Jerusalem Times, 30 juin 2007
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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le sommet de Sharm El-Sheikh est apparu comme une fête primesautière, où les quatre dirigeants (Egypte, Jordanie, Israël et Palestine) étaient fondamentalement d’accord pour affirmer que le moment était venu d’avancer. Malheureusement, l’opinion palestinienne est sceptique : il y a déjà eu des sommets semblables, des promesses y avaient été faites, mais rien de tangible n’en a résulté. L’urgence de ce sommet provient du dangereux plongeon dans l’inconnu du conflit israélo-palestinien, et au sein des Palestiniens, un grave fossé sépare désormais Gaza, tombée aux mains du Hamas, de la Cisjordanie, où le Fatah semblerait contrôler la situation.
Les pressions internationales, en particulier américano-israéliennes, ont conduit le Hamas à prendre le dessus sur le Fatah par la force et à chasser les troupes loyales aux président Abbas. Cela a permis au Hamas de souligner que l’OLP n’est pas la seule voix du peuple palestinien. De cette confrontation, le Hamas et le Fatah sont tous les deux perdants aux yeux de l’opinion palestinienne. Le Hamas a perdu le soutien populaire que les élections leur avaient donné. En usant de la force et en commettant des atrocités contre des frères palestiniens, le Hamas a sapé non seulement le processus démocratique, mais aussi la légitimité dont il jouissait.
Dans l’immédiat, le résultat a été une montée de popularité du président Abbas et un soutien à son gouvernement d’urgence. La durée de cette popularité dépendra de la capacité d’Abbas de montrer à son peuple qu’il peut obtenir du gouvernement Olmert des actes et non des promesses. Abbas a interdit à tous le port d’armes, même aux Brigades d’Al-Aqsa, et ordonné à ses forces de sécurité de confisquer toutes les armes [[Les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa ont refusé de se soumettre à cet ordre (ndt).]]. En retour, Olmert doit ordonner à Tsahal et au Shin Bet d’arrêter leurs incursions quotidiennes, les assassinats ciblés et les arrestations en Cisjordanie, et restaurer la coordination sécuritaires entre les deux parties. Olmert et ses conseillers doivent comprendre que l’Autorité palestinienne et ses forces en Cisjordanie sot sous les ordres du président légitimement élu, et non des Quisling aux ordres d’Israël. Jusqu’à présent, Israël et ses dirigeants ont nui à Abbas plutôt qu’ils ne l’ont soutenu. Olmert doit comprendre qu’il a affaire à la direction du peuple palestinien et non à des laquais et des employés à sa disposition.
Le président Abbas a franchi le Rubicon. Il est en train de mettre en oeuvre activement les obligations que lui imposent la Feuille de route. Le gouvernement israélien, parallèlement, doit de son côté démanteler les colonies illégales et geler la colonisation. De dures décisions doivent être prises des deux côtés, à défaut de quoi la direction palestinienne modérée perdrait sa crédibilité aux yeux de son opinion. L’opposition palestinienne a beau jeu d’avancer qu’Israël ne souhaite pas remplir ses obligations.
Dans les 24 mois à venir, une politique active de stabilisation de la région doit être la responsabilité principale des leaders israéliens et palestiniens, des pays arabes et de la communauté internationale, comme cela a été affirmé par le Quartet. Du côté palestinien, le Président doit faire en sorte d’ouvrir un horizon politique avec ses homologues israéliens. L’opinion palestinienne a pleinement soutenu Abbas après le coup de force du Hamas à Gaza, mais la même opinion soutient aussi les efforts arabes destinés à tracer la voie à une réconciliation entre Palestiniens, qui permettrait au bout du compte la création d’un deuxième gouvernement d’union nationale. Le Premier ministre Salam Fayyad doit poursuivre le processus de réformes et aider ainsi l’économie palestinienne à retrouver la santé, à Gaza comme en Cisjordanie, pour combler le fossé actuel. Il ne suffit pas de permettre à l’aide humanitaire de parvenir à Gaza, il est essentiel d’y créer des emplois. Fayyad a un calendrier chargé, mais la plupart des Palestiniens croient qu’il est capable de le mettre en oeuvre. Et le Fatah doit procéder à un grand nettoyage, organiser son 6ème congrès, élire une nouvelle génération de dirigeants et se préparer aux prochaines élections.
Le Quartet a un nouveau super-émissaire : Tony Blair. Son nouveau rôle n’est pas de veiller à ce que l’aide humanitaire parvienne à Gaza, ou à faciliter la circulation des personnes et des biens. Son travail est d’ouvrir un horizon politique pour Abbas et Olmert, discrètement, loin des médias, rapprocher les positions des Israéliens, des Palestiniens, des Syriens et des Libanais pour les aider à profiter de l’opportunité qu’offre l’initiative de paix arabe. (…)
Pendant la période actuelle de stabilisation, un cessez-le-feu à long terme, appliqué par les deux parties à Gaza et en Cisjordanie, pourrait contribuer à faire naître une période provisoire, un peu comme la phase 2 que suggère la Feuille de route. Depuis le premier jour de son arrivée au pouvoir, le Hamas défend l’idée d’une hudna (trêve) à long terme, et un certain nombre d’Israéliens, pour la première fois, discutent de cette idée. En un sens, le président Abbas devrait l’envisager sérieusement, car cela contribuerait au processus de réconciliation inter-palestinien. Entre-temps, le Hamas doit décider s’il veut s’impliquer dans ce processus, se transformer en un mouvement politique et accepter, comme tous les autres mouvements, de désarmer sa branche armée.
Des nuages sombres couvrent toute la région. Toutes les parties pensent qu’il n’existe pas de solution militaire. Tous doivent donc coopérer et travailler à un règlement négocié. Par le passé, le Parti travailliste israélien a défendu cette thèse, mais n’a pas pu la mettre en oeuvre seul. Il a fallu Begin et le Likoud pour que naisse le premier traité de paix, avec l’Egypte. Sous Abbas et Arafat, le Fatah a oeuvré pour un règlement avec Israël. Mais le processus ne s’engagera pas tant que le Hamas ne jouera pas le rôle du Likoud. La politique des sanctions et de l’isolement a durci le Hamas. Il est grand temps de le faire s’engager, maintenant qu’il a quelque chose à défendre.