[Vous êtes en passe de faire perdre patience à Barack Obama et son gouvernement, lançait il y a quelques jours Gershon Baskin à Mahmoud Abbas comme à Benjamin Netanyahu – Nous étions à la veille des élections américaines, et nul ne sait vraiment à l’heure actuelle si le gouvernement américain va désormais faire profil bas sur le Moyen-Orient ou, au contraire, adopter des positions d’autant plus fortes à l’international que ses mesures sociales seront freinées à l’intérieur.
”Il faut à nos peuples des dirigeants qui comprennent qu’ils ne seront pas jugés sur la longueur du sursis face à l’inévitable, mais sur leur diligence à résoudre le conflit”, poursuivait-il, et cette suggestion ne s’adresse là qu’à eux.
Gershon Baskin est, avec Hanna Siniora, l’un des deux directeurs exécutifs de l’Icpri, le Centre israélo-palestinien de recherche et d’information travaillant à proposer des solutions aux points en conflit entre les deux parties. Il publie régulièrement une colonne dans le Jerusalem Post. T.A.]


Le président Barack Obama et le gouvernement américain perdent patience à force de devoir composer avec de mesquines chamailleries israélo-palestiniennes sur des points de procédure. C’est ce que nous dit l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman, triple lauréat du Pulitzer. Son conseil : le Premier ministre Benjamin Netanyahu devrait accéder à la requête américaine de prolonger de soixante jours le moratoire de la construction dans les colonies, en modique contrepartie de la nature du soutien accordé à Israël par les États-Unis.

Peut-être a-t-on même fait remarquer à Netanyahu que Friedman joue au golf avec Obama, et sait généralement ce dont il parle quand il donne une indication quant à ses attentes.

Regardons les choses en face, le problème du développement des colonies, comme le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, l’a dit au journal télévisé Mabat (1), était l’œuvre des Américains. À son arrivée au pouvoir, Obama insista pour qu’Israël gèle toute construction dans les implantations, à quoi Abbas répondit : “Comment peut-on s’attendre à ce que je me contente de moins ?“ Il ne s’agit pas là de sous-estimer l’exigence d’un gel des implantations ; les Palestiniens ont assisté à des négociations en cours tandis que le territoire discuté se réduisait à en être méconnaissable. Il est clair qu’Israël ne peut être sérieux quant à des pourparlers de paix tout en persistant à construire sur une terre qui fera peut-être partie d’un État palestinien.

Le président George W. Bush avait posé la même demande, et l’avait même inscrite dans la Feuille de route, mais j’imagine que nul ne l’avait vraiment pris au sérieux puisque, après le sommet d’Annapolis en novembre 2007, les négociations bilatérales directes prirent leur plein essor et se poursuivirent jusqu’à la fin du gouvernement d’Ehud Olmert. Israël ne cessa pas un seul jour de construire.

Alors quelles perspectives maintenant ? Soit Netanyahu accède à la demande/exigence américaine, soit c’est Abbas qui renonce, ou les États-Unis pourraient bien leur dire à tous deux : “Vous avez notre numéro ; appelez-nous quand vous serez sérieux.“ Pour le moment, les Palestiniens examinent diverses mesures unilatérales. Israël s’affaire à agiter les menaces de son propre arsenal de mesures unilatérales. Le gouvernement américain continue de chercher une formule magique pour ramener les deux parties à la table de négociation.

Je suppose que si Netanyahu et Abbas avaient la moindre confiance en leur capacité à parvenir à un accord véritable, ils trouveraient leur propre moyen de revenir à la table de négociation. Mais il semble qu’aucun des deux ne croie en la possibilité d’un accord, alors pourquoi mettre leurs carrières politiques en danger ? La paix devrait leur importer un peu plus qu’au président des États-Unis. Les raisons de cette absence d’efforts sur le terrain pour faire avancer le processus sont incompréhensibles, sachant que ni Israël ni la Palestine n’ont aucune option stratégique pour le maintien de leur existence nationale en dehors de la paix.

