Haaretz, le 20 septembre 2004

Traduction Kol Shalom (La lettre des Amis Belges de Shalom Akhshav)


Il n’est pas agréable de contraindre quelqu’un à quitter son foyer. Ce l’est encore moins de démanteler des communautés entières et de les évacuer par la force. Cela s’est produit plus d’une fois en Israël, principalement avec les Arabes, mais aussi avec des Juifs dans le cadre du traité de paix avec l’Egypte.

Il n’est pas non plus agréable de ne pas tenir une promesse explicite faite à ses électeurs. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. Alors qu’il a été élu Premier ministre en promettant de ne pas négocier avec l’OLP, Yitzhak Rabin a signé les accords d’Oslo. Ariel Sharon a promis à ses électeurs de ne pas démanteler
d’implantations dans les territoires occupés. Il eût été plus correct de la part de Rabin de requérir l’avis de la population ; tout comme il eût été également plus correct de la part de Sharon de se représenter devant ses électeurs.

En s’opposant au démantèlement des implantations juives dans les territoires occupés, les adversaires du plan de retrait unilatéral comparent l’évacuation des colons à un « transfert », une « expulsion » et un « crime contre l’humanité ». La signification de cette comparaison est très claire : s’il est possible d’expulser des Juifs, alors il est
également permis de le faire avec les Arabes. Si cette règle est valable pour Netzarim (colonie à Gaza), elle l’est également pour Taibeh (localité arabe en Israël), s’exclament les adversaires du retrait cherchant évidemment défier la gauche israélienne :
« bloquerez-vous les routes en vous couchant sur celles-ci pour empêcher l’évacuation de Taibeh ? »

Tous ceux qui tiennent ce raisonnement justifient en fait l’expulsion des Arabes d’Israël sans jamais faire le lien avec le démantèlement des implantations. En revanche, l’argument selon lequel une expulsion est une expulsion, et ce quelle qu’elle soit, mérite d’être débattu. La réponse qui s’impose est la suivante : Taibeh n’est pas Netzarim.

Les implantations juives des territoires occupés depuis 1967 ont été créées soit sur décision de l’Etat, soit avec l’accord de l’Etat et ce, bien souvent à ses dépens. La plupart des implantations n’avaient que l’apparence d’une installation civile. Il s’agissait en de camps militaires ou semi militaires. Elles répondaient à des objectifs politiques ; beaucoup de colons se considèrent d’ailleurs comme des émissaires de la nation et de l’idéal sioniste.

On n’aurait jamais dû les laisser s’y installer depuis le début. Quoi qu’il en soit, leur mission touche à sa fin. Ils reviennent à la maison. Ils perçoivent des indemnités compensatoires. Il ne faut pas les traiter sans générosité : il n’est pas simple de tout quitter pour recommencer à zéro ailleurs. Il ne faut pas non plus ignorer la douleur que peut susciter le démantèlement de communautés entières. Cela signifie donc qu’il ne faut pas négliger un autre aspect : la volonté exprimée par l’Etat d’accorder des compensations aux colons et leur volonté de prendre cet argent indique clairement qu’ils ont le statut d’émissaires de l’Etat. Ils ne ressemblent en rien aux pionniers américains à la conquête de l’Ouest organisée à leurs risques et périls. On ne peut pas les comparer aux blancs d’Afrique du Sud y vivant depuis plus de 500 ans sans le moindre lien avec une autre patrie ; Les colons israéliens ne vivent dans les territoires occupés que depuis quelques années et on a toujours laisser planer le doute
sur leur avenir et la possibilité d’évacuer ces territoires n’a jamais été exclue.

L’Etat les rappelle au pays de la manière qu’il rappelle un diplomate tombé amoureux du pays dans lequel il effectuait sa mission.

Seuls les fanatiques les plus obstinés et les démagogues les plus vicieux ne peuvent distinguer la situation des colons – celle de la fin d’une mission décidée par l’Etat – de l’expulsion d’une population civile ordinaire vivant depuis très longtemps au même endroit. Les Arabes d’Israël et des territoires occupés ne vivent pas dans leur foyer suite à une décision prise par l’Etat ; leurs villes et leurs villages n’ont pas été édifiés pour des raisons politiques susceptibles d’être ultérieurement remises en cause. Ils ne sont pas des émissaires sionistes. De plus, contrairement aux colons, les Arabes des territoires n’ont en aucun cas la possibilité de participer au processus décisionnel démocratique israélien.

Le débat actuel ne porte pas seulement sur la question des implantations de la bande de Gaza, ni sur l’avenir politique de Premier ministre Ariel Sharon. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir des relations entre Israël et les Palestiniens. Evidemment, il n’est pas
question de revenir sur le sur la légitimité du sionisme ou l’existence de l’Etat d’Israël lorsqu’on aborde le démantèlement des implantations. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de comparaison à faire entre l’existence de l’Etat d’une part, et le contrôle par
celui-ci sur tous les territoires qu’il occupe et qu’il colonise d’autre part. Israël a déjà évacué des territoires et démantelé des implantations, jamais en position de faiblesse, mais lorsque les circonstances permettaient une nouvelle politique.

Le désir ardent d’occuper, de coloniser et d’expulser a été réprimé plus d’une fois pour des raisons diplomatiques, militaires et peut-être morales. « Nous aurions pu nous emparer sans aucune difficulté du Caire, d’Amman et de Damas », a écrit Yitzhak Rabin après la Guerre des Six jours. Ils ont décidé qu’il serait mieux pour Israël de ne pas le faire.