Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le kibboutz Metzer était parmi les derniers bastions en Israël de la foi en la coopération et la réconciliation entre Juifs et Arabes, et en l’espoir que leurs enfants et ceux de leurs voisins pourraient connaître une véritable paix.
Dimanche dans la nuit, les enfants du kibboutz sont devenus des cibles.
Les Brigades des Martyrs d’El-Aqsa, émanation du Fatah de Yasser Arafat, ont
revendiqué la responsabilité de l’attentat. Un homme armé s’est glissé sous la clôture de sécurité qui etait censée protéger le kibboutz de la Cisjordanie toute proche. En quelques minutes, il s’introduisit dans une des maisons, et tira à bout portant sur deux enfants qui dormaient dans leurs lits, tuant également la mère des deux garçons, Matan, 4 ans, et Noam, 5 ans.
Avant de s’enfuir dans la nuit, il abattit aussi une femme qui se promenait dans les parages, et, après un échange de coups de feu, le secrétaire du kibboutz, chef du village.
« Que cet endroit, qui pendant des années a été un symbole de coexistence
magnifique et de respect, entre Metzer et (le village arabe israélien de) Meisar, avec leur équipe de football commune, leurs relations de voisinage extraordinaires, et leur vie en commun, soit victime d’un terrorisme aussi cruel, c’est bien encore d’une tragédie israelienne qu’il s’agit », a dit Avshalom Vilan, député du Meretz (gauche).
Le kibboutz fut fondé en 1953, essentiellement par des immigrants venus
d’Argentine, nourris de l’idéologie clairement marxiste de l’ « Hashomer Hatzaïr » (Jeune Garde), mouvement kibboutzique et pilier du parti Mapam, qui fait aujourd’hui partie du Meretz.
Situé à l’intérieur des frontières d’Israël d’avant 1967, très près de la ligne Verte, Metzer est connu depuis longtemps pour défendre de façon vigoureuse une réconciliation avec ses voisins arabes, et pour son soutien à une paix future, incluant un retrait israélien de Cisjordanie.
« Durant toute son existence, le kibboutz Metzer a été la preuve vivante qu’il est possible que Juifs et Arabes vivent ensemble », a dit Vilan, lui-même membre d’un kibboutz de l’haShomer Hatzaïr.
Il y a a peine un mois, le kibboutz avait mené un combat public pour dérouter la clôture de sécurité planifiée par le ministère de la Défense, pour que leurs voisins ne soient pas lésés et qu’ils puissent accéder à leurs oliviers.
Beaucoup, dans la région, pensent que les retards pris dans l’érection de la
clôture sont dus aux colons qui se retrouveraient de l’autre côté de la clôture, et les ont ainsi exposés à un risque direct, surtout dans une région où circulent les terroristes palestiniens.
Lundi matin, alors que la chasse à l’homme se poursuivait et que les
habitants du kibboutz étaient consignés dans leurs maisons, le répresentant du
kibboutz, Doron Lieber, s’est exprimé fortement sur la « ligne de couture » proposée, que les Israéliens de droite combattent depuis des années, de crainte que cette ligne n’en vienne à constituer la frontière lors de futures negociations de paix entre Israéliens et Palestiniens.
« Ce n’est pas une ‘ligne de couture’, c’est la ligne Verte. C’est la frontière, et cela aurait dû être reconnu depuis longtemps », a dit Lieber à la radio israélienne.
Interrogé sur son eventuelle présence à l’enterrement des kibboutzniks assassinés, Najib Rakia, de Meisar, militant arabe israélien de B’tselem,, un mouvement pour les droits de l’Homme, a repondu sans hésitation. « Bien entendu, cela va sans dire. Si cela s’était produit dans mon propre village, nos amis de Metzer auraient été là, bien sûr. C’est le destin que nous partageons depuis 50 ans… C’est tres exceptionnel en Israël. Même les systèmes d’alimentation en eau sont reliés, avec un robinet d’urgence, afin que, si l’un des systèmes est en panne, l’autre puisse fonctionner. Ce ne sont pas des clichés ou des mots creux sur la coexistence ».
« Nous vivons ensemble depuis 50 ans, nous élevons nos enfants ensemble, et
ils jouent ensemble, pour nous c’est naturel, pas du tout exceptionnel », dit Naftali, un membre du kibboutz.
« Pour vous, c’est peut-être comme si le lion et l’agneau vivaient ensemble, mais nous ne les considérons pas comme des agneaux, et ils ne nous considèrent pas comme des lions. Toute notre vie, nous avons joué au foot ensemble, ils nous ont appris comment faire pousser les oliviers, et nous leur avons appris d’autres techniques. »
De plus, dit-il, les relations étaient fondées sur un respect mutuel. « Tout le monde, de chaque côté, pratique le respect de l’autre. Les anciens et les dignitaires du village sont venus ici sans invitation, parce que (l’attentat) leur a fait mal. »
Pour Vilan, même à une époque tragique comme celle-ci, « nous devons nous
souvenir que nous d’avons pas d’autre alternative que de trouver le partenaire et d’essayer de trouver avec lui un accord, et une séparation. Autrement, le massacre continuera, sans fin. »
Néanmoins, aucun signe ne montre que le cycle de violence touche à sa fin. Lundi après-midi, un haut reponsable du ministère de la Défense a dit qu’Israël considérait l’attentat de Metzer comme etant « de la plus haute gravité », et qu’une réponse militaire ne tarderait pas à venir.