Dimanche 23 février, La Paix Maintenant a pris l’initiative d’organiser à Paris, place Furstenberg, un rassemblement en hommage aux quatre otages du kibboutz Nir Oz dont les corps avaient été rendus le jeudi précédent au matin pour trois d’entre eux, le samedi matin pour Shiri Bibas – et on se souvient des circonstances… On trouvera ci-après les textes lus au cours de ce rassemblement empreint de dignité et de tristesse, mais dénué de haine. Alexandre Journo en a été le concepteur.


 

Hommage à Oded Lifshitz, Shiri, Ariel et Kfir Bibas (23 février 2025, rue de Furstemberg)

Nous nous rassemblons aujourd’hui pour rendre un hommage à Oded Lifshitz 83 ans, à Shiri Bibas, 32 ans, et ses deux fils Ariel Bibas, 4 ans et Kfir Bibas 9 mois, arrachés à leurs maisons de Nir Oz par des terroristes venus de Gaza le 7 octobre 2023. Les quatre sont morts ou été tués en captivité aux mains de leurs ravisseurs.

D’autres rassemblements ont déjà eu lieu pour les honorer. Jeudi soir dans le Marais, vendredi midi au Trocadéro. Il ne s’agit pas aujourd’hui de les concurrencer, au contraire de multiplier les rassemblements pour honorer la mémoire de ces quatre otages, la maintenir vivante et continuer d’amplifier les témoignages et les revendications de leurs familles.

Nous avons appelé à ce rassemblement au nom de La Paix Maintenant, et avons été très vite rejoints par nos amis des Guerrières de la Paix, de Standing Together, de l’Union des lycéens juifs de France, du groupe Sauver la démocratie israélienne, de SOS Racisme, etc.

Le massacre du 7 octobre, l’enlèvement, la détention, les rumeurs autour de la mort d’Oded, Shiri, Ariel, Kfir, ont causé une douleur infinie à leur famille, à une nation entière, au peuple juif. Ces dernières semaines et jours ont ajouté un effroi insoutenable : une cérémonie cynique pour la libération de Yarden Bibas, le père d’Ariel et de Kfir ; jeudi, une parade odieuse du Hamas avec leurs cercueils ; le soir même la découverte de l’absence du corps de Shiri, dont les assassins n’ont d’abord pas restitué le corps et lui ont substitué un autre ; enfin, la découverte des circonstances atroces de la mise à mort de ses deux jeunes enfants assassinés.

Aujourd’hui, nous nous rassemblons d’abord pour rendre hommage à Oded, Shiri, Ariel, Kfir. Nous raconterons leurs vies, les circonstances de leur enlèvement. Nous lirons aussi les témoignages de leurs familles.

Les images de la restitution de leurs corps nous révoltent, nous mettent à raison en colère. Mais on ne peut s’abandonner dans la vengeance. Parce qu’il y a encore 70 otages à Gaza. Pour tous ceux-là, nous appellerons à la poursuite de l’accord de libération jusqu’à ce que tous les vivants soient rendus à la vie, et tous les morts rendus à leurs familles.

Pour tous les civils, Israéliens et Palestiniens, que soit enfin mis un terme à cette guerre qui a endeuillé tant de familles, et que vienne enfin le temps du deuil et de la reconstruction. Comme le veulent les familles, comme le veulent une majorité d’Israéliens.

Kfir, Ariel, Shiri Bibas

Il est difficile de raconter le calvaire des Bibas, de trouver les mots. L’assassinat de Yossi et Margit Silverman, les parents de Shiri, le 7 octobre, les images terribles de la prise d’otage, l’attente, l’espoir, l’effroi et le deuil de tout un peuple. Rendons leur hommage par une minute de silence.

Nous allons maintenant vous lire quelques mots d’Ofri Bibas, la belle-sœur de Shiri Bibas. Cette allocution date du vendredi 21 février, avant que le corps de Shiri Bibas ne soit finalement rapatrié en Israël.

« Nous avons été informés hier de la nouvelle dévastatrice qu’Ariel et Kfir ont été assassinés en captivité. Nous avons attendu cette confirmation, mais elle n’apporte aucun réconfort, seulement une tristesse immense.

Mes doux neveux ont été kidnappés vivants dans leur maison, et ont été tués en captivité par une organisation terroriste cruelle.

Shiri, Ariel et Kfir ont été kidnappés vivants par une organisation terroriste meurtrière. Il était de la responsabilité et du devoir de l’État d’Israël de les ramener vivants.

Il ne peut y avoir de pardon pour les avoir abandonnés le 7 octobre.

Il ne peut y avoir de pardon pour les avoir abandonnés en captivité.

À présent, nous ne réclamons pas vengeance. Nous réclamons Shiri.

La cruauté du Hamas ne fait que souligner l’urgence absolue à ce que Shiri nous soit retournée, à sauver les otages encore en vie, et à ce que les otages tués en captivité puissent reposer en paix.

