Sébastien LEVI : « Les étudiants Juifs américains ne sont pas tous confrontés à la violence, mais tous sont confrontés à l’antisémitisme. »
Dans le cadre de Chroniques pour la paix, émission bimensuelle sur Radio Shalom parrainée par La Paix Maintenant et JCall, Paul Ouzi MEYERSON s’entretient avec Sébastien LEVI de la vague d’antisémitisme que connaissent les campus américains depuis le 7 octobre 2023.
SÉBASTIEN LEVI, ancien élève de l’école des Hautes Étude Commerciales de Paris (HEC) et de l’Université Hébraïque de Jérusalem, vit et travaille à New York depuis 2017. Il collabore avec les Cahiers Bernard Lazare et Radio J.
Mis en ligne le 14 janvier 2024
Voilà près de 100 jours que les combats menés par Israël contre les terroristes du Hamas à Gaza se poursuivent ainsi que les bombardements du Hezbollah sur la frontière libanaise. Parmi les multiples retombées internationales de cette guerre, il y en a une qui n’a pas manqué de surprendre : une montée de l’antisémitisme aux États–Unis sur les campus les plus prestigieux.
« Les actes antisémites ont explosé aux États-Unis, avec une multiplication par 5 au regard de la même période l’année précédente. Ce qui a caractérisé cette vague antisémite est l’importance de ces actes sur les campus américains, en particulier les plus élitistes de la côte Est comme Harvard, Columbia ou Cornell », explique Sébastien LEVI qui rappelle que « c’est surtout la censure progressiste qui a été à l’œuvre dans les institutions d’élite, au nom du politiquement correct. Entendre ces présidentes défendre le «Premier amendement» alors que la moindre micro-agression ou la moindre remarque perçue comme sexiste, grossophobe (cela existe), transophobe ou raciste peut entraîner la suspension ou l’exclusion, prêterait à sourire si la situation n’était pas aussi grave.
On a aussi entendu l’argument spécieux selon lequel la critique d’Israël ne saurait être de l’antisémitisme, et rentrait dans le fameux « free speech ». Argument ridicule quand la « critique d’Israël » se traduit par des menaces réelles, tangibles, contre des étudiants juifs sur un campus, et non par une manifestation devant l’ambassade d’Israël.
Surtout, la polémique actuelle révèle un traitement à part pour les Juifs, qui ne sauraient bénéficier des mêmes droits et protections que d’autres minorités attaquées, car selon la nouvelle doxa progressiste, les Juifs font partie des oppresseurs dominants blancs, donc coupables a priori et en aucun cas victimes. On peut sans peine imaginer ce que des appels au génocide des noirs ou des homosexuels entraineraient comme sanctions sur les campus, sans que le Premier amendement ne soit évoqué. Mais pour les Juifs, le discours de haine se métamorphose en discours politique, donc protégé…»
Sébastien LEVI poursuit : « Pour les Juifs américains, il s’agit d’une double peine en devenir : être rejetés en tant que Juifs pour leur judéité et leur affiliation à Israël, mais aussi comme sujets politiques susceptibles de défendre des causes humanistes ou progressistes. La seule solution est de montrer patte blanche et de rejeter Israël en bloc, mais cela ne suffit pas. Pour certains, il importe de démontrer que le Juif est lui aussi un indigène, un outcast, qui mérite donc de rentrer dans le camp du bien, celui des victimes. On est ici aux antipodes du mouvement des droits civiques. Celui-ci, dont les Juifs étaient un partenaire majeur, visait à l’égalité, à la conquête des mêmes droits pour tous, et non à enfermer les minorités dans un discours victimaire où la prime reviendrait au plus opprimé. »