L’enjeu du débat, cette fois encore, porte sur la préservation des chances de parvenir à un accord de paix équitable entre Palestiniens et Israéliens :
Cela suppose que la “solution à 2 États” ne se délite pas chaque jour du fait de l’incessant grignotage des terres palestiniennes par les colons ; que l’Autorité palestinienne, interlocuteur tout à la fois légitime et le mieux prêt au dialogue, ne soit pas chaque jour plus affaibli par les atermoiements voire le mépris du gouvernement israélien ; et que l’interlocuteur israélien se comporte comme tel, plutôt que de laisser pourrir la situation, redistribuant ainsi les cartes aux extrémistes des deux bords…
Il est urgent pour Israël d’aider Mah’moud Abbas à entraîner le Hamas sur les voies de la négociation, et d’opposer un puissant coup de frein aux appétits des colons. Mais, comme le souligne ici Shaul Ariéli, Benjamin Nétanyahu fait tout le contraire, en éludant jusqu’au lendemain des élections les questions qui fâchent. Au risque de n’avoir plus alors ni avec qui, ni quoi, négocier. [Tal pour LPM]
Les barrières physiques et mentales que nous avons érigées entre les Palestiniens et nous-mêmes vont nous permettre de nous focaliser, jusqu’au 6 novembre [1], sur le dilemme « bombe ou bombardement ».
Immédiatement après notre attention se portera sur les élections locales [2], qui occuperont le devant de la scène. La question principale de cette élection israélienne – comme l’espèrent les membres du Parti travailliste – sera la politique sociale de l’État. Mais les développements de ces récents mois de l’autre côté du mur de séparation illustrent une fois encore la justesse de cette citation de John Lennon : « La vie est ce qui arrive tandis que vous êtes en train de faire d’autres plans ».
Ces dernières semaines, nous avons pu constater les conséquences pratiques que va entraîner le comportement du président égyptien Mohammed Morsi pour l’avenir du “partenaire” palestinien. Bien que le sommet du Mouvement des pays non-alignés à Téhéran ait réaffirmé le statut de l’OLP en tant que représentant du peuple palestinien, Morsi a refusé de lui apporter son soutien. Au contraire, son gouvernement renforce ses liens avec le Hamas, tout en réduisant au minimum sa coordination avec le président de l’Autorité palestinienne, Mah’moud Abbas. Que d’autres États se joignent au Qatar, à la Turquie et à l’Arabie Saoudite qui ont reconnu le gouvernement du Hamas dans lequel ils investissent tant politiquement qu’économiquement, n’est plus qu’une question de temps. Il en va de même pour certaines institutions internationales, sous l’égide d’agences des Nations unies, qui renforcent leur niveau de coopération et de coordination avec le régime du Hamas.
Concernant l’opinion publique palestinienne, quant à elle, le plan d’Abbas visant à appeler l’Assemblée générale des Nations unies à reconnaître l’État palestinien se résume à “trop peu, trop tard”. Les Palestiniens entendent des Israéliens annoncer chaque jour la mort de la “solution à deux États” et voient les leaders des colons faire tout ce qu’ils peuvent, avec le soutien du gouvernement d’Israël, pour changer ces mots en réalité.
Le Hamas a le vent en poupe et cela ne se limite pas au domaine diplomatique. En dépit des dégâts causés aux tunnels servant à la contrebande et des menaces égyptiennes pesant sur le passage de Rafah, à Gaza la situation économique continue de s’améliorer et le montant des taxes perçues par le Hamas sur les tunnels de croître. Du fait qu’Abbas veut que les fonctionnaires demeurent fidèles à l’égard de Ramallah, Gaza perçoit toujours 48% du budget de l’Autorité palestinienne, tout en n’y contribuant que pour 4%.
La récente vague de contestation sociale en Cisjordanie, déclenchée par la hausse des prix et dirigée au départ contre le Premier ministre Salam Fayyad, connaît une escalade. Les forces de police, officiellement sous l’autorité de Fayyad, se sont jointes aux protestataires, de même que les syndicats contrôlés par le Fatah. Abbas et Fayyad sont en train de perdre leur capacité politique, économique, et en un certain sens morale, à faire face à ces développements politiquement susceptibles de causer leur perte.
Le calme en Cisjordanie, conséquence de la coordination avec Israël en matière de sécurité et de la politique suivie par Abbas (entre autres facteurs), peut disparaître en un instant, générant un état d’anarchie auquel seul le Hamas a quelque chose à gagner.
Peut-être Shelly Yah’imovitch et Yaïr Lapid [3] finiront-ils alors par entendre le professeur Manuel Trachtenberg (à la tête du groupe de travail chargé par le gouvernement d’élaborer des propositions de lutte contre la pauvreté), lequel a déclaré qu’il ne saurait y avoir de changement significatif dans les domaines du logement, de l’éducation et de la santé sans faire face à la question palestinienne ; Peut-être le Premier ministre Nétanyahu écoutera-t-il alors Stanley Fischer, gouverneur de la Banque d’Israël, qui constate que la poursuite du conflit israélo-palestinien empêche l’économie israélienne de croître au rythme annuel de 5 à 6 %.
Et peut-être le public se demandera-t-il enfin pourquoi, ces dernières années, Israël a consacré 7 à 8 % de son PIB à la Défense, se plaçant ainsi “en tête” de 190 autres États. Seuls l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, dont le PIB est cinq fois supérieur à celui d’Israël, dépensent plus. En 2007, la commission Brodet sur le budget de la Défense [4] nous a donné des éléments de réponse : elle recommandait d’augmenter celui-ci de 100 milliards de shekels [5] sur dix ans, notant que « le conflit avec les Palestiniens s’était fait plus “coûteux” ».
NOTES
[1] Date des élections américaines. [NdE]
[2] Des élections anticipées attendues en février prochain, après une dissolution de la Knesseth qui pourrait intervenir dans les jours prochains, comme nombre de commentateurs s’accordent à le penser en Israël. [NdE]
[3] Shelly Yah’imovitch a succédé à Ehud Barak à la tête du Parti travailliste en septembre 2011 ; Yaïr Lapid dirige le parti centriste qu’il a créé en février 2012, faisant fond sur une popularité gagnée dans les media : “Yesh Âtid – Il y a un Avenir”. Tous deux venus du journalisme, ils représentent en politique une nouvelle génération, plus sensible aux revendications sociales surgies en 2011 qu’à la problématique israélo-palestinienne. [NdE]
[4] Nommée en novembre 2006, dans le contexte des polémiques consécutives à la seconde guerre du Liban, afin d’examiner les budgets de la Défense, la commission Brodet (du nom de son président, David Brodet) a rendu ses conclusions et présenté ses recommandations au Premier ministre en mai 2007. [NdE]
[5] Environ vingt milliards d’euros. À noter que le terme de “billion” est un faux ami, qui correspond à mille milliards en français quand il n’en vaut qu’un dans les pays de culture anglo-saxonne. [NdE]