Jerusalem Post, 17 janvier 2007

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Cette femme, celle dont il s’avère que le nom est Yifat Alkobi, cette femme juive qui a agressé, insulté, craché et menacé sa voisine arabe à Hebron enfermée dans sa propre maison, m’a rappelé quelqu’un.

Petit à petit, du fond de mes souvenirs d’enfant, j’ai retrouvé l’image d’un voisin hongrois à Novi Sad, qui avait l’habitude de se placer devant l’entrée de notre maison et de nous insulter chaque fois que nous sortions dans la rue. Exactement comme Yifat Alkobi.

Lorsque nous décidons, à juste raison, de ne jamais, quelles que soient les circonstances, comparer le comportement de Juifs à celui des Nazis, nous oublions que l’antisémitisme n’a fait que parvenir à un sommet avec Auschwitz. Il existait, était actif, effrayant, destructeur et dégoûtant, à l’image d’Alkobi, dans les années qui ont précédé Auschwitz. Et derrière des fenêtres fermées se cachaient des femmes juives terrifiées, exactement comme cette femme de la famille Abou Aïsha à Hebron.

Il est impensable que la mémoire d’Auschwitz serve de prétexte pour ignorer le fait que, parmi nous, il y a des Juifs qui se conduisent envers les Palestiniens exactement comme des Allemands, des Hongrois, des Polonais et d’autres antisémites se comportaient envers les Juifs.

Je ne parle pas des crématoires ni des pogroms, mais des persécutons, du harcèlement, des jets de pierres, des crachats, des entraves au travail, de la tactique de la peur et du mépris. Toutes choses qui nous déchiraient et qui nous rendaient impossible la vie en diaspora, avant même que ne commence la tuerie en masse des Juifs. J’avais peur d’aller à l’école, à cause de petits antisémites qui nous attendaient sur le chemin pour nous donner des coups. En quoi est-ce différent pour un enfant palestinien de Hebron?

Même ceux qui justifient l’occupation pour des raisons idéologiques ou religieuses – ou peut-être en particulier ceux qui cherchent à justifier l’occupation – devraient avoir honte, comme l’a dit de lui-même le premier ministre Ehoud Olmert, à la vue de ces images. Oui, nous avons tous une responsabilité dans la souffrance des Palestiniens, même s’il n’aurait pas été possible de créer un Etat juif sans leur causer du mal.

Mais il n’existe aucune raison, aucune justification, pour la brutalité dont font preuve, jour après jour, les colons de Hebron à l’égard de leurs voisins arabes.

L’installation de Juifs à l’intérieur de Hebron est le péché originel. Aujourd’hui, ils ajoutent l’insulte au mal. Et nous, les citoyens juifs de l’Etat d’Israël, nous nous contentons de faire : « tss tss tss. »

Nous oublions que ce harcèlement des voisins palestiniens à Hebron ne se produit pas seulement quand nous le voyons à la télévision, mais jour après jour, tous les jours de l’année (sauf le jour de Kippour). Je dois à la vérité de dire que moi aussi, je ne m’exprime qu’occasionnellement, et que je m’en sors par un article comme celui-ci. Pire encore : je me suis tu aussi lorsque j’étais ministre de la justice. Nous avons laissé la tâche de la protestation à l’extrême gauche, qui par ailleurs provoque chez nous un dégoût bien mérité tous les autres jours de l’année.

Nous connaissons l’excuse : « Nous ne savions pas ». Alors maintenant, pour mémoire : nous savons.

Nous ne pourrons jamais nous pardonner, ni nos enfants, si nous n’envoyons pas notre armée et notre police mettre fin à la barbarie juive à Hebron.