Benyamin Nétanyahou est à Paris pour participer, dimanche 16 juillet, à la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv. Sa présence y est totalement justifiée, quoi que l’on pense de sa politique s’agissant du conflit israélo-palestinien (et l’on sait l’opposition résolue qui est celle de Shalom Akhshav, et plus largement du camp de la paix israélien). Il vient pour commémorer un événement historique, la rafle du Vel d’Hiv, dont la France porte la responsabilité — dans le contexte plus large de la Shoah qui a joué un rôle important dans la création de l’État d’Israël, mais qui n’en est pas à l’origine. Rappelons notamment que le sionisme lui est antérieur.
Comme l’a écrit notre ami Meïr Waintrater sur sa page Facebook : « On ne saurait décemment contester la place du représentant de l’État juif à une telle commémoration. »
Jean-Paul Chagnollaud, qui n’est pas tendre pour le gouvernement israélien c’est le moins que l’on puisse dire, reconnait que « La politique d’Israël ne se comprend qu’à la lumière du poids écrasant de la Shoah dans la mémoire collective. Ce sentiment profond — quelque part existentiel — d’être en danger de mort dès que des tensions et a fortiori des violences surgissent est omniprésent. » *
Le souvenir de ces massacres de Juifs parce que juifs, hommes, femmes, enfants, vieillards … tout cela reste gravé de manière indélébile dans la mémoire collective de cet État, dans lequel vivent aujourd’hui encore quelques survivants de cette rafle et nombre de descendants et d’apparentés.
Et, aux dires de certains, le représentant de ce même État n’aurait pas de légitimité à assister à cette cérémonie ?
Ne serait-ce pas, plus que la présence du représentant de cet État, l’existence même de cet État qui en gênerait plus d’un ?
C’est pourquoi on ne peut que condamner — et on le doit — ceux qui s’opposent à cette présence. Plus grave encore, le motif invoqué — pour faire court, la politique anti-palestinienne du gouvernement israélien — traduit une confusion dangereuse et induit une importation du conflit lourde de conséquences, même s’il est vrai que les dirigeants israéliens n’hésitent pas parfois, eux aussi, à l’alimenter.
Mais ce n’est pas au titre de sa politique que Nétanyahou est présent à Paris le 16 juillet. Ménerait-il la politique la plus juste, la plus appropriée (alevay!) que cela ne lui donnerait aucun droit supplémentaire ni aucun surplus de légitimité à assister aux cérémonies. Il y participe pour ce qu’est Israël et non pour ce qu’il fait.
Le Monde a tort à notre sens lorsqu’il présente en ces termes la contribution dans ses colonnes de Ze’ev Sternhell le 13/7 : « La visite du Premier ministre israélien à Paris le 16 juillet vise à “demander à la France de renoncer à l’indépendance de la Palestine”. Il estime que Paris ne doit pas céder. » La visite de Nétanyahou ne vise nullement à cela. Que ce dernier profite de cette opportunité pour exprimer ses positions, c’est possible et même probable. Il s’agit là d’un “dommage collatéral” inévitable lors de visites officielles. On y est amené à parler de choses et d’autres qui, pour certaines, ne sont pas à l’origine de la visite. Quand cela se produira, sans doute au cours de l’entretien privé que Nétanyahou et Macron auront, alors, et alors seulement, ce que dit Sternhell aura toute sa raison d’être et on attend du président français qu’il réponde positivement à son appel, voire même à sa supplique : Dire oui à un État palestinien aux côtés d’Israël, dont la sécurité repose sur la paix avec ses voisins (Égypte et Jordanie hier ; Palestine aujourd’hui ; et demain le monde arabe).
Il convient cependant de faire remarquer que les propos de Ze’ev Sternhell ne sont pas tout à fait ceux que lui prêtent Le Monde. Il écrit en effet que Nétanyahou « vient à Paris avec la volonté de convaincre E. Macron d’infléchir … la politique traditionnelle de la France sur la question palestinienne ». “Venir avec la volonté” ne signifie pas que cette venue “vise à”, qu’elle a un objectif qui diffère de de la raison avancée à ce voyage, lequel alors perdrait en légitimité. Cette différence n’est pas sans conséquence à notre sens alors que, justement, ce voyage est contesté et que rien ne doit justifier une telle contestation.
Bienvenue donc en France, M. Nétanyahou ! Ne commettez pas l’erreur de donner raison à ceux qui mélangent tout, par ignorance – à moins qu’ils ne récusent sciemment Israël par Palestiniens interposés. L’objet de votre venue est suffisamment essentiel pour qu’il ne soit pas nécessaire dans son versant public d’en outrepasser le champ.
* « Israël/Palestine » — Trois questions à Jean-Paul Chagnollaud par Pascal Boniface, IRIS, le 4/7/2017.