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Haaretz, 22 fevrier 2004
Les dirigeants des colons et les porte-parole de la droite radicale assurent
que la proposition du premier ministre de se retirer unilateralement de Gaza
intervient juste avant la defaite definitive de l’Autorite palestinienne.
Cela n’est pas nouveau. Chaque fois qu’un premier ministre israelien ouvre
les yeux et percoit le prix terible que paye l’Etat a cause de la
continuation du conflit avec les Palestiniens, la droite a recours a
l’argument selon lequel, si nous avions montre un petit peu plus de
determination, l’ennemi aurait cede et il n’y aurait eu aucune raison de
faire de concessions.
Cela a ete le cas quand Yitzhak Rabin a signe les accords d’Oslo, puis quand
Ehud Barak a propose a Yasser Arafat un accord definitif a Camp David. Cela
a egalement ete le cas a chaque fois qu’Ariel Sharon, sous la pression
americaine, a tente de parvenir a un cessez -le-feu avec l’Autorite
palestinienne. Dans chacun de ces cas, la droite, dont une partie du Likoud,
a dit que les premiers ministres israeliens lancaient aux Palestiniens une
bouee de sauvetage inutile, juste au moment ou ils allaient s’effondrer
definitivement, et que la meilleure chose a faire etait d’augmenter la
pression militaire.
Aujourd’hui, ils usent du meme argument contre Sharon. Ils disent que Sharon
a perdu son sang froid, et que s’il avait ete un peu plus patient, Tsahal
aurait ecrase la resistance des Palestiniens, et epargne a Israel la
necessite d’evacuer la Bande de Gaza. Analogue a la legende du poignard dans
le dos, qu’a connue un autre pays en d’autres temps, cette version circule
dans les milieux de droite : la victoire nous a echappe au dernier moment, a
cause de la faiblesse personnelle du premier ministre.
Il reste encore a voir si Sharon est digne de cet honneur douteux. Ses
declarations sur le retrait doivent encore etre prouvees, et quiconque met
en doute sa sincerite a de bonnes raisons de le faire. Neanmoins, meme si
Sharon finit par trouver une maniere de ne pas appliquer son plan, celui-ci
a malgre tout du poids, parce qu’il contient l’aveu de l’inutilite de la
presence d’Israel a Gaza, et de la profondeur de l’abime dans lequel cette
presence l’a plonge.
Le cote absurde de la chose est que Sharon a encore un pied dans le camp de
la droite qui manfeste contre lui. Il a annonce son intention de quitter
Gaza, mais immediatement apres, a commence a en reduire l’importance. Ces
trois dernieres semaines, le public a entendu que le retrait ne serait pas
total, que trois colonies au Nord de la Bande de Gaza demeureraient en
place, que l’armee continuerait a patrouiller dans certaines des zones
evacuees, que le plan est un plan de principe, et non operatif, qu’il est
trop tot pour designer nommement les colonies devant etre evacuees, qu’il
n’y a aucune raison de se hater pour presenter le plan au conseil des
ministres, qu’avant qu’il soit applique, il y aurait un referendum, que la
mesure doit etre coordonnee avec l’administration americaine, qu’un effort
sera fait pour repondre aux attentes des Americains et conjuguer la
proposition avec la feuille de route et la vision du president Bush, et pour
parler a l’Autorite palestinienne.
On peut voir toutes ces conditions comme des stratagemes qu’utiliserait
Sharon pour que son plan franchisse l’obstacle politique (l’opposition au
sein du Likoud, ndt). On peut aussi les voir comme une echelle qui lui
permettrait de descendre de l’arbre sur lequel il a grimpe. Ou comme une
tentaive de camoufler un ballon d’essai, dont le proprietaire n’aurait
jamais eu l’intention d’executer ce que le message contenait.
Peut-etre les limites qu’il place sont-elles une preuve de ses douloureuses
reflexions. Sharon se rend compte qu’il doit evacuer la Bande de Gaza, mais
quelque part au plus profond de lui, quelque chose lui murmure que,
peut-etre, avec encore un petit effort, les Palestiniens seraient vaincus
militairement, une fois pour toutes.
Nous devons aider Sharon a accepter l’idee que l’Etat d’Israel, en proie a
de dangereuses convulsions, a desesperement besoin d’une re-calibration. La
cle, pour le ramener sur le droit chemin du developpement, c’est la fin de
l’occupation et le renoncement aux territoires. Quitter Gaza est un pas dans
la bonne direction. Toutes les autres solutions sont illusoires, comme la
fausse croyance selon laquelle encore un petit effort apporterait la
victoire tant souhaitee.