Chronique n°
7 janvier 2005
Interview réalisée par Claudine Korall
La Paix Maintenant : Saaman Khoury (SK) et Mossi Raz MR), merci d’être avec nous. Pourriez vous parler de la radio que vous avez fondée, All for Peace ? comment en êtes-vous venus à réaliser ce projet ?
SK : Je m’appelle Saaman Khoury , je fais partie des dirigeants de cette radio, je représente le journal Biladi, qui est le partenaire palestinien. Mon collègue Mossi représente l’institut Givat Haviva qui est le partenaire israélien.
Nous avons pensé que cette radio était importante, en ce sens qu’elle pourrait favoriser le contact entre les deux populations sur une large échelle. Ainsi, cela pourrait amener un public nombreux à comprendre la situation dans laquelle il se trouve, plus efficacement que les meetings et explications diverses. C’est un raisonnement pragmatique : nous pensons que les gens des deux coôtés peuvent faire quelque chose eux-mêmes et ne pas se contenter d’attendre que les gouvernements le fassent.
Mais le plus important, c’est que nous croyons tous qu’il y aura une solution, et quand cela se produira, nous voulons être là et continuer à partir de là.
LPM : Et vous, Mossi Raz, quelle est votre motivation ?
MR : Je m’appelle Mossi Raz, je travaille pour Givat Haviva, le Centre pour la paix israélo-arabe,qui a été établi il y a 41 ans, et met en ouvre des projets communs israélo-arabes. Voici notre motivation : nous avons constaté encore et encore que les Israéliens n’ont pas la possibilité d’écouter les Palestiniens, et les Palestiniens n’ont pas la possibilité d’écouter les Israéliens, ils ne se connaissent pas, ils ne comprennent pourquoi l’un fait ce qu’il fait. C’est pourquoi chaque partie se considère comme la victime, ce qui est vrai en partie, et en partie faux. Nous voulons que chaque côté écoute l’autre, comprenne ses idées, ses traditions, sa culture, et nous pensons qu’ainsi il sera plus facile de négocier.
LPM : Comment fonctionne cette radio ? quel horizon proposez-vous au public ?
SK : Disons qu’il y a eu au préalable un long temps de préparation, et nous avons travaillé dur pour avoir un émetteur hertzien comme toute les radios, mais malheureusement, après les divers obstacles que nous avons rencontrés, nous avons décidé de diffuser sur l’internet. C’est alors que nous avons ressenti encore plus l’importance d’une telle radio, et la nécessité de surmonter les obstacles. Il y avait des obstacles techniques, par exemple former les animateurs, mais il y a aussi des obstacles plutôt d’ordre formel. Nous vivons dans un monde où les autorisations sont indispensables, et nous avons besoin d’une autorisation pour émettre. Or, à cet égard, nous avons rencontré quelques difficultés que nous nous efforçons de résoudre, et j’espère que nous y arriverons très bientôt.
LPM : Quelles sortes de programmes diffusez-vous?
MR : pour le moment, essentiellement de la musique, 18 h par jour. Le reste du temps se partage entre environ 50% arabe et 50% hébreu, avec un peu d’anglais. L’objectif des programmes en hébreu est d’expliquer aux Israéliens ce qui se passe de l’autre côté, décrire leur société civile , leurs traditions, leur culture . La plupart des intervenants sont des Palestiniens parlant hébreu. Et réciproquement, les programmes en arabe sont dirigés vers les Israéliens, mais aussi les Palestiniens, et la plupart des intervenants sont des Israéliens parlant arabe et des Arabes israéliens Nous partageons, une heure pour l’arabe, une heure pour l’hébreu.
Et nous constatons que nous avons plus d’auditeurs lors des programmes parlés que des programmes musicaux. Au début c’était le contraire. Nous pensions que par la musique nous pourrions attirer le public, et qu’ils finiraient par écouter notre message.
Mais je suis très heureux de dire que c’est le contraire qui s’est produit. Nous avons très peu d’auditeurs durant la musique, nous en avons beaucoup plus durant les programmes parlés. C’est pourquoi nous tentons de réunir des dons pour augmenter la part des programmes parlés. Nous espérons pouvoir le faire.
