Shalom Akhshav, 2 juillet 2009
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Pendant que Tsipi Livni et Obama parlent de « deux Etats », Shalom Akhshav se bat sur le terrain pour assurer que cette solution au conflit demeure possible.
Toute maison dans les colonies éloignant les chances de paix, une équipe de l’Observatoire des colonies de Shalom Akhshav s’est rendue cette semaine dans les territoires pour rendre compte de ce qui se passe sur le terrain en matière de construction et de développement des implantations, pendant que de « beaux discours » sont tenus par ailleurs sur le gel de nouveaux logements.
Ce déplacement n’était en rien exceptionnel, sauf que cette fois une équipe de la télévision israélienne (deuxième chaîne) s’y était jointe.
Le quotidien des militants de Shalom Akhshav, mais vue par une chaîne israélienne. Scènes banales pour eux, moins pour les téléspectateurs israéliens.
Traduction en français (des repères ont été ajoutés pour mieux suivre)
Présentateur : … La pression énorme exercée sur Israël au sujet des colonies, la lutte s’envenime sur le terrain. Tu accompagnais des militants de gauche dans plusieurs colonies qui les documentent. Avec ton équipe, tu as pu voir et ressentir cette lutte. Voici le reportage.(15 s)
Touche pas à la caméra !
Ici, il est permis de filmer.
Touche pas à cette caméra.
Je te la casse, espèce de dingue.
Ne filme pas (25 s)
(Commentaire journaliste) : Voilà ce qui est arrivé à l’équipe de TV et aux militants de Shalom Akhshav venus documenter la poursuite de la construction dans les territoires occupés. Bien qu’il s’agisse d’un lieu public où il est permis de filmer, ce colon décide de nous chasser à coups de pied et de poing, en faisant exploser le matériel. (40 s).
Puis, alors que nous nous trouvons déjà à l’intérieur de la voiture, avec des pierres.
Ici, il en ramasse une autre qu’il jettera sur la voiture. Vous pouvez voir le résultat.
Attention, en voilà une autre qui arrive. (56 s)
(Commentaire journaliste) : nous n’avons pas filmé la suite de l’agression, car nous étions plutôt occupés à nous sauver. En somme, nous nous en sommes sortis sans gros dégâts, mais ces scènes sont le quotidien des militants de Shalom Akhshav, quand ils arrivent dans une colonie. (1 O8)
Locaux de Shalom Akhshav (1. 11)
Texte : à Shalom Akhshav, on lutte pour 2 Etats
En dessous : 6 heures plus tôt, à Tel Aviv
Yariv Oppenheimer (sec général) : « Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est une photo de la situation de la construction sur le terrain, et à quel stade de la construction se trouve la colonie. » (1. 22)
Commentaire journaliste : Une « unité de reconnaissance », comme l’appellent les militants. « Unité de dénonciateurs » comme l’appellent les colons. Les militants vont dans les colonies voir de leurs propres yeux, compter les départs de bâtiments et rendre compte pour répondre à la question : y a-t-il du concret derrière l’expression « gel de la construction dans les colonies ? » (1. 36)
H’agit Ofran : « 2, 3, 4, …7. J’en ai compté 7. Je note : 7 caravanes. J’étais là il y a un mois, ce n’était pas comme ça. » (1. 47)
Commentaire journaliste : Ils comptent tous les projets, depuis les viabilisations de terrains jusqu’à ceux quasiment à terme.
« On compte les terrains : 1, 2, 3, … 10.
10, tu es sûr ?
Oui. » (2. 00)
Gadi (habitant de la colonie de Revava): 10 bâtiments ? Là-dessus repose la paix entre Israéliens et Palestiniens ?
H’agit : Ici on bâtit 10 maisons. Ici encore 10. Ainsi, en 10 ans, on double le nombre de colons. C’est ce qui s’est passé ces 10 dernières années. Ce n’est pas une « croissance naturelle ».
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle H’agit.
Enchanté, moi c’est Dan.
Vous êtes venus faire un tour ?
Oui. On se promène en Israël.
Très bien. Qu’est-ce que vous avez là ?
Nos papiers.
Des papiers…
Oui.
