Nous écrivons ces lignes alors que B. Netanyahu et B. Gantz s’envolent chacun séparément, l’un accompagné de son épouse et en vol privé, l’autre seul et en vol commercial, vers Washington pour y recevoir de D. Trump les informations sur le « deal du siècle ». Il convient à ce stade, plutôt que de se livrer à moult conjectures sur ce qu’il recèle, son acceptabilité par les Palestiniens (il est question « d’accord » après tout), son impact sur les campagnes électorales des deux candidats, de s’armer de patience encore quelques jours et de se contenter de rappels de bon sens.
S’agissant du moment choisi pour une révélation que l’on attendait depuis longtemps mais certainement pas maintenant, ce n’est sans doute pas une coïncidence si, comme l’a remarqué l’ancien ambassadeur américain en Israël, Dan Schapiro, nommé il est vrai par B. Obama, « …cela se passe au moment d’une discussion à la Knesset sur l’immunité [de l’un] et au moment où le Sénat tient une audience de destitution [de l’autre]… ».
Ce calendrier choisi par D. Trump constitue une évidente ingérence dans les élections israéliennes, favorisant la coalition actuellement aux manettes du pays, ainsi qu’une instrumentalisation du soutien à Israël dans le cadre des élections présidentielles aux USA pour conforter le soutien des Évangélistes, bien plus déterminant que le supposé « vote juif ». Cette manœuvre traduit une rupture de l’accord tacite entre les deux pays pour qu’aucun des deux ne s’immisce dans les élections de l’autre et pour laisser les relations israélo-américaines en dehors du jeu politicien interne à chacun des partenaires.
L’invitation de Benny Gantz ne modifie nullement cette ingérence et l’avantage octroyé à B. Netanyahu. Elle traduit, de l’avis de tous, une habilité politique de la part de B. Ganz qui a obtenu une rencontre en tête à tête avec D. Trump plutôt que de faire de la figuration falote aux côtés de Netanyahu. Il conforte ainsi sa reconnaissance internationale, après son entretien avec E. Macron lors de la récente visite de ce dernier en Israël. Il existe dorénavant, s’agissant des personnes, une alternative à B. Netanyahu. Se traduirait-elle éventuellement par une autre politique? Changer d’homme pour faire la même chose… ou presque ? La question reste ouverte et nous aurons l’occasion d’y revenir.
La révélation du plan américain intervient alors que les déclarations en Israël se multiplient au sujet de l’annexion possible de la vallée du Jourdain et elle risque de conforter cet agenda annexionniste qui n’est rien d’autre qu’une menace de l’intérieur pour la sécurité d’Israël, son caractère moral et l’obtention d’une paix durable avec les Palestiniens. L’annexion ou l’instauration unilatérale de la souveraineté israélienne menace :
*une solution à deux États, garante d’Israël en tant qu’État juif et démocratique et assurant aux Palestiniens la dignité d’un État à part entière
*la démocratie israélienne, qui devra faire face à la négation indéfinie des droits civils de millions de Palestiniens
*les traités qui ont permis la paix avec la Jordanie et l’Égypte
*les gains durement acquis par Israël pour sortir de son isolement diplomatique dans la région et dans de nombreuses parties du monde.
La vallée du Jourdain constitue pratiquement la seule réserve de territoires pour le développement de la Cisjordanie. Toute modification du statut de colonies doit se faire dans le cadre des négociations en vue d’un accord définitif et sur la base d’échanges de territoires afin de définir officiellement les frontières reconnues et définitives de l’État d’Israël.
Alors que se multiplient dans le monde et dans la région les mouvements populaires de protestation contre l’injustice, la négation des droits, l’absence de liberté, et ce après de longues « années de plomb », qui peut croire que les Palestiniens se résoudront à accepter sur le long terme une pseudo-solution qui serait la négation des droits de toute communauté humaine ? L’annexion imposée et sans contre-partie n’est rien d’autre que la préférence fétichiste accordée à la terre au détriment de la vie, de la justice, de la démocratie et en conséquence, de la paix durable.
Article mis en ligne le 28 janvier 2020