Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le terroriste du Hamas auteur de l’attentat de la rue Allenby n’avait certainement envisagé un crime aussi parfait. Il n’a pas seulement tué six civils et blessé des dizaines de personnes. Il a aussi détruit la Muqata, humilié Arafat tout en renforçant sa position, mis en évidence le manque de vision à long terme d’Israël, mis dans l’embarras les opposants au terrorisme au sein des différents groupes rivaux, détourné pour plusieurs jours l’attention internationale du problème irakien pour la rediriger vers le problème palestinien, et provoqué une réunion du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Sans oublier sa plus grande réussite : Israêl, par sa réponse à l’attentat suicide, a provoqué de grandes manifestations. Ceci arrive à un moment où la rue palestinienne montrait des signes indiquant qu’elle
commençait à se détourner de l’illusion que ce qui n’etait pas obtenu par la
négociation pouvait l’être en la faisant capoter.

Evidemment, le fait de récompenser le méchant n’est pas une raison suffisante pour changer la politique de combat du terrorisme. Bien plus, il aurait suffi qu’il y ait eu une chance raisonnable de sauver des vies de citoyens israéliens en attaquant la Muqata pour légitimer cette attaque. Mais meme le ministre de la Défense Benjamin Ben-Eliezer, chargé directement de cette mission, ne promet pas que la destruction du complexe et la reddition des hommes recherchés empêcheront un prochain attentat. Le chef du Parti travailliste explique que l’objectif de l’action est d’accélerer l’expulsion de Yasser Arafat qui, selon lui, empêche l’avènement de dirigeants plus modérés et plus raisonnables.

Supposons un instant que la décision de s’embarquer dans une telle « mesure
stratégique » destinée à faire avancer le processus de paix ait été vraiment décidée lors du conseil des ministres extraordinaire, et que le fait que le signal de l’attaque contre la Muqata n’ait été donné que quelques heures seulement après l’attentat ne soit que pure coîncidence. Allons plus loin, et supposons encore que demain, Arafat sorte des ruines avec à la main une déclaration de reddition et une lettre de démission de toutes ses fonctions. Supposons même que l’étreinte etouffante que les Israéliens et les Etats-Unis donnent à Abou Mazen n’empêche pas le Conseil législatif palestinien de l’élire nouveau président après-demain. Qu’arrivera-t-il
alors? Ariel Sharon l’invitera-t-il de nouveau dans son ranch pour lui expliquer pourquoi il est important que les soldats israéliens puissent aller et venir à leur guise dans les espaces terrestre, maritime et aérien des cantons palestiniens?

Il n’est nul besoin de se plonger dans l’évaluation de la situation telle qu’elle est aujourd’hui écrite par le ministère des Affaires étrangères pour comprendre qu’après deux années de violences et de privations, de trêves vides de sens et nouveaux « avant-postes » érigés par les colons des territoires, il est pour le moins dommage d’ajouter à cette liste une tentative futile de renouer un dialogue diplomatique direct entre les parties. Les nouvelles concernant un « nouveau plan diplomatique détaillé » publié à la suite de la dernière réunion du « Quartette » (Etats-Unis, ONU, Union européenne et Russie) la semaine dernière à New York ont disparu, ou ont été reléguées, à juste titre, dans les pages intérieures des journaux. Depuis longtemps, les deux parties sont arrivées à la conclusion que ce
forum quadripartite n’est rien d’autre qu’une invention américaine, dont le seul but est d’entériner le gel du processus de paix.

Tous les protagonistes savent très bien que rien ne bougera sans une implication américaine au plus haut niveau. Et tout le monde sait que jusqu’à nouvel ordre, le seul sujet qui intéresse ce plus haut niveau est la guerre en Irak. Aaron Miller, conseiller du sous-secrétaire d’Etat William Burns et du distingué émissaire Anthony Zinni, attendu en Israêl aujourd’hui, est la plus haute personnalité américaine à nous rendre visite depuis plusieurs mois. Le consul américain à Jérusalem, Ron Schlicher, l’homme chargé des relations avec la direction palestinienne, se trouve aux Etats-Unis depuis le début du mois de juin.

Le président Bush et ses conseillers promettent toujours aux leaders arabes
et européens qu’immédiatement apres en avoir fini avec la guerre contre l’Irak, ils s’attèleront au conflit israélo-palestinien. Selon le New York Times, le Pentagone recommande de repousser l’attaque jusque vers janvier-février 2003. Les périodes d’attente, sans activité diplomatique, sont des saisons où fleurissent les fanatiques du Hamas. Les messagers de mort ne manqueront aucune occasion de ridiculiser les « gogos » de l’Autorité palestinienne et du Fatah qui ont promis que la cessation des attentats rapprocherait de la fin de l’occupation. En espérant que nous ne nous trouverons pas à regretter Arafat.