Trad. : Tal Aronzon pour La Paix Maintenant
Entre le poids de l‚occupation, la misere, les guerre de gangs et d’organisations, le couvre-feu, les fermetures successives des Territoires, les liquidations, les destructions de maisons et les deplacements forces, quelqu’un s’est saisi d’un fin fil d’or surgi des lambeaux effrangés de la Constitution palestinienne provisoire.
Promulguee en 1996, celle-ci stipule que toute nomination de ministre
doit etre approuvee par le parlement. En juin dernier, quand le president de l’Autorite palestinienne, Yasser Arafat, a nomme cinq nouveaux ministres dans le cadre des « reformes », comme on dit, il est apparu a de nombreux deputes et au public palestiniens que celles-ci rendaient peut-etre le visage de l‚Autorite palestinienne plus agreable aux yeux d’Israel et des Etats-Unis, mais echouaient a repondre au besoin veritable : la facon dont le gouvernement traite ses concitoyens.
« Nous en sommes venus a nous disputer les restes au lieu de porter tous
ensemble le fardeau », ecrit Nabil Amr, qui a demissionne de ses fonctions de ministre aux Affaires parlementaires des le debut des reformes. Amr exprimait ainsi l’opinion de nombreux deputes et de larges secteurs de la population palestinienne, conscients que la mise en oeuvre des reformes leur donnait le moyen d’ebranler le regime. Afin de contraindre le gouvernement a demissionner, ils deciderent d’utiliser l’article de la Constitution qui soumet les nouveaux ministres a l’approbation du parlement.
Ceux qui voulaient voir l’Autorite palestinienne se reformer ont obtenu bien plus qu’ils ne demandaient : tout a coup, un parlement arabe dit ce qu’il pense, des elus donnent a leurs collegues dans le monde arabe une lecon de democratie. Depuis quand un parlement arabe decide-t-il de la composition du gouvernement a la place du pouvoir etabli ? Dans quel pays arabe (a la possible exception du Liban) arrive-t-il qu’un dirigeant ne soit pas assure de l’issue d’un vote parlementaire ?
Au sein de l’Autorite palestinienne, dont le chef a su ecarter tout rival pendant plusieurs decennies, deviner le resultat de la joute politique est reste impossible jusqu’a la derniere minute.
L’intellectuel egyptien Amin al-Mahdi a forge l’expression « peur de la contagion democratique » pour decrire un phenomene qui se manifeste dans le monde arabe. Il est peu probable que l’initiative prise la semaine derniere par le Conseil legislatif palestinien fasse des emules. Les vieux dirigeants arabes savent se proteger contre une telle « contagion », mais qu’adviendrait-il pour peu qu’un État arabe soit cree qui brise soudain l’unite des rangs non democratiques ?
L’exemple donne par le parlement palestinien montre que cette « menace »
pourrait devenir realite, car tout parlement sorti victorieux d’une epreuve de force avec l’executif s’accrochera au precedent ainsi pose.
En Israel, comme d’habitude, la seule question qui suscite de l’interet est de savoir si Arafat a avance ou recule et jusqu’a quel point il compte encore. Aucun responsable gouvernemental, y compris dans les milieux du renseignement, n’avait predit le resultat de la reunion du Conseil legislatif. Apres tout, le systeme politique israelien tout entier s’evertue a faire peser sur Arafat la responsabilite de tout ce qui se passe dans les Territoires, et il s’est tout naturellement trouve
credite du pouvoir magique d’orienter l’ensemble du processus, y compris les resultats d’un debat parlementaire.
La question, des lors, n’etait pas de savoir ce que feraient les representants de la societe palestinienne, mais si Israel n’allait pas perdre un peu de son ecrasante victoire en laissant Arafat prononcer un discours devant le parlement. De fait, cette guerre est vecue comme une bataille personnelle contre Arafat, sans qu’on envisage jamais que la societe palestinienne puisse vouloir lutter contre son pouvoir avec la meme determination que celle deployee contre l’occupation israelienne.
L’aveuglement et la surdite [en Israel] face a l’evolution de la societe palestinienne menent aujourd’hui a la conclusion allegrement complaisante qui veut que la pression militaire ait engendre cette revolution de palais. Non contents de les occuper, nous aurions encore faconne leur democratie : une ligne droite irait de la mire du canon jusqu’au vote du parlement palestinien.
Mais cette evolution democratique ne s’est pas faite au seul profit d’Israel ou des Etats-Unis. Nul doute qu’elle ne se soit acceleree sous la pression de l’occupation, car en pareille situation les plus petites erreurs se font impardonnables, et plus eclatante, sur fond d’austerite generale, la corruption de quelques-uns. Mais ne nous bercons pas d’illusions : les attentes fondamentales des Palestiniens ne changeront pas du simple fait qu’ils ont decide de nettoyer leurs ecuries ; quant au gouvernement israelien, il ne n’acceptera jamais de relever le defi, quand bien meme le regime palestinien. aurait change. Pourquoi
devrions-nous tout a la fois leur apporter la democratie et leur abandonner les territoires ?