, avec l’occupation. Mais du point de vue palestinien, les retraits unilatéraux d’Israël non seulement renforcent le Hamas et le Jihad islamique, mais entraînent un renforcement de l’occupation.
Les Palestiniens pensent que si plusieurs dizaines de milliers de colons sont évacués de colonies situées à l’est de la barrière de séparation vers des colonies à l’ouest – mais à l’est de la ligne Verte – rien n’aura changé, sauf le fait qu’Israël pourra tromper le monde en créant l’illusion qu’il se retire de territoires occupés.
La plupart des Palestiniens, y compris les proches de Mahmoud Abbas, pensent que si Israël met en œuvre son plan unilatéral de convergence, il s’en sera fini de la faisabilité d’une solution à deux Etats, et il n’y aura plus aucune viabilité pour la création d’un Etat palestinien.
De leur point de vue, la convergence ne signifie pas seulement que Jérusalem disparaît des questions à négocier, mais qu’un nœud coulant étranglera la Cisjordanie. La Vallée du Jourdain restera sous contrôle israélien, y compris les passages frontaliers vers la Jordanie, et à l’ouest, la Cisjordanie sera complètement fermée. Il n’y aura aucune liaison territoriale entre les deux territoires palestiniens (Gaza et Cisjordanie) ni aucune politique qui permette la circulation des personnes et des biens entre Gaza et la Cisjordanie, à travers Israël.
Gaza sera étranglée, à part un minuscule tube d’air à Rafah, et, selon les Palestiniens, Israël aurait mis son veto à des conversations avec l’Egypte qui devaient permettre aux Palestiniens de développer un fret à Rafah. Si l’on a à l’esprit cette représentation des choses, comment un seul Palestinien pourrait-il être favorable au plan de convergence ?
L’alternative est de reprendre le processus bilatéral avec l’OLP représentée par Mahmoud Abbas. Bien qu’il n’y ait aucune garantie que cela réussisse, il n’y a pas grand-chose à perdre. Et Israël pourrait toujours avancer dans sa planification du plan de convergence. Un autre processus unilatéral en Cisjordanie comporte davantage de risques pour Israël qu’un éventuel réengagement avec Mahmoud Abbas.