Jerusalem Post, 14 janvier 2010
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Les représentants du Hamas qui se sont rendus au Caire en novembre et
décembre pour y discuter d’un éventuel accord d’échange de prisonniers
avec Israël et d’une réconciliation avec leurs rivaux du Fatah se sont
renseignés auprès de fonctionnaires égyptiens sur la nature des travaux de
construction entrepris depuis plusieurs semaines le long de la frontière
entre la bande de Gaza et le Sinaï égyptien.
Les Egyptiens, d’après l’un des représentants du Hamas, ont voulu les
rassurer en leur affirmant qu’il ne s’agissait que de « travaux d’ingénierie »
de routine.
Les soupçons du Hamas concernant les véritables intentions de l’Egypte ont
grandi lorsque des Palestiniens habitant du côté égyptien de la frontière
ont entendu dire par les ouvriers qui travaillent sur le projet qu’il
s’agissait en réalité de construire un mur de fer souterrain.
« Ces ouvriers ont dit que des officiers égyptiens de sécurité leur
avaient interdit de parler à qui que ce soit¡ », dit un député Hamas de la
bande de Gaza. « Il est évident que les autorités égyptiennes s’inquiètent
de la manière dont le mur serait perçu dans le monde arabo-musulman, et
c’est la raison pour laquelle ils veulent construire sans attirer
l’attention. »
Cherchant à embarrasser les Egyptiens et à exercer sur eux une pression
destinée à stopper la construction du mur, le Hamas, ces trois semaines
dernières, a réussi à mobiliser de grands médias du monde arabo-musulman
contre ce projet.
Le Hamas a commencé à organiser des visites pour les journalistes locaux
et étrangers sur le côté palestinien de la frontière afin qu’ils puissent
voir de leurs propres yeux ces « travaux d’ingénierie ».
Al-Jazira, la chaîne TV la plus populaire du monde arabe, qui s’est
montrée depuis longtemps extraordinairement empathique envers le Hamas, a
entrepris la mission de dépeindre les Egyptiens comme faisant partie d’un
complot américano-israélien destiné à « étrangler » les Gazaouis.
Depuis, Al-Jazira consacre de nombreuses émissions à des débats en direct
sur ce mur controversé, offrant une tribune libre à quasiment tous ceux
qui veulent bien condamner le régime égyptien et le président Hosni
Moubarak. Cette controverse sur le mur égyptien a également déclenché
« une guerre de fatwas » pour ou contre le projet entre les érudits les plus
célèbres du monde musulman.
Les représentants du Hamas sont persuadés que Moubarak a décidé de
construire ce mur, non seulement sous la pression d’Israël et des
Etats-Unis, mais aussi pour les punir de ses positions négatives sur la
réconciliation avec le Fatah et au sujet du sort de Gilad Shalit. Ils
soulignent également qu’il n’y a aucune justification sécuritaire à la
construction de ce mur d’acier, car le Hamas n’a jamais constitué une
menace à la sécurité de l’Egypte.
« Quand l’Egypte parle de menace contre sa soi-disant sécurité nationale,
elle parle en réalité d’une menace contre son régime », dit le professeur
Abdul Sattar Kassem, universitaire de Cisjordanie et partisan du Hamas. « De toute façon, l’Egypte a une autonomie limitée dans le Sinaï à cause des
accords de Camp David qui interdit aux Egyptiens d’y disposer d’une
présence militaire importante. »
Lui, comme d’autres porte-parole du Hamas, rejettent catégoriquement
l’argument selon lequel les Egyptiens s’inquièteraient du fait que le
Hamas introduise clandestinement des armes en Egypte afin de déstabiliser
le régime.
« Il est vrai que nous n’aimons pas le régime de Moubarak, mais nous ne
tentons pas d’occuper Le Caire », dit un député du Hamas dans la bande de
Gaza. « Notre conflit est avec l’ennemi israélien, non l’Egypte ou tout
autre pays arabe. »
D’après ce député et d’autres représentants du Hamas, les Egyptiens
cherchent à « punir » le Hamas pour avoir refusé, en octobre dernier, de
signer au Caire un accord de réconciliation avec le Fatah, accord obtenu
avec la médiation de l’Egypte.
Le Hamas avait annulé sa participation à la cérémonie de signature à la
dernière minute, pour protester contre le refus de Mahmoud Abbas,
président d’Autorité palestinienne, de soutenir une résolution de la
commission des Nations unies pour les droits de l’homme, qui aurait
condamné Israël pour crimes de guerre pendant son opération dans la bande
de Gaza.
Ce boycott du Hamas aurait mis en rage Moubarak, qui espérait marquer des
points dans le monde arabo-musulman en réussissant là où les Saoudiens et
les Yéménites avaient échoué, à savoir mettre fin à la lutte de pouvoir
entre le Hamas et le Fatah.
Les relations entre Le Caire et le Hamas se sont déjà envenimées à propos
du cas de Gilad Shalit. Pendant plus de trois ans, les Egyptiens ont
tenté, à ce jour sans succès, de négocier un accord entre le Hamas et
Israël pour une libération du soldat israélien en échange de la libération
de plusieurs centaines de Palestiniens emprisonnés en Israël.
A la fin de l’année dernière, le Hamas a décidé de remplacer les Egyptiens
pas un haut diplomate allemand qui, depuis, agit en tant que médiateur
principal. Cette décision du Hamas aurait, elle aussi, provoqué la colère
de Moubarak et d’Omar Suleiman, son chef des services secrets, impliqué
personnellement dans les négociations entre le Hamas et Israël.
Un accord de réconciliation Hamas-Fatah et un échange de prisonniers entre
le Hamas et Israël aurait renforcé la position du régime de Moubarak sur
les scènes locale, régionale et internationale. Moubarak espérait rétablir
le rôle de l’Egypte en tant que pays arabe le plus influent. Mais il est
clair que le Hamas a détruit son rêve.
La campagne anti-mur menée dans les médias arabes, ainsi que les
manifestations palestiniennes contre ce qui est devenu « le mur de la
honte », ont nui gravement à la réputation du régime égyptien dans les
pays arabo-musulmans, où Moubarak est comparé à un pion entre les mains
des Etats-Unis et d’Israël. Cela, bien entendu, ne joue pas en faveur de
son fils Gamal, son successeur désigné.
Ce nouveau mur d’acier a placé l’Egypte sur une trajectoire de collision
avec le Hamas, dont les partisans promettent aujourd’hui une escalade dans
leur campagne pour stopper les travaux « d’ingénierie » le long de la
frontière. Dans la bande de Gaza, certains Palestiniens disaient cette
semaine qu’une montée de la pression sur le Hamas pourrait forcer le
mouvement à faire tout son possible pour démanteler la barrière
souterraine, y compris en utilisant des explosifs.
Entre les tensions qui montent et les escarmouches le long de la
frontière, l’Egypte pourrait, un jour, se voir obligée de lancer sa propre
opération Plomb Durci.