Chronique n°
interview réalisée par Claudine Korall
La Villette, 19 novembre 2004
La Paix Maintenant : Bonjour Janet Aviad, vous êtes une militante de Shalom
Ahshav depuis de nombreuses années. Pouvez vous nous décrire l’action que
votre mouvement mène aujourd’hui ?
Janet Aviad : Je suis active depuis 1979, trop longtemps.
Les 4 dernières années, depuis la deuxième intifada, nous avons perdu beaucoup de la confiance du public ainsi qu’une bonne partie de nos militants. C’est seulement depuis un an que nous sommes sur la bonne voie, en expansion. Pourquoi ? c’est parce que la gauche israélienne a compris qu’il fallait continuer à être actif, avec ou sans accord de paix, et le plan de retrait de Gaza, initié par le gouvernement, a fait sortir beaucoup de gens dans la rue.
Nous les avons organisés, bien sûr, afin de soutenir ce plan, comme premier pas vers la fin de l’occupation. Cela dit , il est très étrange que nous, qui avons toutes ces années combattu Ariel Sharon, manifesté contre lui, et nous sommes opposés à lui, eh bien aujourd’hui nous le soutenons. Et je veux dire clairement que nous le soutenons aujourd’hui, car il a uelque chose qu’aucun chef de gouvernement avant lui n’avait accompli, y compris des dirigeants de gauche. Il va évacuer des colons et des colonies pour la première fois. Et ni à l’occasion d’Oslo ni aucun autre accord antérieur, les gouvernements israéliens n’avaient décidé d’en finir avec l’occupation et d’évacuer des colonies. Et c’est pourquoi nous aujourd’hui, à Shalom Akhshav, nous
emmenons le public de gauche à appuyer le retrait unilatéral, non pas comme la fin d’un processus, mais au contraire comme premier pas d’un processus . Le gouvernement d’Israel et la majorité parlementaire ont enfin décidé d’évacuer une
partie des territoires occupés. Et à mon avis, cette décision est porteuse d’une grande signification.
Maintenant, pourquoi avons-nous décidé d’organiser des manifestations de rue? c’est parce que nous sommes les seuls à pouvoir le faire. Ce n’est pas la droite qui va s’organiser pour soutenir Sharon dans sa décision de retrait, elle ne le peut pas. Seule la gauche et l’extrême-droite sont en train de s’organiser. Ce qui signifie: nous, face aux colons. Et nous avons décidé qu’il n’était pas question d’abandonner le terrain, pendant que les colons tentent de s’opposer au plan de retrait.
C’est pourquoi, nous et d’autres organisations avons mis en place ce qui s’appelle la Coordination de la majorité, sous la devise « c’est la majorité qui décide », et avons organisé une manif monstre à l’occasion du vote au parlement .
Et nous préparons actuellement une campagne de soutien au plan de retrait en vue du vote crucial qui aura lieu en mars, car en mars on votera encore sur le retrait final des colonies, Netzarim et Kfar darom, tous les colonies du centre et nord de la bande de Gaza. Ce sera une décision historique.
LPM : Oui, c’est une décision que nous attendons tous, et il se peut que le combat qui vient de se dérouler ne soit rien à côté de ce qui pourrait arriver plus tard, à l’occasion du vote en mars. Mais je voudrais vous poser la question suivante à la lumière des récents développements. La figure mythologique du leadership palestinien a disparu. Comment réagit Shalom Akhshav à cette nouvelle donne ?
JA : Je vais vous le dire exactement. Même en cette période de soutien au retrait unilatéral, notre devise était : quitter Gaza, et commencer à parler. C’est-à-dire quitter Gaza, comme signe de l’intention israélienne de mettre fin à l’occupation. Et sur cette base, négocier avec les Palestiniens. Maintenant qu’il y a un changement dans la direction palestinienne, on ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas de partenaire, nous irons crier à Sharon de s’engager dans la négociation après le retrait, et même avant. Il peut coordonner le retrait, il ne dépend pas des
Palestiniens, car il s’agit d’un retrait unilatéral, mais il peut le coordonner avec les Palestiniens, et d’ailleurs même avant la mort d’Arafat, les Egyptiens, les Anglais et les Américains ont joué le rôle d’intermédiaires .
Aujourd’hui, cela peut se faire directement avec les Palestiniens s’ils s’organisent. Cela prendra du temps, bientôt il y aura les élections palestiniennes, il y aura une nouvelle direction, je ne sais pas qui sera le chef du gouvernement . Mais si c’est Abou Mazen ou quelqu’un comme lui, il n’y a aucune raison de ne pas entamer une négociation sur le retrait des territoires de Cisjordanie, de toute la Cisjordanie. N’oubliez pas que quatre colonies de Samarie sont destinées à être évacuées dans le cadre du plan unilatéral.
C’est notre rôle. Encore une fois, on n’est pas tenu de parler d’accord permanent, ou d’accord de Genève, etc, nous devons dire : tout accord est bon, Même s’il s’agit d’un accord intérimaire. L’essentiel est qu’il y ait des discussions sur qqch, et c’est sur ce qqch que l’on va progresser petit à petit.
Je ne pense pas qu’il y ait des discussions, disons en juin, qu’il y ait un accord sur Jérusalem. Cela prendra bcp de temps après tout ce qui s’est passé ces 4 dernières années. Mais qu’au moins l’on décide de choses provisoires, et que la négociation recommence sur les bases de ce qu’il y avait en 2000 ! Cela ne pourrait aller que dans le bon sens.
Voilà. Entre temps, il y aura également des élections en Israel, et nous devrons voir qui sera à la tête du gouvernement en 2005/2006. Mais à mon avis, quel que soit le leader, il poursuivra le processus entamé par Sharon, car ce dernier a légitimé la fin de l’occupation, et l’on ne peut s’imaginer à quel point ceci est important, à savoir : voici un chef de gouvernement de droite, qui a été le pionnier de toute l’aventure de l’occupation, qui commence lui-même à y mettre fin et à se retirer des territoires. C’est un retrait mis en oeuvre par un chef de droite, il ne peut y avoir de meilleure configuration pour nous, dans l’opinion publique, il nous apporte cela, toute la carte
politique se recentre, et ce sont les colons qui sont isolés. Et cela, c’est stupéfiant, c’est une évolution très importante. J’espère simplement que cela va continuer, nous continuerons à soutenir et à promouvoir ce plan.
LPM : Merci Janet Aviad, nous vous souhaitons bon succès, ici nous continuerons à vous aider tant que nous le pouvons.
JA : Vous êtes formidables, je suis sérieuse, votre groupe, c’est quelque chose de spécial d’unique ! C’est très important pour nous.
LPM : Merci