Pessah, Ramadan, Yom ha Zikaron (Jour du Souvenir), Yom ha Atzmaout (Jour de l’Indépendance), rentrée parlementaire… de grands moments et d’autres plus triviaux se succèdent, les émotions s’enchaînent, la vie quoi… le tout empreint de tension et d’inquiétude permanentes. Le calme allait-il prévaloir ou bien violences et cortèges de victimes scanderaient-ils ces jours qui ne devraient être que de fête, de foi et de recueillement?

Le déroulement du Ramadan s’est accompagné à Jérusalem, comme on pouvait s’y attendre, de heurts entre forces de l’ordre et manifestants qui ont été largement couverts par les médias tant en Israël qu’à l’étranger. Nombre d’entre eux, même s’ils étaient venus pour prier, recherchaient l’affrontement. En témoigne la quantité de projectiles entreposés dans la mosquée dont la sacralité était ainsi remise en question. Mais la grande majorité des Palestiniens présents n’ont pas rejoint les manifestants pour les uns, les émeutiers pour les autres. Plusieurs milliers de personnes se trouvaient à l’intérieur d’al-Aqsa, plusieurs dizaines de milliers d’autres, jusqu’à deux-cent-mille à certaines occasions, priaient sur l’esplanade. On imagine aisément l’ampleur des débordements qui auraient pu intervenir.

Les affrontements sont largement imputables au Hamas qui voulait démontrer son implantation hors de Gaza, dans le territoires occupés en général et à Jérusalem en particulier, dans le cadre de la « guerre » qu’il mène contre l’Autorité palestinienne. Les provocations des extrémistes juifs voulant prier sur le Mont du Temple, y accomplir des sacrifices pour les plus « illuminés » d’entre eux, appuyés par quelques personnalités politiques dont l’irresponsabilité est garante d’une couverture médiatique de choix, ont sans doute compliqué la situation.

Mais les autorités ont fait preuve de clairvoyance en interdisant ces projets, en modifiant l’itinéraire d’une marche de masse initiée par l’extrême droite, en limitant la liberté de mouvement des quelques députés voulant se rendre sur le Mont du Temple, en réaffirmant leur volonté de maintenir le statut quo, en ayant eu des échanges officieux avec Amman et Ramallah. Par ailleurs, Israël avait allégé les restrictions sur la liberté de déplacement des Palestiniens pour se rendre à la prière à la mosquée al-Aqsa pendant le Ramadan. Les observateurs s’accordent à reconnaître que la police, à Jérusalem, a aussi fait preuve de plus de retenue, permettant les rassemblements à la porte de Damas, rassemblements qui avaient été interdits pendant une grande partie du Ramadan l’an passé.

Au final, même si « tout n’a pas été parfait », comme l’a indiqué l’ambassadeur des États-Unis en Israël qui a cependant reconnu « beaucoup de mérite » au gouvernement israélien pour sa prise en charge des tensions à Jérusalem alors que coïncidaient les fêtes de Pessah, de Pâques et du Ramadan, les « mauvais esprits » ne manquent pas de faire remarquer que le nombre de Palestiniens qui a pu se rendre à Jérusalem sous contrôle israélien, malgré les restrictions et autres affrontements, reste largement supérieur au nombre de juifs israéliens autorisés en son temps à se rendre au Mur des Lamentations sous contrôle jordanien…

Israël vient de connaître une fois de plus le passage de l’affliction à la réjouissance, du souvenir du malheur infini de la perte d’êtres chers à la joie de l’indépendance. La signification du message qui découlerait de cette transition plus qu’abrupte est depuis plusieurs années déjà sujette à interprétation et à discussion. Si tous s’accordent sur le caractère irréductible de la dette à l’égard de ceux qui sont tombés, sur le fait que le pays leur est redevable à l’infini, après 74 ans, d’aucuns contestent l’injonction souvent déduite de cette quasi simultanéité de ces commémorations. Israël serait condamné à jamais à ne vivre et survivre que sur et par le deuil, le sacrifice de ses enfants, le glaive salvateur.

Nous partageons ce que Shalom Akhshav vient d’écrire à la fin du présent Jour du Souvenir: « La cérémonie s’achève. Par leur mort, ils n’exigeaient pas de victimes supplémentaires. Par leur mort, ils ne voulaient pas de guerres interminables. A leur mort, ils ne rêvaient pas qu’un tel décompte maudit de victimes durerait à tout jamais. La véritable commémoration de leur mémoire est et sera la lutte pour la paix« .

Un « plus jamais ça » en quelque sorte, plus facile on le sait à professer qu’à concrétiser. Mais les choses évoluent. Depuis 17 ans, une cérémonie du souvenir conjointe israélo-palestinienne est organisée, non sans remous parfois, par deux ONG qui regroupent Israéliens et Palestiniens, l’une étant composée exclusivement de parents endeuillés. Cette cérémonie n’est pas alternative et ne cherche pas à supplanter l’officielle. Elle se veut reconnaissance de l’autre, de sa douleur et partage de l’espérance qu’il y aura un terme à la violence et aux larmes. Quelques centaines de personnes le 3 mai dernier ont assisté simultanément à Tel Aviv et à Beit Jala en Palestine à cette soirée qui a été suivie en ligne par environ 200 000 personnes de par le monde.

Puis, on ne peut que s’en réjouir, ce furent les festivités de l’Indépendance… qui auraient pu être plus festives si la traditionnelle parade aérienne n’avait pas survolé, une première, Kiryat Arba et le centre de Hébron ainsi que Bethléem et le bloc d’implantations du Gush Etzion.

Les fêtes finies, c’est le retour à la normale qui se profile avec la reprise de l’activité parlementaire et l’ouverture dimanche de la session d’été. Un sentiment d’inquiétude prévaut. On sait que le gouvernement a perdu sa majorité avec la défection le 6 avril dernier d’Idit Silman de Yamina, le parti de N. Bennett. La coalition qui gouvernait le pays jusqu’à présent, et qui semblait le faire honorablement, alors que nombreux étaient ceux qui ne donnaient pas cher de ce gouvernement, parviendra-t-elle à se maintenir alors qu’elle ne dispose plus que de 60 voix sur 120? On parle d’une nouvelle défection possible mais on sait également que, même minoritaire, en l’absence de majorité alternative, ce qui est le cas, le gouvernement peut « tenir ». De plus, les chefs de la coalition ont eu un mois entier pour se préparer à cette nouvelle arithmétique. Les députés ont reçu la consigne de ne s’ absenter d’aucun vote et de prévenir 5 jours à l’avance en cas d’absence inévitable. Mais quelle politique dans ces conditions le gouvernement parviendra-t-il à mener… à part rechercher sa survie?

Inquiétude en Israël, inquiétude en France dont l’une des dimensions fera l’objet de notre rencontre, en collaboration avec JCall, le 11 mai prochain.

 

Légende de l’illustration : Aujourd’hui on les pleure / Demain ce sera fête grâce à eux