Ha’aretz, 3 février 2005
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
L’armée et le Shin Bet sont de plus en plus inquiets face au harcèlement d’officiers religieux de la part de l’extrême droite, qui veut les pousser à refuser d’obéir aux ordres d’évacuation de colonies.
Les extrémistes de droite semblent considérer les officiers religieux qui habitent ou sont en fonction dans les territoires comme le « maillon faible » dans la chaîne de commandement, alors qu’approche la mise en oeuvre du plan de désengagement.
Il faut que les forces de sécurité sévissent contre ce harcèlement, a dit une source au sein de l’appareil de sécurité : « nous devons traiter les harceleurs d’une poigne de fer ».
Entre temps, la police va très bientôt recommander l’inculpation d’un certain nombre de militants d’extrême droite ayant pris part à des attaques contre ces officiers.
Ce phénomène de harcèlement dure depuis plusieurs mois, et il se concentre sur des officiers ayant participé à l’évacuation d’avant-postes en Cisjordanie, ou devant prendre part à l’opération de désengagement dans la bande de Gaza : manifestations devant leurs domiciles, publications d’affiches infamantes, menaces téléphoniques ou directes, convocations à des audiences rabbiniques, boycotts d’entreprises appartenant à des proches. A plusieurs reprises, essentiellement au cours d’évacuations d’avant-postes, des officiers ont été attaqués physiquement.
Plus de dix officiers ont déjà été victimes de harcèlement. En même temps que les officiers religieux en charge de bataillons, les extrémistes ciblent aussi des membres du rabbinat militaire, et en particulier le rabbin en chef du Commandement central, le lieutenant colonel Yehouda Weezner, et le rabbin en chef de Tsahal, le général Israël Weiss.
Depuis plusieurs mois, Yehouda Weezner reçoit des menaces, et des affiches qui l’attaquent personnellement ont réapparu cette semaine dans la colonie où il habite. Des militants de droite tentent de recueillir des informations sur les institutions où étudient les fils des rabbins militaires, et de constituer une liste de tous les officiels du rabbinat de Tsahal, d’active et de réserve.
Le rabbinat de Tsahal est considéré comme étant extrêmement vulnérable, à cause des liens qui unissent les rabbins au public religieux dans les localités où ils habitent, et en particulier à cause du rôle qu’il devra jouer lors du désengagement : évacuation de cimetières et de synagogues, tâche que Tsahal ne peut effectuer sans lui.
D’après une source militaire haut placée, le harcèlement d’officiers religieux « fait partie de toute une stratégie destinée à affaiblir la capacité de Tsahal à mener à bien le désengagement. Ils espèrent obtenir un refus en masse d’officiers-colons, et considèrent cela comme une phase préliminaire dans la déstabilisation du régime ». D’après la même source, beaucoup de ces militants croient profondément que « l’Etat d’Israël a terminé sa tâche et qu’il doit céder sa place à un royaume religieux ».
Les militaires ont identifié plusieurs activistes importants qui coordonnent cette campagne de harcèlement, la plupart provenant de la colonie d’Yitzhar et de l’enclave juive de Hebron. Jusqu’ici, la justice s’est montrée particulièrement apathique envers les harceleurs. La source citée plus haut a dit qu’à son avis, le moment était venu d’en finir avec une interprétation étroite de la loi. « Le harcèlement a déjà franchi la ligne rouge. Il y a une campagne de menaces et d’intimidations de fonctionnaires. Ces boycotts et ces appels à les ostraciser sont cruels et diaboliques. Cela doit être traité aujourd’hui avec toute la force de la loi. »
Tsahal s’est assuré que tout officier harcelé a déposé plainte, et la police semble avoir adopté une ligne plus dure. Plusieurs harceleurs et plusieurs fauteurs de troubles ont été mis aux arrêts pendant quelques jours. L’enquête touchant plusieurs de ceux qui ont harcelé Yehouda Weezner est terminée, et plusieurs autres enquêtes touchent leur fin : contre Noam Livnat (frère de Limor Livnat, ministre Likoud de l’éducation, ndt), de Yitzhar, qui dirige la campagne pro-refus, et contre Daniella Weiss, qui préside le conseil local de Kedoumim. Dans tous ces cas, la police recommande l’inculpation.
La semaine dernière, dans le Goush Katif (groupe de colonies au sud de la bande de Gaza, ndt), la police a sévi plus vigoureusement contre des colons qui avaient troublé une rencontre entre Tsahal et la police palestinienne et avaient crié « traître » à un officier israélien. Cinq personnes seront jugées et le vice-commandant de la sécurité de la colonie de Neve Dekalim a été relevé de son poste pour avoir participé aux affrontements.
En ce qui concerne les menaces contre Ariel Sharon, le Shin Bet perçoit une augmentation des menaces verbales et une escalade dans le ton à mesure que s’approche le désengagement. Sharon est considéré comme le « moteur » du désengagement, dont la disparition pourrait permettre de le stopper.
Des officiels des services de sécurité affirment que « des rabbins, vrais ou auto-proclamés », créent une atmosphère qui encourage la délégitimation de Sharon. La sécurité autour de lui a été renforcée, comme la présence policière autour du Mont du Temple, à cause de menaces contre les mosquées.
Dans un autre article, consacré au rapport annuel de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Akhshav [cf [ ]], Haaretz rapporte que des dirigeants des colons ont dit que « les mêmes qui ont soutenu le réarmement de l’Autorité palestinienne et encouragé le meurtre de Juifs d’un côté comme de l’autre de la Ligne verte, restreignent aujourd’hui la croissance des victimes, qui souhaitent répondre à ceux qui haïssent Israël par la croissance et par la vie. »