Autres programmes intéressants : le vendredi nous diffusons en hébreu, le samedi en arabe. Ce sont des jours où vous ne pouvez pas vous tromper d’heure, puisque chacun de ces jours est consacré à une seule langue.
LPM : Y-a-t-il des obstacles que vous rencontrez pour passer d’une radio internet à une radio hertzienne ?
MR : D’abord je dois dire que c’est un bienfait que notre radio soit sur internet, car nous savons ainsi exactement combien d’auditeurs nous avons.
LPM : Combien ?
MR : En moyenne 12 000 par jour, beaucoup plus que nous en attendions au tout début. Et cela augmente constamment, mais comme Saaman le dit, la question principale est l’émetteur hertzien. Nous avons qqs problèmes avec le ministère israélien de la communication, je pense que nous sommes sur le point de les résoudre. Nous venons d’acheter un émetteur, et nous tenterons de commencer à émettre à titre expérimental. J’espère que cela deviendra régulier .
A ce sujet, je ne suis pas sûr que tout le monde nous écoutera sur les ondes. Nous continuerons donc à diffuser sur internet.
LPM : cela signifie que nous pouvons espérer écouter votre radio par ondes hertziennes avant la fin de 2005, en plus de l’internet ?
SK : Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Voici la raison pour laquelle nous ne pouvons émettre par les ondes. Nous avons acheté un émetteur, il s’agit d’un don de l’Union européenne. Il attend à l’aéroport, et les autorités israéliennes ne nous permettent pas de le faire sortir,
Maintenant, nous avons un petit peu joué avec la loi, parfois il faut le faire, et nous avons acheté un émetteur local. Nous voulons l’utiliser. Et maintenant nous voulons voir : est-ce uniquement une raison technique pour laquelle notre émetteur est retenu à l’aéroport ? ou s’agit-il d’un problème politique ?
J’espère qu’à la fin de l’année nous aurons les 2 moyens de diffusion.
LPM : quelles sont les réussites et les belles surprises de cette radio, outre l’important taux d’écoute ?
SK : Entre autres, la tranche d’âge, qui est de 25 et 40 ans, c’est la jeune génération. Nous espérions l’attirer par la musique, comme a dit Mossi. Mais nous avons vu qu’ils sont intéressés avant tout par les programmes parlés. Et la volonté de faire un effort commun.
Deuxièmement, nous espérons faire en sorte que la nouvelle génération puisse écouter un langage différent des radios habituelles de la région, qui sont liées aux establishments. Les jeunes générations ne sont plus intéressées par ces establishments, car il ne parle pas leur langage. Dans notre radio, nous sentons que nous donnons l’occasion à cette génération de s’exprimer, ils ont beaucoup à dire, et ils peuvent enseigner à beaucoup de monde comment améliorer la situation.
LPM : Quels sont vos espoirs pour cette radio, non seulement pour Israël et pour la Palestine, mais pour la région tout entière?
MR : J’espère que nous aurons beaucoup plus d’auditeurs. Si vous m’aviez dit seulement un an auparavant que nous aurions 12000 auditeurs par jour, je ne l’aurais pas cru, mais maintenant j’espère que nous en aurons beaucoup plus, et j’espère que tout le monde en Israël et en Palestine pourra écouter une radio, qui donne non seulement son point de vue, mais aussi le point de vue de l’autre côté, non seulement son bon droit, mais aussi celui de l’autre côté, sa façon de voir sa propre histoire, et nous devons nous efforcer de comprendre l’autre côté.
SK : je dirais qu’il s’agit d’un entraînement, pour le public et pour les participants. Nous avons toujours évoqué l’officialisation des deux langues. Ici, nous la mettons en pratique. Nous donnons la même valeur aux deux, le même temps d’antenne, c’est une nouvelle expérience, et à partir du moment où nous la mettons en pratique, cela deviendra un modèle dont d’autres peuvent bénéficier, et deuxièmement, l’entraînement de l’oreille, à savoir que quelqu’un qui a l’habitude d’écouter une radio, ne sera pas limité à l’écoute d’une seule langue, car ces deux langues sont tout aussi importantes l’une que l’autre.
LPM : Merci beaucoup et bonne chance à votre radio.