[Notre association sœur, Americans for Peace Now (APN), a publié le 24 janvier dernier un communiqué concernant la diffusion, par Al-Jazeera, de documents palestiniens confidentiels concernant les négociations de paix pendant ces dix dernières années. Nombreux sont, depuis, ceux qui voient dans ces documents une preuve qu’il y avait bien un partenaire avec qui négocier, contrairement à la position officielle du gouvernement d’Israël. APN partage cette appréciation mais, plus intéressant, l’association en tire la conclusion que les USA n’ont pas été à la hauteur de leur leadership et appelle Obama à procéder à un changement radical d’orientation.

L’Europe serait bien inspirée de se livrer elle aussi à une analyse de sa politique – ou de son absence de politique ? – pour aboutir autant que faire se peut à une convergence avec la politique américaine afin d’empêcher une détérioration de la situation qui pourrait très rapidement devenir irréversible.]


Ces documents – s’ils sont authentiques – mettent en lumière une réalité que les sceptiques et les opposants au processus de paix ont longtemps voulu nier : les Israéliens ont un “partenaire” beaucoup plus fiable qu’ils ont de tout temps bien voulu l’admettre. Les documents révèlent qu’Israël, hélas, n’a pas profité de l’occasion de faire la paix que ce partenaire lui offrait.

Ces documents révèlent aussi une réalité dérangeante quant au rôle des États-Unis lors des discussions de paix de ces dix dernières années. Ils ne se sont pas montrés à la hauteur de leur leadership ; ils n’ont pas mis les parties en présence face à leurs responsabilités lorsque celles-ci faisaient preuve d’obstination et d’intransigeance, usaient de faux-fuyants, prenaient des initiatives incompatibles avec leurs engagements antérieurs, comme ceux de la “feuille de route“. Ce faisant, les Américains ont semblé donner leur aval à de tels agissements. Leur attitude a figé un processus inefficace et, au bout du compte, futile. Ils ont considérablement réduit la capacité des États-Unis à être perçus comme un médiateur honnête.

Même avant la publication de ces documents, il était apparu depuis longtemps que la conduite des négociations par les Américains était vouée à l’échec. APN a toujours dénoncé l’attitude américaine et réclamé la mise en œuvre d’une nouvelle approche. La publication de ces documents ne fait que souligner l’ampleur de l’échec américain et les dangers qu’il fait courir à Israël, aux Palestiniens, à la crédibilité des États-Unis et aux chances de paix.

De quoi avons-nous besoin maintenant ? La réponse est claire : d’un changement radical. Ce changement doit être initié à Washington. Il requiert une nouvelle attitude des États-Unis, qui ne doivent plus apparaitre comme un médiateur indifférent ou comme l’avocat d’Israël. Le gouvernement Obama doit prendre des initiatives spectaculaires et décisives pour créer une nouvelle dynamique de négociation ; en proposant, par exemple, son propre plan de paix, en présentant ses propres paramètres pour le statut final des Territoires, en s’associant à la communauté internationale et au Conseil de sécurité des Nations unies pour adopter des principes internationalement reconnus. Il doit surveiller de près le déroulement des discussions, faire preuve d’autorité et de détermination, mettre les deux parties devant leurs responsabilités et rejeter tous les faux fuyants. Il doit créer un environnement qui puisse permettre à des propositions raisonnables et pragmatiques de recevoir un accueil favorable et de susciter une réponse adéquate.

Aujourd’hui, l’idée même du processus de paix – et de la solution à deux États qui devrait en découler – est à la croisée des chemins. Il ne faudrait surtout pas sous-estimer les dangers que recèle la situation. Les propositions qui apparaissent dans les documents palestiniens publiés ces jours-ci ne sont ni extrémistes ni fantaisistes. Elles représentent le type de positions pragmatiques que, chacun le sait, les deux parties devront finalement adopter pour aboutir à un accord de paix et à une solution à deux États. Elles sont conformes aux principes posés aussi bien par les “paramètres Clinton“ que par l’initiative de Genève.

Faute de procéder dès maintenant à un changement radical d’orientation, un changement susceptible d’aboutir à de véritables résultats, on risque de ne plus pouvoir retrouver à l’avenir une seconde direction palestinienne capable de mener des négociations avec autant de courage et de pragmatisme.