La récente décision prise par le gouvernement israélien de créer une nouvelle implantation dans les territoires occupés, la première depuis plus de 20 ans, est d’autant plus dommageable qu’elle ne s’accompagne d’aucune contrepartie envers les Palestiniens et la communauté internationale, sans parler de la nouvelle administration américaine. Pourtant cette décision est “officiellement” justifiée par la nécessité de dédommager les habitants d’Âmona, évacués après vingt ans de procédures pour cause d’implantation illégale sur des terres privées palestiniennes. On peut sans aucun doute discuter, voire se scandaliser, de la soi-disante nécessité de compensation mais une chose est incontestable : la notion de contrepartie est connue et maîtrisée par B. Nétanyahou.
Comment comprendre alors que le gouvernement n’ait, simultanément à cette annonce, pas fait le moindre geste en direction des Palestiniens ? Par exemple… accorder enfin des permis de construire en zone C ? Ou bien faire un geste envers les Bédouins de Khan al-Ahmar, près de Ma’aleh Adoumim, menacés d’expulsion eux aussi depuis plus de 20 ans au grand dam de l’Union européenne ?
Pourquoi aucune ouverture envers les pays arabes au moment même où, réunis en Jordanie, leurs dirigeants relançaient l’initiative de Ryad de 2002, qui peut constituer une base de discussion et de reprise du processus diplomatique ? Il est évident que si les Israéliens veulent développer des relations avec les pays sunnites de la région, au-delà des seuls échanges sécuritaires, l’occultation du conflit israélo-palestinien ne saurait être de mise. Comme l’a écrit l’un des plus fins connaisseurs des questions territoriales, Shaul Ariéli, “la route vers Ryad passe par Ramallah”.
Comment comprendre sinon ce mépris, du moins cette absence de considération, à l’égard de l’Union européenne ; laquelle génère une tension croissante avec des amis traditionnels (Allemagne, Grande-Bretagne, France …) alors qu’Israël profite largement des programmes de coopération en matière de recherche et d’échanges économiques – le récent projet de pipe-line gazier sous-marin n’étant pas le moins enthousiasmant ?
Comment expliquer l’absence de contrepartie fiable vis-à-vis de la nouvelle administration américaine, la “plus grande amie d’Israël depuis longtemps”, alors que divers signaux semblent laisser présager qu’amitié ne veut pas dire servilité ? Certes Israël a annoncé un ralentissement des constructions, qui seraient dorénavant limitées aux seules colonies “légales”. Mais cette annonce ne trompe personne, avec ses possibilités d’exemption si la topographie le nécessite ; avec un plan d’occupation des sols qui prévoit pour chaque colonie des superficies bien supérieures à celles actuellement occupées par les constructions. Le raidissement américain à l’égard d’Israël qui semble se profiler illustre une nouvelle fois la capacité surprenante des autorités israéliennes à se mettre à dos ses amis les plus inconditionnels.
Cet autisme politique, que double un immobilisme diplomatique qui n’a que trop duré, est particulièrement inquiétant. En cette période de Pessa’h, il est de tradition de poser des questions : “Pourquoi ?” De chanter aussi : “Dayénou – Cela nous aurait suffi !”
Non, cette absence de politique ne nous suffit pas ! Plus vite il y sera mis terme, mieux ce sera pour les peuples de la région, tant les Israéliens eux-mêmes que les Palestiniens.