On ne peut pas dire que la décision de Airbnb de cesser ses activités dans les colonies de Cisjordanie en mettant un terme au répertoriage des quelques 200 appartements proposés dans son catalogue soit passée inaperçue.
Certains s’en féliciteront, d’autres la trouveront exagérée, déplacée ou injuste et auraient préféré le maintien de ces annonces avec une mention spécifique éclairant le consommateur mais ne prenant pas la décision à sa place. Plus important à nos yeux est le rôle de révélateur qu’elle a joué.
Du côté israélien, comme on pouvait s’y attendre, chacun des ministres y est allé de sa déclaration va-t-en-guerre mais, plus instructive encore, a été la réaction de la part des tenants de la colonisation qui, une fois de plus, ont perdu tout sens tant de la modération que de la mesure.
Ainsi le Conseil de Yesha, qui regroupe vingt-cinq maires élus et dix dirigeants de communautés, représentant un total d’environ 225 000 colons, voit dans la décision d’Airbnb pas moins que le «résultat ou de l’antisémitisme ou de la reddition au terrorisme ou des deux».
Mais la virulence de ces réactions et la perte du sens de la réalité dont elles témoignent ne peuvent masquer le rappel à l’ordre dont témoigne cette décision.
Non, la communauté internationale, les grandes entreprises et compagnies qui souhaitent sans conteste échanger et commercer avec Israël, ne confondent pas colonies et territoire israélien. La dilution de la « ligne verte » à laquelle se sont adonnés les différents gouvernements israéliens a certes fonctionné auprès de la population locale, mais elle ne fait pas consensus, loin s’en faut, internationalement parlant.
En fait, à la différence de la population israélienne pour laquelle ce rappel à l’ordre est une surprise, voire un choc, il n’en est rien pour le gouvernement israélien qui connait pertinemment cette distinction qu’il respecte et applique dans ses accords internationaux : les territoires occupés en sont le plus souvent exclus, ils ne bénéficient pas des avantages et autres subventions allouées dans ce cadre.
Cette décision a peut-être été perçue comme une victoire par les partisans du boycott dont l’objectif n’est pas tant de mettre un terme à l’occupation que de contester la légitimité du sionisme, du droit à l’existence de l’État d’Israël que réglerait le retour de réfugiés, plus exactement des descendants des réfugiés.
Mais cette lecture n’est pas la seule possible. La décision de Airbnb en réintroduisant le principe de réalité (les territoires ne sont pas Israël/Israël, ce n’est pas les territoires) risque sans doute d’exacerber passions et intransigeance mais peut aussi contribuer à ramener à la raison, insuffler un peu de lumière à laquelle, en ces jours, nous sommes particulièrement réceptifs.
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Ilan Rozenkier
12 décembre 2019