La situation économique et sociale, première préoccupation des Israéliens – Plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens ont participé samedi 23 juillet à Tel-Aviv à une grande manifestation organisée dans le cadre de la « révolte des tentes », axée sur les difficultés à se loger moyennant un loyer décent. Cette mobilisation des Israéliens sur les questions économiques et sociales confirme les résultats d’un sondage réalisé fin juin 2011 par le War and Peace Index.

Les Israéliens s’y affirment plus mécontents de leur gouvernement s’agissant de la situation économique et sociale qu’en ce qui concerne la situation politique du pays au plan international. Ce mécontentement transcende les clivages politiques et idéologiques : seuls 36% des sondés sont favorables à un système social-démocrate d’implication de l’État dans l’économie, alors que 19,3% ont une approche « capitaliste-libérale » non interventionniste. Toujours selon ce sondage, 27% de la population juive considèrent que leur situation économique s’est améliorée au cours des dernières années ; pour 41%, il n’y a pas eu de changement et il y a eu dégradation pour 31, 5%. Dans la population arabe israélienne, le ressenti est à l’opposé, 75% d’entre eux mentionnant une dégradation.

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Parfois, il semble que c’est exactement ce que le gouvernement Netanyahu souhaite : que, pris par la grande peur de l’éternel et supposé insoluble conflit, les citoyens israéliens ne puissent s’occuper de leur vie présente et leur avenir. Jusqu’en septembre, par exemple, chacun de nous est censé attendre en tremblant de peur que l’Assemblée générale de l’ONU reconnaisse l’État palestinien, que les Iraniens se fabriquent une bombe atomique tandis que le Hezbollah affûte ses missiles. Personne, ainsi, ne remarquera que la vie du citoyen lambda – celui qui n’a pas hérité d’un pactole, vendu sa firme de High Tech, fait un arrangement avec le fisc ou même parfois travaillé d’arrache-pied pour s’enrichir – est devenue plus dure qu’auparavant.

Il n’est pas évident de le remarquer. Comparé à beaucoup de pays européens frappés de plein fouet par la crise financière qui aggrave le chômage et les déficits publics, des pays à présent forcés de comprimer les dépenses de solidarité, la situation d’Israël est très confortable. Certes, l’État-providence s’est effondré, les prix des logements ont flambé et le coût de la vie s’élève au-dessus de ce que nous permettent les salaires. Mais le chômage est en baisse et le nombre de personnes travaillant à plein temps, y compris les femmes, est constamment à la hausse.

Cependant, même ces bonnes nouvelles ont une face cachée : y compris dans les familles où les deux parents travaillent à plein temps, il devient plus difficile de maintenir ce niveau de vie après la privatisation de certains services publics. De toute façon, ceux qui travaillent plus aujourd’hui sont ceux qui travaillaient déjà avant. Le pourcentage de personnes en activité dans la communauté arabe ou ultra orthodoxe, et parmi les classes pauvres et sans formation, a sensiblement progressé.

Dans ce contexte, les chiffres dont se vante le gouvernement sont ceux portant sur la hausse du taux d’emploi des femmes (de 50, 1% en 2003 à 53% en 2009). Cependant, l’image de ce succès se dissipe à la lumière de trois autres données : l’écart encore très important des salaires moyens entre hommes et femmes (10 106 shekels par mois pour un homme contre 6 869 shekels pour une femme) ; la répartition des sexes selon les professions (beaucoup de femmes travaillant dans l’éducation, les services à la personne et de soins, professions épuisantes et mal payées) ; enfin le fait que beaucoup de gens s’arrêtent de travailler du fait de l’âge. Plus on vieillit, et plus le taux d’emploi baisse, tandis que s’accroît le fossé entre hommes et femmes.

Dans un peu moins d’un mois, la commission Nissan, chargée de mesurer l’opportunité de modifier la loi et de faire passer l’âge de la retraite des femmes de 62 à 64 ans, présentera ses conclusions au ministre des Finances. Le gouvernement donne des chiffres et des hypothèses de base qui confortent sa politique et affirme que le recul de l’âge légal de départ à la retraite pour les femmes les encouragera à rejoindre la population active et renforcera leur statut dans l’économie. Dès lors que l’espérance de vie augmente tandis que les carrières commencent plus tard pour les femmes, il ne fait aucun doute que les femmes gagneraient à travailler plus longtemps, épargnant davantage et préservant leur niveau de vie plus longtemps.

Il est vrai que beaucoup de femmes préfèrent continuer à travailler jusqu’à 67 et même 70 ans ou plus. Il s’agit de femmes actives ayant un bon niveau d’éducation, avec de bonnes perspectives de carrière et de santé, qu’il convient d’encourager à continuer à rendre service à l’économie israélienne autant qu’à elles-mêmes. Mais dans des secteurs d’emplois moins favorisés qui font appel aux travailleurs des agences d’intérim avec une rotation très importante des effectifs, qui discrimine les femmes en matière de salaires et d’opportunités de carrière, un recul de l’âge de la retraite pourrait désavantager ces femmes-là. Plus de la moitié d’entre elles cessant d’être actives entre 45 ou 50 ans, un tel recul signifie d’attendre plus longtemps avant de prétendre à une pension de retraite.

Même si elles souhaitent continuer à travailler, la recherche d’un emploi est difficile. Dans les emplois de secrétariat, ou même dans la restauration, il y a une nette prime à la jeunesse, et dans les professions typiquement « féminines » où l’épuisement au travail est monnaie courante (infirmières, service à la personne, ou en usine) même ceux [ou celles] qui sont capables de continuer demandent – et à juste titre – le droit de prendre une retraite gagnée dans des emplois pénibles.

Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le discours sur les mérites du recul de l’âge légal de la retraite pour les femmes se réfère à la situation du premier décile [1] et ignore les couches sociales moins favorisées à qui cela causera du tort. Ce recul de l’âge légal sera justifié et responsable si la commission tient compte de l’ensemble des variables et des écarts afin de créer un système flexible permettant de faire de la loi sur le départ à la retraite un instrument au service de l’égalité et non une loi qui fait mine de l’être.


NOTES

[1] Si l’on divise un ensemble de données statistiques en dix groupes égaux (ou “déciles“), le premier d’entre eux correspond à la valeur la plus haute – en l’occurrence et en matière de revenus le dixième le plus favorisé de la population de référence.