Alors que Mahmoud Abbas essaye d’asseoir le pouvoir de l’Autorité
palestinienne sur les factions en réorganisant les forces de sécurité [[Rappelons qu’au lendemain de l’élection, étape victorieusement franchie d’une nécessaire démocratisation, il était fait état d’un projet de réorganisation des Forces de sécurité palestiniennes en trois services sous le contrôle du Conseil national de sécurité (CNS) de l’Autorité palestinienne :

 la Sécurité générale, réunissant tous les groupes à vocation interne (forces de maintien de l’ordre, « police bleue », et unités de Défense civile) ;

 le Renseignement général, unifiant l’ensemble des bureaux existants ;

 la Sécurité nationale, embryon de la future armée.
Le CNS comprendrait 12 membres (le Premier ministre, les ministres de
l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Finances, les directeurs des
trois services créés, ainsi qu’un maximum de cinq experts).
Quoique formellement Commandant suprême des forces palestiniennes, Mahmoud Abbas ne participerait pas aux réunions de cette instance régulatrice, ainsi faite pleinement décisionnaire (pour de plus amples précisions, voir
l’article d’A. Regular dans Ha’aretz du 11/1/05, « PA Security Council to
oversee armed forces » :
[->http://www.haaretzdaily.com/hasen/spages/525490)]

Outre la fin des factions et milices, désormais contrôlées par l’Autorité palestinienne, le projet qui circulait dès le lundi 10 janvier au sein du Conseil législatif palestinien, marquerait donc, s’il se mettait en place dans les formes prévues, une première séparation des tâches et des pouvoirs au sein de l’exécutif palestinien. On comprend, à ce double titre, le peu d’enthousiasme des groupes islamistes, dont l’esprit démocratique n’est pas le point fort.]], et que le Hamas ne saurait se prévaloir d’un taux d’abstention menaçant la légitimité du nouveau gouvernement, la reprise des attentats vise à le déstabiliser et remettre le feu aux poudres à l’heure d’un possible dialogue israélo-palestinien.

Le Hamas mise ainsi à tout va sur le rouge et le noir à la fois. Jeu pipé où d’amères victoires se dessinent pour lui en deux cas contraires :

 soit le cycle de la violence s’embrase de nouveau, aux dépens des deux
peuples, lui permettant de prolonger son explosive domination ;

 soit le retrait israélien se fait unilatéralement, et il peut s’en
prétendre, par la terreur, le véritable artisan.

[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/528971]

Ha’aretz, mercredi 19 janvier 2005

Pris entre deux feux

par Danny Rubinstein

(trad. Tal Aronzon pour La Paix Maintenant)


L’attaque suicide de la nuit dernière à l’entrée du Goush Katif [[Où sont regroupées les implantations israéliennes du sud de la bande de Gaza]] et la persistance de tirs de roquettes et de missiles à partir de la bande de Gaza sont un camouflet à l’égard du nouveau président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et de son influence. Le fait que l’attaque ait pris place le jour même de sa première visite à Gaza en tant que dirigeant de l’Autorité palestinienne ne peut être vu que comme un défi de l’opposition à son pouvoir.

Les plus loyaux supporters de Mahmoud Abbas eux-mêmes exprimaient hier leur
préoccupation face au comportement du Hamas et du Djihad islamique, quelques heures à peine après la réunion du cabinet palestinien et du Conseil de sécurité nationale à Ramallah. Un décret y avait été adopté permettant de rechercher les points de lancement de roquettes dans la bande de Gaza et de faire régner l’ordre et la sécurité partout dans les Territoires.

L’attentat d’hier s’est accompagnée de défilés du Hamas et du Djihad islamique dans les rues de Gaza, où les orateurs affichèrent leur refus de se joindre au moratoire des attaques contre des cibles israéliennes.

Les commentateurs palestiniens expliquent que l’attentat du Goush Katif et les provocations clamées à Gaza ne sont pas seulement destinées à atteindre
Israël ; elles marquent aussi la tentative, de la part des organisations islamistes, d’avancer leurs pions en prévision d’éventuelles négociations avec Mahmoud Abbas et la direction palestinienne concernant leur entrée en son sein. En d’autres termes, l’attentat et les missiles sont une démonstration de force au « bénéfice » des nouveaux dirigeants.

Comment Abbas va-t-il réagir ? Sa priorité, ces derniers jours, était de trouver un accord avec les membres de son propre parti, le Fatah, affiliés aux Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa. Il semble y avoir réussi. Les Brigades des Martyrs ont publiquement fait connaître leur intention de cesser les attaques à l’intérieur des frontières d’Israël – mais non en Cisjordanie ni dans la bande de Gaza.

Plusieurs officiers des services de sécurité palestiniens ont dit hier n’avoir pas encore discuté des moyens concrets d’empêcher les attaques, ni reçu d’ordres explicites à ce sujet. « Tout ce que nous avons entendu, pour le moment, ne sont que des mots creux, non des ordres », a raconté l’un d’eux, en poste à Gaza. Mahmoud Abbas, qui doit rencontrer aujourd’hui de nombreux responsables de la sécurité gazéenne, a ouvertement reconnu qu’aucun ordre formel n’avait été donné, et que beaucoup d’officiers n’avaient eu connaissance des nouvelles directives que par les médias.

L’attentat d’hier a mis en lumière le dilemme auquel Mahmoud Abbas est confronté : il est pris entre les exigences d’Ariel Sharon et les défis du Hamas et du Djihad islamique.

Alors que s’achèvent les préparatifs des quatre jours de fête musulmane de
l’Id al-Adha [[ou Aïd el-Kebir, qui commémore le sacrifice d’Abraham]], la direction palestinienne espère qu’au moins le vendredi 21, qui en marque le début, se déroulera dans un calme relatif. Si tel était le cas, Mahmoud Abbas pourrait avoir enfin une chance de discuter avec les groupes islamistes, en présence des Egypstiens qui prévoient d’inviter au Caire l’ensemble des factions palestiniennes à des pourparlers sur un « code d’honneur » incluant l’acceptation d’un cessez-le-feu.