Qu’est-ce qui empêche Netanyahu de faire à Abbas une offre qu’il ne pourrait refuser, ou vice-versa ? Peut-être qu’un grand “point final aux conflit et revendications” serait trop espérer – mais pourquoi Netanyahu ne peut-il présenter à Abbas une carte montrant quelles zones au sein des frontières du 4 juin 1967 (2) Israël est prêt à donner en échange des blocs d’implantations qu’il souhaite annexer ? Cela montrerait un sérieux dont on pourrait difficilement faire fi.

Ou pourquoi Abbas ne peut-il présenter une carte montrant quelles zones les Palestiniens sont prêts à laisser Israël annexer – Abbas sait certainement que Ramat-Eshkol, Ha-Guiva ha-Tzarfatith [la “Colline française“] Guilo, Efrat et d’autres blocs d’implantations ne feront jamais partie d’un État palestinien. Pourquoi ne dit-il pas à Netanyahu : “Nous comprenons que ces zones vont faire partie d’Israël – Qu’êtes-vous prêt à nous donner en échange ? Qu’est-ce qui empêche Netanyahu de soumettre un plan de sécurité cohérent joint à un plan de retrait des Territoires permettant la naissance de l’État palestinien ? Pourquoi Abbas ne peut-il dire à Netanyahu qu’une fois l’État palestinien fondé et l’occupation finie, une fois les droits de la minorité nationale palestinienne garantis au sein d’Israël et une solution trouvée d’un commun accord à la question des réfugiés, la Palestine reconnaîtra Israël comme l’Etat nation juif ? Qu’est-ce qui empêche Netanyahu de dire à Abbas qu’Israël est prêt à soutenir et parrainer la candidature palestinienne à l’entrée à l’ONU dans le cadre d’un accord plein et entier sur tous les points du statut définitif ? Pourquoi Netanyahu et Abbas ne peuvent-ils se mettre d’accord pour qu’Abbas appelle tous les chefs d’État de la Ligue Arabe à venir à son invite prier à la mosquée al-Aqsa (3) ? Pourquoi les deux dirigeants ne peuvent-ils convenir que, lorsque la paix se fera, chacune des nations aura son ambassade à Jérusalem, unie dans la paix et capitale des deux États. C’est la Terre promise. C’est aussi la terre des promesses, habitée par des peuples de grande promesse.

Les deux peuples continueront à ne récolter que souffrances s’ils échouent à faire la paix. Nous ne faisons pas une fleur à Obama en acceptant de négocier. Ce ne sera pas pour faire plaisir au reste du monde que nous accepterons de vivre en paix – dans deux États pour deux peuples. Certes, la paix servira les intérêts du monde et ceux des États-Unis, mais c’est aux peuples d’Israël et de Palestine qu’en reviendront les bénéfices majeurs. Aucune des deux sociétés ne réalisera jamais son vrai potentiel sans mettre fin au conflit. Aucun Premier ministre israélien ni aucun président palestinien ne pourra jamais générer la sécurité et la prospérité sans la paix.

Nos peuples ont besoin de dirigeants qui comprennent qu’ils ne seront pas jugés sur la longueur du sursis face à l’inévitable, mais sur leur diligence à résoudre le conflit. Quand ce sera chose faite, Abbas pourra tenir ses promesses de liberté, d’indépendance et d’affranchissement de l’occupation.

Netanyahu pourra tenir sa promesse de voir Israël au nombre des quinze premières nations en termes de développement économique et social. Israël et la Palestine se montreront capables de se surpasser et de proposer un modèle exemplaire de coopération entre d’anciens ennemis dans leur intérêt mutuel.


NOTES

(1) Mabat (“Regard“), est le journal télévisé de la première chaîne israélienne. [NdlT].

(2) Les frontières d’Israël à la veille de la guerre des Six Jours, souvent désignées comme “la ligne verte”. [idem].

(3) Al-Aqsa, la plus grande des mosquées de Jérusalem, fut construite au VIIe siècle sur le Mont du Temple/Esplanade des Mosquées – laquelle est considérée depuis cette époque comme le 3e lieu saint de l’islam, le Prophète étant dit y avoir entrepris son ascension vers le septième ciel. [idem].