Arié Avidor : « Netanyahou risque de faire d’Israël une démocrature. »
Dans le cadre de Chroniques pour la paix, émission bimensuelle sur Radio Shalom parrainée par La Paix Maintenant et JCall, Paul Ouzi MEYERSON s’entretient avec Arié AVIDOR sur le nouveau gouvernement israélien et la peur qu’il inspire chez certains, tant en Israël qu’à l’étranger.
Arié AVIDOR, ancien diplomate israélien, a occupé plusieurs postes d’ambassadeur en Europe puis dans différents pays d’Afrique. Aujourd’hui, il intervient comme consultant politique dans des médias israéliens et internationaux.
Arié Avidor rappelle que le nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou est basé sur un accord de coalition signé entre quatre factions comprenant des formations d’extrême droite messianique et ultra orthodoxes, et le Likoud qui représente la droite nationaliste séculière. Pour l’ancien ambassadeur d’Israël « c’est un exécutif qui s’attaquera aux fondements démocratiques de l’État et à ses principes égalitaires. Il nous fera entrer dans un nouveau régime qui équivaut à une démocrature (1)».
Arié Avidor considère que Netanyahou est le «destructeur de la démocratie israélienne car il est faible face à ses partenaires extrémistes et ne peut rien leur refuser». Le diplomate explique cette “faiblesse” du nouveau Premier ministre par son désir d’échapper aux multiples poursuites judiciaires à son encontre et son insistance à vouloir modifier les lois et institutions légales pour échapper aux poursuites : «Il n’a pas d’autres options et ses partenaires savent tirer parti de cette situation», constate l’ancien ambassadeur.
Pour Arié Avidor , ces transformations sont déjà en marche. Pour preuve « la loi fondamentale qui a été modifiée pour permettre à Arié Dery, le dirigeant du Shaas (2), de devenir ministre. Ce dernier a fait l’objet de plusieurs condamnations pour détournements de fonds et la loi n’autorise pas une personne condamnée à occuper un poste ministériel. Avec la modification votée en accéléré par la Knesset cela devient possible (3)». L’ancien ambassadeur relève également le (dépeçage des institutions»: les ministères de la Défense, de la Sécurité intérieure, de l’Education et celui des Finances ont été partagés au profit de kahanistes (4), notamment Ben Gvir et Smootrich qui entendent mettre la main sur l’administration de la Judée et de la Samarie (Cisjordanie).
Arié Avidor craint des conséquences politiques, institutionnelles et sécuritaires très graves dans l’avenir. Néanmoins, il espère que l’autre moitié du pays (aux élections les “anti-Bibi” (5) étaient en suffrages légèrement majoritaires), libérale et attachée aux principes du sionisme démocratique, saura réagir. L’ancien ambassadeur compte aussi sur les élites pour «contrecarrer la mise en place de la démocrature».
1) La démocrature est définie comme étant un régime politique qui, par son système d’élection, est démocratique, mais où la réalité de l’exercice du pouvoir penche vers la dictature et la suppression de l’état de droit. La démocrature est par conséquent un simulacre de démocratie.
2) Shaas : parti ultra orthodoxe séfarade.
3) Un appel à cette nomination a été soumis à la Cour suprême.
4) Kahanistes : partisans d’une idéologie extrémiste juive issue du sionisme religieux et développée par le rabbin Meïr Kahane, fondateur de la Jewish Defense League et du parti politique Kach en Israël. Ce dernier, considéré comme une organisation terroriste et raciste, a été interdit dès 1994 par le gouvernement israélien et le département d’État américain.