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L’auteur est député travailliste à la Knesset, président de la
sous-commission chargée de la programmation et de la politique en matière
de défense.]]
Haaretz, le 11 octobre 2004
[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/486948.html]
Dans une interview accordée au magasine du quotidien Haaretz, datée du 8
octobre 2004, Dov Weisglass, l’ancien directeur de cabinet d’Ariel Sharon,
a exposé de façon claire ce que le Premier Ministre a lui-même cherché à
atténuer dans les entretiens qu’il a donnés à l’occasion de Rosh Hashana
(nouvel an). L’objectif du plan de retrait de Gaza est de perpétuer le
contrôle israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie et de repousser
toute pression interne ou externe en faveur d’une solution politique
différente.
De façon régulière, Sharon tente de mettre en pratique sa vision des
choses, c’est-à-dire le contrôle israélien des flancs Est et Ouest de la
Cisjordanie et le maintien de couloirs de circulation en long et en large
de ce territoire. Les Palestiniens garderont sept enclaves, reliées par
des autoroutes spéciales.
Le plan de retrait facilitera la réalisation de cette vision, à un prix
dérisoire du point de vue de Sharon : celui-ci rend la bande de Gaza, où
vivent 37% des Palestiniens, mais dont la superficie ne recouvre que 1,25%
de la terre d’Israël.
Quiconque traverse la Cisjordanie n’éprouvera aucun doute concernant les
intentions cachées du plan de retrait. La construction dans les colonies,
y compris illégales, progresse à grande vitesse, et environ 4 000 unités
de logements sont aujourd’hui en cours d’édification. Une fois celles-ci
peuplées, le nombre de colons en Cisjordanie augmentera d’environ 10%.
La majeure partie de la population israélienne soutient le plan de Sharon,
en croyant naïvement que sa réalisation entraînera la fin de la guerre et
une amélioration sensible de la situation économique. La communauté
internationale – qui soutient également ce plan – est fatiguée par le
conflit israélo-palestinien et n’investit plus grand effort pour tenter de
le résoudre.
En dépit de la confession accablante de Weisglass à Haaretz, le camp de la
paix continuera à soutenir le plan d’Ariel Sharon. Mais ce soutien
inconditionnel exprime avant tout une faiblesse et un manque de confiance.
Car de nombreux dirigeants du camp de la paix ne croient plus en leur
capacité à impulser un mouvement politique audacieux – qui impliquerait un
affrontement avec l’extrême droite – et à convaincre la majorité de la
population de la justesse de leurs vues.
Ceux qui préfèrent un retrait unilatéral à une tentative sérieuse de
rapprochement avec les Palestiniens acceptent le présupposé de base de
Sharon – que celui-ci a cherché à confirmer à grands efforts – à savoir
qu’«il n’y a pas de partenaire». Toute personne susceptible d’être un
partenaire n’a rien reçu de lui, à l’exception de compliments malvenus. Il
est vrai qu’il n’y a pas de partenaire Palestinien qui soutienne un plan à
sept enclaves, et il n’y en aura pas.
De nombreuses personnes honnêtes espèrent sérieusement que la sortie de la
bande de Gaza et l’évacuation des colonies enclencheront une dynamique qui
ne pourra être stopée. Une telle dynamique rendrait inévitable l’extension
du processus à la Cisjordanie. Or, cette possibilité exerce une influence
sur l’extrême droite, dont la violente opposition n’a pas encore atteint
son sommet.
Toutefois, un tel scénario ne risque de se produire que si Gaza est remise
entre les mains d’un gouvernement palestinien responsable, via une
coordination étroite avec Israël et un soutien actif et généreux de la
part de la communauté internationale et des Etats arabes riches. Une bande
de Gaza ne constituant pas une source pour le terrorisme et où celui-ci ne
règne pas, qui serait réhabilitée économiquement et dirigée par un
gouvernement palestinien, pourrait constituer un modèle positif pour
l’avenir.
Je ne suis pas certain que ce soit le modèle que Sharon ait en tête. Pour
le moment, un modèle opposé – et négatif – semble plus probable : une
bande de Gaza livrée au chaos, soutenue par des ONG humanitaires et
contrôlée par des bandes armées – autrement dit un modèle qui empêchera
tout Israélien d’envisager une extension du processus de retrait à la
Cisjordanie. Au sein de la population israélienne, la poursuite de la
guerre suite au retrait de Gaza provoquera la perte de tout désir de
parvenir à un accord. Dans une telle atmosphère, notre étreinte mortelle
autour de 2,5 millions de Palestiniens rassemblés dans sept enclaves de la
Cisjordanie sera amenée à se perpétuer.
Dans l’éventualité où des élections générales se tiendraient avant la mise
en œuvre du plan de retrait, celles-ci seraient nécessairement centrées
autour d’un soutien ou d’une opposition au plan de Sharon. Sans aucun plan
alternatif, la population soutiendra Sharon et son plan, préparant ainsi
le terrain indirectement à la poursuite de la colonisation illégale en
Cisjordanie. Lorsqu’ils s’apercevront que le conflit n’a pas été résolu,
que la guerre avec les Palestiniens continue, que l’armée israélienne est
occupée à protéger les colons et que l’isolation d’Israël au plan
international ne cesse de croître, les Israéliens en auront pour quatre
années supplémentaires avec un gouvernement qui en réalité ne souhaite
rien d’autre.
Weisglass a affirmé ouvertement à Haaretz que «le plan de retrait fournit
la quantité nécessaire de formole pour qu’il n’y ait pas de processus
politique avec les Palestiniens». Le formole, faut-il le rappeller, est le
liquide dans lequel sont conservés les morts.
Les partis politiques qui souhaitent un processus politique – le parti
travailliste, Shinui et Yahad – doivent proposer une alternative. Le réel
choix se situe entre la fin de la guerre et la poursuite de la
colonisation. Il n’y aura pas d’accord avec les Palestiniens tant que 250
000 Israéliens continuent à vivre dans 230 colonies et avant-postes en
Cisjordanie. La guerre sur cette terre ne connaîtra de fin sans qu’environ
la moitié de ces Israéliens ne retournent à l’intérieur des frontières de
leur Etat et qu’une nouvelle carte ne voit le jour marquant la séparation
entre Israël et l’Etat Palestinien.
Selon cette nouvelle carte, environ 80% de l’Eretz Israël sous mandat
britannique se situeront à l’intérieur des frontières de notre Etat.
Réalisée dans le cadre d’un accord, une telle division marquera une
victoire historique pour le sionisme. Le choix entre les colonies et la
fin de la guerre devrait être placé au centre des prochaines élections.
Fatiguée d’être entraînée dans une guerre sans fin par une minorité
d’extrêmistes, la majorité aura enfin son mot à dire.