Solidarité avec le peuple palestinien », « solidarité avec Israël », le conflit au Proche-Orient semble interprété, en France, à travers le prisme du communautarisme. En effet, les médias nous font apparaître le ralliement inconditionnel des musulmans de France à la cause palestinienne et le soutien indéfectible des juifs de France à la politique du gouvernement israélien, sans jamais questionner ni nuancer la validité de ces solidarités auto-proclamées. C’est que le mot n’est pas sans ambivalence, renvoyant aussi bien à l’esprit de corps qu’à la fraternité, autant dire à deux notions opposées : l’une est régressive, fondée sur une vision étroite et intangible d’une identité innée. La seconde est un lien tissé volontairement qui redéfinit constamment l’identité de ceux qu’il associe. L’esprit de corps condamne ceux qui s’y regroupent à l’adhésion automatique au point de vue commun : il importe peu, alors, que le camp d’en face soit dans le vrai sur tel ou tel point, puisque la question ne sera pas considérée en ces termes.
Pour que la situation soit celle que nous connaissons, et que l’identité soit réduite à un carcan communautaire, on peut constater l’échec d’une certaine éducation : l’identité est un processus (le fameux « deviens ce que tu es »), tout sauf la simple coïncidence avec un environnement culturel d’origine. Le dialogue est rendu impossible car tout est déjà dit avant même le débat : « Je suis juif, donc je soutiens Israël », « Je suis musulman, donc je soutiens les Palestiniens ».
Depuis le début de la seconde Intifada, cette implication soudaine et passionnelle dans le débat n’est possible qu’en vertu d’une identité surfaite, factice : on se met à fixer le cadre du débat par le recours à des assimilations abusives : identifier la lutte des palestiniens contre l’occupation aux problèmes de ghettoïsation des banlieues françaises, ou bien se targuer, en tant que juif français, d’être en empathie avec les habitants des colonies. Ces identifications représentent des faux gages d’identité personnelle en même temps qu’elles réduisent la solidarité à sa définition la plus mesquine.
Que l’Université soit en proie à des débats de ce genre peut surprendre. En effet, l’éducation doit permettre une prise de distance à l’égard de ses références culturelles : en les constituant comme objets d’étude, on peut, sans déracinement, l’enrichir de références autres qui seules permettront la constitution d’une identité digne de ce nom, et rendre possible la solidarité. C’est ce processus qui fonde la communauté nationale : la laïcité, en imposant à tous une distance vis-à-vis de l’appartenance religieuse dans le cadre éducatif, en est garante.