Dans une note publiée le 3 août et qui devait prendre effet le 13, la mission de l’Union européenne en Israël a listé des localités qui ne bénéficieront plus du label « made in Israel » et dont les produits, de ce fait, seront désormais soumis à droits de douane.
L’agglomération de Modiîn [1] qui se trouve dans la partie centrale du pays, à 35 km au sud-est de Tel-Aviv et 30 km à l’ouest de Jérusalem, fait partie de cette liste. Notre ami Shaul Ariéli, que nous avons déjà accueilli à Paris et traduit à plusieurs reprises, a réagi vigoureusement à cette décision dans un article paru dans Ha’aretz. Entre-temps, l’Union européenne a précisé que la totalité de la ville n’était pas concernée, mais seulement 3 zones qui ne seraient pas à l’intérieur de la Ligne verte.
Shaul Ariéli, contacté par nos soins, nous a fait savoir que le problème n’est pas résolu pour autant, car ces zones incluent des rues et des quartiers qui sont “à l’intérieur” d’Israël. Il doit rencontrer dans les prochains jours les représentant de l’UE, espérant qu’ils reconnaîtront leur erreur – à la fois factuelle et politique comme son article le démontre avec pertinence…
L’inclusion de Modiîn dans la liste rendue publique hier par l’Union européenne des agglomérations dont les exportations ne seront pas reconnues made in Israel, et ne bénéficieront donc pas des allègements de taxes concomitants, est une erreur qui va à l’encontre des principes qui dirigeaient jusqu’à présent la conduite de l’UE. Elle contredit la différenciation juridique et politique qui s’impose entre les territoires de la rive occidentale et ceux de l’État d’Israël. Modiîn s’est vue ajoutée à cette liste du fait que Maccabim, unifiée à cette cité en 1983, se trouve elle dans la zone du no man’s land.
Cette zone de 46 km2 résulte de l’accord de cessez-le-feu signé en avril 1949, à l’issue de la guerre d’Indépendance, entre Israël et la Jordanie. À la différence des autres zones de la rive occidentale où la ligne d’arrêt des combats a été fixée à équidistance des positions occupées par les belligérants respectifs, Israël et la Jordanie sont tombés d’accord pour ne pas diviser cette zone qui, de par sa topographie, contrôle les voies d’accès à Jérusalem.
Israël, qui s’est abstenu jusqu’à aujourd’hui de définir officiellement ses frontières, a instauré la loi israélienne sur les territoires se trouvant au delà de la ligne de démarcation et conquis au cours des combats ultérieurs, mais jamais sur cette zone. Il en va de même pour la Jordanie qui, lorsqu’elle a annexé la rive occidentale en avril 1950, n’a pas modifié le statut de cette zone. Depuis la guerre des Six Jours, aucun changement n’est intervenu – alors qu’il n’en a pas été de même s’agissant de Jérusalem-Est où la loi israélienne a été instaurée. Cependant, Israël a considéré ce no man’s land comme faisant partie intégrante du pays et y a implanté Kfar Ruth, Shilat, Maccabim et une partie de Nevé Shalom.
Des décisions contradictoires ont été rendues par la justice israélienne quant au statut de cette zone. Il y a en fait deux approches : d’une part, ceux qui considèrent qu’elle fait partie intégrante d’Israël avancent l’argumentation selon laquelle, Israël ayant été le premier à manifester un pouvoir effectif sur cette zone, sa souveraineté s’impose de facto sans nul besoin de législation spécifique ; ceux qui s’y opposent considèrent que la situation actuelle est négative du fait que les Palestiniens, comme ils l’ont exprimé à plusieurs reprises au cours de leurs différentes négociations avec Israël, revendiquent une souveraineté potentielle sur cette zone, qui ne fait donc pas partie d’Israël.
La décision de l’UE est une erreur et ce, à plusieurs titres : en premier lieu, seul Maccabim se situe dans le no man’s land tandis que Modiîn et Reûth sont entièrement en Israël ; ensuite, un rapide examen suffit à montrer que l’ensemble des zones industrielles, d’artisanat, de services et d’affaires de Modiîn se trouvent en territoire israélien, alors que Maccabim n’est pour l’essentiel qu’un quartier d’habitation ; troisièmement, enfin, l’UE est informée du détail des négociations israélo-palestiniennes qui se sont tenues à Annapolis en 2008. Les deux parties y ont accepté le principe – même si rien n’a été signé – d’une répartition égale du no man’s land entre elles. Dans les faits Ehud Olmert, alors premier ministre, et Abu Mazen, président de l’Autorité palestinienne, ont convenu que la quasi totalité de cette zone resterait sous contrôle israélien et qu’Israël, en retour, indemniserait les Palestiniens en leur rétrocédant d’autres territoires dans le cadre d’échanges territoriaux paritaires.
Ce serait faire preuve de bon sens politique pour l’Union européenne que de revenir sur sa décision d’inclure Modiîn dans sa liste remise à jour, et de respecter la différenciation claire entre territoire d’Israël, no man’s land et rive occidentale du Jourdain. En cas contraire, elle serait utilisée par tous ceux qui, des deux côtés, ne demandent qu’à rayer la Ligne verte comme fondement de la frontière entre Israël et la Palestine.
NOTE
[1] Modiîn-Maccabim-Reûth se trouve à mi-chemin entre Tel-Aviv (35 km) et Jérusalem (30 km). Cette agglomération, qui ambitionne de devenir la quatrième grande ville d’Israël, compte actuellement plus de 74 300 habitants (Bureau Central des Statistiques, 2010). Modiîn, dont les premières constructions remontent à 1993, et Maccabim, qui date de 1985, ont fusionné. Reûth, créée en 1987, était déjà unie à Maccabim depuis 1990.