Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Je vois derrière nous quelques-uns des colons les plus extrémistes, qui ne sont pas très contents que nous ayons pu parvenir jusqu’ici. Jeudi dernier, après l’évacuation symbolique du nouvel avant-poste qu’ils avaient tenté d’établir ici-même, un officier de police me demandait au téléphone : « ça tient toujours? vous voulez toujours manifester? ». A Jérusalem, il y a quelques jours, j’ai reçu un conseil d’ami : « allez a Gaza, ou manifestez devant l’immeuble d’Arafat ». Mes amis, eux aussi, me demandent avec effarement : « a quoi servent toutes ces manifestations? qu’as-tu laissé derrière toi à Hebron? »
Je vais vous dire ce que nous avons laissé derrière nous à Hebron. La première fois que je suis venu à Hebron, j’étais soldat. J’y etais venu « protéger » plusieurs colons, qui sont d’ailleurs toujours sur place, alors qu’ils célébraient la bar-mitsva de l’un des fils de Moshe Levinger (un des leaders « historiques » des colons de Hebron / Kiryat Arba, ndt) au caveau des Patriarches. Pendant la cérémonie, le père a béni son fils de ces mots : « puisses-tu continuer à renverser les étalages des Arabes sur la place du marché ».
Aujourd’hui, je m’en vais dire à ces extrémistes, et à leurs nombreux semblables, « ce que nous avons perdu à Hebron ». Nous sommes ici pour délivrer un message clair au gouvernement des colons et à leurs partisans : nous aussi avons un idéal. Les territoires occupés ne sont pas votre royaume, ils ne sont pas vos Jardins de l’Apartheid, ni l’endroit où vous exercerez votre tyrannie, relégué dans l’arrière-cour de l’Etat d’Israël. L’opposition d’Israël à l’occupation ne connaît pas de frontières : nous sommes venus pour montrer cette arrière-cour monstrueuse au pays tout entier, et nous viendrons encore, et nous demanderons encore si, oui ou non, il y a quelque chose dont ils faut avoir honte.
Nous sommes ici pour délivrer un message au Hamas, au Jihad, et à tous ceux
qui partagent leur idéologie, y compris les colons de Hebron, d’Itzhar et d’ailleurs : nous nous tenons ici, calmement, pour dire que votre chemin est un chemin de violence et de meurtre, et que nous arrêtons de mourir pour vous. Nous arrêtons de tuer pour vous. Tout Juif mort, tout Palestinien mort, c’est du sang sur vos mains. Ce sont des martyrs de votre cause, qui n’a rien de sacrée.
Nous exigeons que nous soit rendu ce que vous nous avez volé, ces choses « que nous avons laissées derriere nous à Hebron ». Nous exigeons que nous soit rendu notre rêve d’un Etat d’Israël démocratique, car à Hebron, il risque d’être détruit. Nous exigeons la fin de l’occupation et de la domination par le gouvernement d’Israël d’un autre peuple, à Hebron, à Jerusalem, et partout en Cisjordanie et a Gaza.
Nous exigeons une frontière politique et géographique pour l’Etat d’Israël, et non la frontière messianique/biblique que les fanatiques de Hebron tentent d’établir.
Nous exigeons que nous soit rendue notre humanité, perdue à Hebron. Aucune
« promenade » ne sera construite, plus aucune maison palestinienne ne sera détruite.
Nous exigeons la fin du couvre-feu et du siège pour les 150.000 Palestiniens qui habitent ici, et pour les 3 millions de Palestiniens des territoires.
Au nom de notre humanité, nous réclamons notre droit de ne pas dénier cette humanité à d’autres, directement ou indirectement. Le droit de vivre dans l’honneur et dans la dignité. Le droit de nourrir sa famille, d’étudier, de bénéficier de soins médicaux, de se déplacer librement, de s’assembler en tant que nation, de créer un Etat. Pour toutes ces raisons, nous exigeons la fin de l’occupation, cette occupation maudite qui nous détruit de l’intérieur.
La paix n’est pas sacrée, mais elle sanctifie notre humanité, notre vie, notre liberté et notre égalité. Ceux qui parlent de « paix » mais renient ces principes de base de l’humanité sont aveugles. Nous sommes engagés pour la paix. Avec nous, il y a ces centaines d’hommes et de femmes qui n’ont pas pu se joindre à nous, empêchés par les forces de sécurité, et au-delà, ces millions d’hommes et de femmes, d’Israël et de Palestine, qui chérissent et recherchent la paix. Notre engagement mettra en pièces la frontière que vous avez essayé d’établir par l’armée. Notre chemin demeurera un chemin de paix. Il viendra à bout des avant-postes paramilitaires, du siège, et même de la douleur et de la haine. Et nous paverons une nouvelle route : la route de la paix entre Israël et la Palestine.