David Grossman rend hommage à son ami, » l’un des plus grands écrivains de littérature hébraïque et l’une des plus grandes figures littéraires du monde « , qui » décrit comme nul autre la grande histoire de nos vies ici même en Israël « .
Traduction Bernard Bohbot
Source : https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-5436906,00.html
Photo publiée dans le Forward Getty Images – https://forward.com/culture/374758/david-grossman-israels-conscience-man-booker/
David Grossman, à gauche, s’entretient avec A.B. Yehoshua, au centre, et Amos Oz, à droite, en 2006.
Amos Oz était un homme sage et généreux. Quiconque a eu la chance de partager une tasse de café avec lui le matin, même ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui, a pu l’entendre analyser notre réalité avec sagesse. Il avait une profonde compréhension de la nature humaine et de celle de la politique.
Amos Oz une large vue d’ensemble très large. Chacune des rencontres avec lui était si instructive et si éclairante. Il ne fait aucun doute qu’il était l’un des plus grands écrivains de la littérature hébraïque et l’une des plus grandes figures littéraires du monde.
Il a influencé de nombreux écrivains de ma génération et de la génération suivante. Son livre « Les voix d’Israël » a eu un impact énorme sur moi quand j’ai commencé à écrire mon livre « Le vent jaune ». Je me souviens lorsque j’ai lu ce livre pour la première fois. Presque après chaque chapitre, j’ai dû poser le livre et prendre une grande respiration. Quand est-ce que je me sens influencé par un auteur ? Quand j’ai fini un livre, et le désir d’écrire s’agite en moi. Pas nécessairement pour écrire comme l’auteur en question, mais simplement pour la joie de la création. J’ai éprouvé ce sentiment plus d’une fois après avoir lu un livre d’Amos Oz, et surtout après avoir lu son roman « Une histoire d’amour et de ténèbres ».
Ce chef-d’œuvre décrit comme aucune autre l’histoire de nos vies ici en Israël et les complications qu’elle comporte. J’ai entendu des centaines de personnes, qui n’avaient ni aucune compréhension ou affinité pour Israël, dire que la lecture de ses œuvres leur a soudainement donné un aperçu de la situation israélienne, des inquiétudes israéliennes, de l’échec auto-infligé par Israël et de la grandeur du fait que l’État d’Israël existe.
Amos a réussi à transmettre tout cela à travers son histoire personnelle, sa biographie d’enfance racontée sans pathos et la façon dont il s’est lentement ouvert à ses lecteurs. J’ai toujours eu le sentiment que « Une histoire d’amour et de ténèbres » a subi un processus de nationalisation, qu’il est devenu la propriété de l’État. « Ce qu’il y a dans une pomme », c’est la récupération par Amos de cette nationalisation parce que ce livre l’a montré tel que ses amis le connaissaient – ouvert, et avec un extraordinaire sens de l’humour et de l’ironie. Ces deux livres décrivent assez fidèlement l’Amos que je connaissais.
Il a toujours partagé son amour sans limites. Même quand nous étions tous les deux en compétition pour le prix Man Booker. Amos n’a pas assisté à la cérémonie de remise. Quand j’ai gagné, j’ai expliqué combien il était difficile pour moi qu’Amos ne soit pas là, et j’ai cité la déclaration d’Isaac Newton selon laquelle « si j’ai vu plus loin, c’est en me tenant sur les épaules de géants ». J’ai le sentiment que moi et le reste de ma génération nous nous sommes en effet appuyés sur les épaules des géants Amos Oz et A. B. Yehoshua – qu’il vive une longue vie. Je savais qu’Amos s’était couché tôt, alors je ne l’ai pas appelé quand j’ai gagné. Mais je l’ai fait le lendemain et nous avons eu une conversation très chaleureuse. Quand quelqu’un du calibre d’Amos Oz nous est enlevé – et je pense que beaucoup d’Israéliens ressentent la même chose, même ceux qui ne sont pas d’accord avec lui – quelque chose est diminué. Amos Oz ne sera plus le scribe de notre réalité, car il n’y en a pas d’autre comme lui. Sa perte inspire une grande douleur.