Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le Premier ministre Levi Eshkol avait coutume de dire : « quand quelqu’un me dit ‘en principe, je suis d’accord avec vous’, je sais qu’il est a 100% contre moi ». On pourrait appliquer cette règle aujourd’hui au soutien des Etats-Unis et d’Israël, en principe, à l’organisation d’élections générales dans les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne. Israël, comme la communauté internationale, exigent de l’Autorité palestinienne qu’elle organise des élections générales, démocratiques, dans le cadre de son programme de réformes politiques.
Mais il y a un problème. Si les élections ont lieu, on peut supposer que Yasser Arafat, et, semble-t-il, la majorité de ses collègues de l’actuelle direction, seront réélus. Un sondage effectué la semaine dernière par l’Université de Bir Zeit a montré que 55% des personnes interrogées voteraient pour Arafat. Si c’est le cas, pourquoi toute cette agitation?
Autant que le comportement de différents politiciens palestiniens et les indications du sentiment général de la population veuillent dire quelque chose, on peut dire qu’il y a un large soutien au sein des Palestiniens en faveur de la tenue d’élections. On parle d’élections pour le Conseil législatif et pour la présidence de l’Autorité palestinienne pour janvier 2003, soit sept ans après l’élection précédente, en 1996. Il reste quatre mois avant la date prévue, et aucun candidat crédible susceptible de se présenter contre Arafat ne s’est déclaré.
Arafat et ses associés veulent des élections pour plusieurs raisons. D’abord, ils pensent que des élections pourraient être utilisées comme un levier pour obtenir un retrait des troupes de Tsahal sur les positions qu’elles occupaient il y a deux ans. Il est clair pour les Palestiniens comme pour les autres qu’il est impossible d’organiser des élections alors que les villes sont sous couvre-feu et sous bouclage, et que des checkpoints bloquent leurs accès. Les candidats, et la population en général, doit pouvoir se déplacer librement, pour assister aux manifestations et aux meetings politiques (ceci est valable aussi pour Jérusalem Est). Au moment des dernières élections palestiniennes, cette liberté de mouvement était respectée. Des porte-parole palestiniens ont déjà déclaré que si les restrictions imposées par Tsahal n’étaient pas levées, les élections ne
pourraient pas avoir lieu.
Il y a une autre considération, plus importante. Si les élections se tiennent, et si Arafat et ses collègues sont réélus comme prévu, le processus et son dénouement confèreront à Arafat et à son administration une nouvelle légitimité, alors que Sharon et d’autres les comparent a une « bande de terroristes meurtriers et corrompus ». Les habitants des territoires pensent que toute dénonciation proférée par Israël et les Etats-Unis contre Arafat ne fait qu’augmenter sa popularité. On peut aussi supposer que Marwan Barghouti sera candidat à un siège au Conseil législatif. Son arrestation et son procès lui ont donne un poids électoral considérable.
Arafat et ses collaborateurs pensent que le Hamas et le Jihad Islamique boycotteront les élections, comme ils l’ont fait la dernière fois. Les deux mouvements ne participeront pas, les élections étant une émanation du processus d’Oslo. Ce qui signifie que les membres de l’actuelle direction
palestinienne n’auront en face d’eux aucune opposition populaire, et que l’élection des proches d’Arafat est assurée. Les mouvements islamistes extrémistes ont affronté plusieurs fois des membres du Fatah, dans le cadre d’élections syndicales étudiantes et professionnelles, et les ont battus assez souvent. Un porte-parole du Hamas a évoqué la possibilité que des membres du mouvement se présentent aux élections municipales et locales (sans rapport, elles, avec le processus d’Oslo). Pour cette raison, Arafat a, pendant des années, repoussé la date des élections locales. Récemment, des proches d’Arafat ont déclaré que de telles élections ne pourraient pas avoir lieu avant au moins huit mois, ce qui veut dire qu’elles n’interviendraient pas avant les élections générales.
Au vu des bénéfices qu’Arafat et ses collègues pourraient recueillir de l’organisation d’élections, des participants à une conférence à Ramallah, la
semaine dernière, ont dit que, selon eux, il n’y avait aucune chance qu’Israël et les Etats-Unis permettent aux scrutins d’avoir lieu. Des sources américaines ont déjà suggéré qu’il vaudrait peut-être mieux repousser les élections de quelques mois. De même, des sources israéliennes ont dit à ces mêmes Palestiniens que, bien sûr, en principe, des élections devraient avoir lieu… En d’autres termes, il y a peu de chances que des des élections législatives et présidentielle se tiennent dans un futur proche en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.