Asharq Al-Awsat, 14 mai 2008
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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Les plus lucides avaient prévenu, et c’est arrivé. L’extrémisme du Hezbollah soutenu par l’Iran couplé aux encouragements et à l’appui de la Syrie a clairement conduit à l’émergence d’une mouvance sunnite extrémiste apparue pour contrer le coup d’Etat de Hassan Nasrallah au Liban. Mardi dernier, le fondateur du mouvement salafiste à Tripoli (Liban), Daii al Islam al Shahal, mobilisait ses partisans sunnites et « tous ceux qui sont concernés pour entamer une nouvelle phase », comme il l’a déclaré lors d’une conférence de presse.
Al Shahal a souligné que « compte tenu des circonstances actuelles, les accusations dangereuses et les blessures profondes infligées aux sunnites, dans leur corps et leur dignité, nous proclamons la nécessité d’une mobilisation générale de la communauté sunnite. » De plus, al Shahal est allé rassurer les politiciens sunnites en leur disant que son objectif n’était pas de leur disputer le pouvoir. Il a également rassuré les chrétiens maronites en déclarant : « Nous sommes des fondamentalistes qui respectons notre shari’a orthodoxe, nous n’oppresserons personne et sommes contre les agresseurs. »
C’est là que nous disons : Après vous, M. Nasrallah. C’est le résultat de l’extrémisme et de l’arrogance dans une société fondée entièrement sur le pluralisme. Ce qu’a fait Nasrallah est un crime contre les chiites honorables du Liban avant d’être un crime contre les sunnites et les Druzes. Le crime de Nasrallah est de collaborer avec Téhéran aux dépens du Liban.
Le problème de Nasrallah est que nous avons été aveuglés par l’arrogance de ses milices armées, lui faisant ainsi oublier que ses homologues sunnites extrémistes pourraient fort bien bien agir comme lui. Nous avons été les témoins d’une folie extrémiste qui surpasse de très loin tous les types d’armements. Ceux qui souhaitent la mort de Nasrallah, la destruction de son parti iranien et l’élimination des agents d’Amal (parti chiite allié du Hezbollah et représenté en particulier par Nabih Berri, qui préside le Parlement libanais, ndt) qui se sont révélés encore plus affreux que le Hezbollah, sont-ils incapables de se procurer des armes ? Téhéran est capable d’implanter ses agents dans tout le monde arabe, ou bien d’attaquer des Etats arabes par la ruse et par ses agents, ou même par la conspiration et la couardise d’autres pays arabes. Le jour viendra sans doute où Téhéran devra payer le prix, mais il est également probable que l’Iran ne pourra pas éteindre le feu de la révolte qu’il a allumé.
Bien sûr, le régime syrien doit se rendre compte qu’il joue avec le feu. Les Syriens (dont le régime est alaouite, une branche du chiisme, ndt) sont submergés d’une mer sunnite, et en cas de bataille sunnite-chiite, toutes les cartes seront rebattues. Ainsi, nous observons que le secrétariat de Beyrouth de la « Déclaration de Damas » [[déclaration datée du12 mai 2006, d’intellectuels syriens et libanais proches de l’opposition au régime de Damas appelant, entre autres, à la reconnaissance par la Syrie de la souveraineté du Liban, ndt]] décrit les derniers événements de Beyrouth comme une guerre confessionnelle menée par le Hezbollah pro-iranien contre les sunnites, en coordination avec le régime syrien. Dans ces conditions, le secrétariat appelle le clergé sunnite à « préparer la rue syrienne à une démonstration de force civile pour contrer la vague chiite persane. »
Les déclarations d’al Shahal ne sont qu’un premier pas. Il y a déjà des signes alarmants de répression de la rue sunnite, et les informations qui circulent indiquent l’existence d’énormes pressions sur Saad Hariri pour qu’il arme les sunnites, bien qu’il veuille qu’on se souvienne de lui comme du fils de Rafic Hariri, qui a vécu et est mort sans avoir versé le sang, et non comme d’un Saad Nasrallah.
Aujourd’hui, la question est de savoir si les loyalistes libanais résisteront, ou bien s’ils seront encore consumés de colère pendant que les al Shahal et consorts occuperont la scène. Et tout cela, bien sûr, est le résultat de l’extrémisme de Nasrallah et du Hezbollah, avec le soutien de la Syrie.