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Haaretz, 15 fevrier 2004
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Ce n’est pas la première fois que la Haute cour de Justice est saisie par des organisations pour les droits de l’homme et par des habitants de Cisjordanie au sujet de la clôture de separation. Leur argument est que la clôture sépare les Palestiniens de leurs centres de production et leurs sources d’eau. Aujourd’hui, comme ce fut le cas pour des centaines d’autres procédures liées aux territoires qui avaient pour adresses des organismes d’Etat, la formule magique « raisons de securité » apparaît dans la reponse de l’Etat.
Par le passé, cette formule ne laissait aucune chance aux demandeurs. Dans le cadre d’une précédente procédure liée à la clôture, l’état-major déclarait que « le tracé a été choisi après un travail d’équipe intensif, qui comprenait l’examen de tracés alternatifs ». Cela a suffi à la Cour pour permettre à l’armée d’exproprier des terres, déraciner des plantations, et rendre la vie très difficile aux habitants de A-Ras et de Kafr Zur, deux
villages au nord ouest de la Cisjordanie.
Le 20 août 2002, une semaine après l’examen du tracé de la clôture dans cette région par le conseil des ministres, l’armée signait un nouvel ordre d’expropriation qui signalait un tracé différent. D’autres changements se sont produits, parfois en réaction aux pressions des colons, parfois en réaction à celles des Américains, ce qui devrait rappeler à l’opinion (y compris aux membres de la Cour suprême) que la sécurité est davantage liée à la politique qu’aux mathématiques.
Le colonel (réserve) Shaul Arieli, qui dirigeait l’administration de paix du temps du gouvernement Barak, et qui coordonnait la préparation des cartes, a conçu un tracé alternatif à celui approuvé par le conseil des ministres. Son tracé, fondé purement sur des considérations de sécurité, place le même nombre d’Israéliens dans la zone protégée, à l’ouest de la clôture, que ne le fait le tracé actuel. Mais au lieu d’empiéter de 900 km2 en Cisjordanie, il ne saisit que 300 km2, en plaçant de surcroît Maale Adoumim et ses 30.000 habitants à l’ouest de la clôture.
Ce tracé réduit également le nombre de Palestiniens emprisonnés entre la clôture (y compris l' »enveloppe de Jérusalem ») et la Ligne verte et privés ainsi de leurs services dans les territoires, en faisant passer ce nombre de 400.000 à 56.000. Le tracé d’Arieli ne sépare pas les paysans palestiniens de leurs terres et de leurs puits, ni les élèves palestiniens de leurs établissements scolaires.
Quiconque est réellement soucieux de la sécurité des citoyens israéliens ne laisserait pas des dizaines de milliers de Palestiniens assoiffés de venfeance à l’ouest de la clôture. Seul une manipulation destinée à faire de la sécurité un instrument pour annexer de facto des territoires peut expliquer pourquoi une clôture dévoreuse de temps, d’argent et de positions diplomatiques est préférable à une clôture plus courte, moins chère et qui ne produit pas de haine.
La politique de la clôture ne tourne pas autour de problèmes de sécurité, ni de problèmes moraux et juridiques qui seraient le resultat du contrôle par Israël de kilomètres carrés supplémentaires de territoires le long de la Ligne verte. La conception de la clôture, comme le plan de désengagement, cache un programme politique bien plus vaste.
Le premier ministre Ariel Sharon s’est rendu compte que la peur des attentats terroristes lui fournissait un outil magique qui lui permettrait de dessiner de façon unilatérale les frontières définitives du pays. L’opinion désire si fort un mur de défense qui la séparerait une bonne fois pour toutes des terroristes et des kamikazes qu’elle n’a pas remarqué que les solutions unilatérales l’eloignaient de l’objectif stratégique de fin du conflit.
La seule solution pour remettre les parties sur la longue route vers la réconciliation était et demeure un accord qui jouit d’une légitimité internationale, c’est-à-dire fondé sur la résolution 242 des Nations Unies et sur les lignes de 1967.
Le « petit plan » de désengagement de Gaza, avec les cris des colons qui l’accompagnent, est destiné à gagner le coeur des Américains qui, ainsi, arrêteraient de se plaindre de la clôture et laisseraient Sharon exécuter le « grand plan » d’annexion de territoires en Cisjordanie. Si, en plus de permettre cette annexion, le désengagement libère aussi Tsahal du fardeau consistant à contrôler la vie d’un million et demi de Palestiniens de la bande de Gaza, cela est tout bonus pour le gouvernement.
Apres trois années d’impasse qui ont detruit l’espoir, le plan de désengagement est si tentant qu’il a aveuglé des membres du « camp de la paix » en Israël. Ils sont nombreux à avoir la vue trop troublée pour discerner l’énorme slogan politique inscrit des deux côtés de la clôture. Ce slogan dit qu’il n’existe pas de partenaire pour conclure un accord, et que nous sommes condamnés a vivre à perpétuité par le glaive et par les clôtures.