Louli et Firfir, désolé de ne pas pouvoir vous pleurer encore…

Nous attendons maman Shiri. »

Oded Lifshitz

Oded Lifshitz avait 83 ans quand il a été enlevé par le Hamas, son épouse Yocheved 84 ans.

Tous les deux avaient fondé le kibboutz Nir Oz. Ils étaient des militants de Road to Recovery, association qui venait en aide aux malades gazaouis et leur permettait d’être soignés en Israël.

Oded était journaliste, il écrivait pour le journal du MAPAM. Il avait crée Shalom Akhshav dans la région du Negev. Le couple incarnait l’esprit « sabra », et cultivait dans le kibboutz une pépinière de cactus.

Yocheved a été libérée le 23 octobre 2023, la première à être libérée avec Nurit Cooper dans le cadre de négociations menées par les États-Unis. Pendant ses 17 jours de détention, séparée de son mari, elle avait affronté avec bravoure Sinwar. Elle milite depuis pour un accord de cessez-le-feu et le retour de tous les otages.

En décembre 2024, le fils d’Oded Lifshitz, Omri était intervenu à Miami pour raconter le calvaire de ses parents.

« Je m’appelle Omri Lipschitz. Je suis né au kibboutz Nir Oz. Les habitants du kibboutz ont énormément souffert le 7 octobre.

Mes parents ont été enlevés de leur chambre forte tôt le matin, vers 8 heures, lors de la première attaque contre le kibboutz Nir Oz. Mon père a fini par se faire tirer dessus : ils l’ont laissé dehors, puis ils ont emmené ma mère séparément. Elle a été emprisonnée dans un tunnel très proche de Nir Oz et de sa famille.

Elle est restée en captivité pendant 17 jours. Elle avait des problèmes d’estomac et ils craignaient qu’elle crée une épidémie dans les tunnels, ils ont donc envisagé de la libérer avec une autre otage. Au début, ils ont dit à l’armée qu’ils voulaient la libérer, et Israël a répondu que le retour de deux otages ne suffisait pas qu’il fallait tous les ramener à la maison.

Après deux jours, ils ont annoncé qu’ils allaient la libérer avec Nurit Cooper. Ils ont précisé qu’ils devaient se préparer et que la zone ne sera pas bombardée. Finalement, ils l’ont libérée.

Elle va bien. Elle a aujourd’hui 86 ans. C’est une battante.

Vous pouvez la voir chaque semaine sur des images : elle va manifester, notamment à la Begin Gate, et elle se bat. Pas seulement pour mon père, mais pour tout le monde, parce qu’elle connaît la plupart des kidnappés. Même si vous sortez de Gaza, vous participerez aux manifestations jusqu’à ce qu’ils reviennent tous.

Elle se bat pour tout le monde. Mon père, lui, a été emmené séparément. Il a été blessé à la fin. Ils l’ont soigné. Ils l’ont placé dans une pièce avec un autre membre du kibboutz, Hana Katsil. Ils se sont soignés mutuellement.

Ils se connaissaient depuis des années. Au 20e jour, il s’est évanoui une première fois, puis il s’est réveillé, avant de s’évanouir à nouveau.

Hana a appelé pour qu’on vienne voir ce qui se passait avec lui. Ils l’ont emmené. C’est le dernier signe de vie que j’ai reçu de mon père.

Il a 84 ans. Il a besoin de médicaments. Ses chances de survie sont faibles mais nous voulons qu’il revienne au plus vite. Je suis aussi un représentant du kibboutz Nir Oz.

57 personnes de notre Kibboutz qui ont été tuées ce jour-là. 40 sont sorties de Gaza. Il reste encore 29 personnes retenues en otage à Gaza. Neuf d’entre elles ont été déclarées mortes. Nous espérons qu’elles reviendront le plus vite possible. »

Il n’avait pas à cette date la confirmation de la mort de son père. Ce jour-là, après avoir témoigné, quelqu’un dans l’audience les interpelle et appelle à la vengeance, à anéantir Gaza. Omri Lifshitz était sur scène avec Yehuda Cohen. Yehuda Cohen est le père de Nimrod Cohen, qui est toujours otage, vraisemblablement encore vivant. Nimrod ne fait pas partie des otages libérés dans la première phase, il ne pourra être libéré que si les phases 2 et 3 de l’accord sont réalisées. Son père Yehuda est un modèle de courage, il a milité inlassablement pour l’accord de cessez-le-feu, il milite aujourd’hui pour la poursuite des phases 2 et 3. À cette interpellation, Omri Lifshitz et Yehuda Cohen ont répondu d’une seule voix, fermement, qu’ils choisissent la vie, ni la vengeance ni la mort, la vie.

Pour clore cette cérémonie, nous vous invitons à allumer chacun et chacune une bougie en leur mémoire.

Que leur mémoire soit bénie.

Alexandre Journo

Bureau La Paix Maintenant