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Haaretz, 19 janvier 2004
Il y a quelques jours, l’avocat Shlomo Lecker saisissait la Haute cour de
Justice contre le commandant de Tsahal en Judee et Samarie, et contre le
conseil local de Kyriat Arba, au nom de plus de 20 familles palestiniennes
de Hebron, contre lesquelles l’armee a emis des decrets de confiscation de
terres pour raisons de securite. Cela concerne une zone relativement modeste, une bande d’environ 67 dounams, de 10 a 20 metres de large, sur moins de 10 km de long. Cette bande surplombe Kiryat Arba et est situee a une distance qui varie entre plusieurs dizaines de metres et plusieurs centaines de metres de la cloture qui entoure aujourd’hui cette grande et ancienne colonie juive qui jouxte Hebron. Sur cette zone etroite doit s’elever une nouvelle cloture de securite qui entourerait la colonie. « L’ordre de confiscation a ete notifie afin de creer une zone de securite speciale autour de la colonie de Kiryat Arba, et fait partie d’une politique de securite globale destinee a proteger les colonies juives en Judee et en Samarie (la Cisjordanie) », declare une lettre a Me Lecker en provenance du
conseiller juridique pour la Judee et la Samarie.
Entre les terres sur lesquelles cette nouvelle cloture va etre construite et
l’ancienne cloture autour de Kiryat Arba, se trouve une zone d’environ 600
dounams, pour la plupart des terres privees, de vignes et de plantations
diverses. A proprement parler, Tsahal n’a pas confisque ces 600 dounams,
mais ne fait queconstruire une cloture qui separera les familles arabes de
leurs terres. Comme dans des cas semblables qui concernent la cloture de
securite, Tsahal promet d’ouvrir des points de passage et des portes pour
les Arabes desireux d’acceder a leurs terres de l’autre cote de la cloture.
Il a ete egalement dit a Me Lecker que si des problemes surgissaient a ces
points de passage, les Arabes (apres coordination de securite, evidemment)
seraient autorises a passer par le portail principal de Kiryat Arba, et de
là a se rendre sur leurs terres. Selon Me Lecker, personne ne prend ce genre
de dispositions au serieux, en particulier a la lumiere des tentatives repétées, ces dernieres annees, des colons juifs de Kiryat Arba de prendre le controle des terres adjacentes a leur colonie. En d’autres termes, la confiscation de ces 67 dounams et l’erection de la nouvelle cloture signifiera de facto l’addition de centaines de dounams a Kiryat Arba.
Des actions similaires de « creation de zones de securite speciales autour des colonies » (comme il est dit dans la lettre du conseiller juridique militaire) se sont produites ces derniers mois dans d’autres colonies des territoires, et la question se pose de savoir si, outre les problemes de securite, on n’assiste pas a un nouveau stratageme pour s’emparer de davantage de terres aux depens des Arabes et pour les transferer aux colons juifs.
L’histoire de la colonisation israelienne en Cisjordanie, qui s’est deroulee
sans pause depuis plus de 36 ans, est riche de manoeuvres
juridico-securitaires, toutes conduisant a un resultat simple : le controle
par Israel de plus en plus de terres. En la matiere, le tournant est intervenu en 1981, quand le gouvernement de Menahem Begin a commence a utiliser la methode des « declarations de terres d’Etat », qui permet au gouvernement israelien de saisir la plupart des terres non cultivees et non habitees de Cisjordanie. Cela represente environ la moitie de la superficie de la Cisjordanie, et recoupe dans une certaine mesure ce qu’on nomme la « Zone C » dans les accords d’Oslo (terres qui demeurent sous controle total d’Israel).
A maints egards, on peut aujourd’hui definir ces territoires comme ayant ete
annexes de facto a Israel. Ils abritent une population palestinienne eparse,
et les Palestiniens proprietaires sur ces terres n’ont absolument aucune
possibilite d’y obtenir des permis de construire (a moins que la terre ne se
situe au coeur d’un village).
Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que le gouvernement d’Israel n’a plus
besoin de stratagemes sophistiques pour deposseder les Arabes de leurs
terres et de les transferer aux Israeliens. Le trace de la cloture de
securite rejoint la methode des avant-postes « autorises » ou « non autorises »,
a laquelle s’ajoute la creation de zones de securite autour des colonies
juives, et cela constitue le plan unilateral de la frontiere tel qu’il est
determine par le gouvernement d’Israel.
Il restera alors aux Palestiniens environ 50% de leur territoire. « Cest la
catastrophe de toutes les catastrophes », a dit Yasser Arafat la semaine
derniere, invoquant la « nakba », terme utilise en reference a la catastrophe
qu’ont connue les Palestiniens en 1948. Ainsi, sur les ruines des echecs des
plans de paix, surgit ce plan, qui sans aucun doute provoquera de nouveaux
troubles.