Bref, vous comptez. Très bien. C’est une sorte de dénonciation. Venir dénoncer devant le monde entier. Ce n’est pas agréable à dire, mais c’est comme saper les fondements de l’Etat d’Israël.
Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? Tu fais quelque chose de mal ?
Non, je fais quelque chose de positif.
Alors de quoi as-tu honte ? Qu’y a-t-il de mal à ce que je raconte au monde ce que tu fais ? Pourquoi avoir honte ?
Ca n’est pas pour les citoyens israéliens. L’important, c’est que ça ne sorte pas à l’extérieur, au monde, qu’il ne dise pas : « Regardez ce que fait Israël ».
Ne me traite pas de dénonciatrice. Si ce que tu fais est bien, pas de problème.
H’agit, tu ne fais pas ça pour une simple discussion, tu le fais pour apporter des informations et agir contre Israël. Contre ton pays.
Pas du tout ! A nos citoyens ! (3. 03)
Commentaire journaliste : Chaque côté est persuadé d’être en mission et de sauver l’Etat d’Israël. Cette discussion était polie en comparaison de ce à quoi les gens de Shalom Akhshav sont habitués.
Idan Goldberger : On nous appelle des traîtres, une 5e colonne, des choses bien plus violentes. (3. 20)
(Logo du journal TV. Retour sur l’histoire d’Idan Goldberger)
« Un soldat de Tsahal a été touché hier à la tête à Naplouse par des Palestiniens.
Retour au reportage
(Commentaire journaliste) : l’homme qu’on qualifie de « traître » est un infirme de Tsahal, avec une infirmité de 53%. Un tireur palestinien lui a détruit la mâchoire, il a perdu une partie de la langue et des dents. En 2 ans 1/2 de rééducation, il a réappris à parler, mais il a des douleurs jusqu’aujourd’hui. Il était à Shalom Akhshav avant sa blessure, il y est resté. (3. 45)
Idan Goldberger :
Pourquoi leur en vouloir ?
Au tireur palestinien qui t’a tiré dessus ?
Pourquoi en voudrais-je à ce tireur ? Si j’avais été à sa place, j’aurais fait la même chose. Je ne veux pas me mettre à sa place.
Et tu en veux aux colons ?
Oui.
Pourquoi ?
Parce que j’ai le sentiment qu’en me trouvant ici, j’étais en mission mensongère. Et ceux qui ont vendu ce mensonge à qui m’a envoyé là, à l’Etat, ce sont les colons et leurs dirigeants. (4. 14)
Tu es conscient que même si la construction dans les colonies s’arrête, ça ne rétablira pas le pourcentage d’invalidité que tu as ?
Je ne veux pas que quelqu’un me le rende. Je resterai comme je suis. Ca me va. Je vivrai avec moi-même. Mais qu’est-ce que mon pays va devenir ? Il aura besoin de soins beaucoup plus longs que les miens. C’est ça qui me fait mal.. Ce genre de rétablissement est très dur. Et si moi, je suis passé par là, le pays pas encore. Je sais ce qui l’attend.
2, 4,… On va voir ce qu’il y a là-bas. (4. 43)
(Commentaire du journaliste) : Colonie après colonie, Idan et H’agit continuent à noter, mais entre-temps, la construction se poursuit comme d’habitude, avec des ouvriers palestiniens, bien entendu. Dans la plupart des colonies, soit dit en passant, personne ne les dérange.
Bien qu’on m’ait tiré dessus, malgré le traitement de plusieurs années et tout, aujourd’hui, j’ai bien plus peur des colons que des Palestiniens. (5. 03)
Journaliste : Nous pensions qu’Idan exagèrait jusqu’à notre arrivée à Dolev. Ici, on annonce avec fierté la construction d’encore plus de logements. L’écriteau « Danger, ravaux » s’est révélée très vite exacte.
Qui êtes-vous, SVP ?
Et toi, tu es qui ?
Moi ? Et vous, vous êtes qui ? Je vous demande qui vous êtes.
On a le droit de filmer ici.
Vous avez une autorisation ?
Oui, mais pourquoi tu touches à la caméra ?
Touche pas, on a le droit de filmer.
Je te la casse, espèce de dingue !
Ne filme pas, ne filme pas ! (5. 35)
Journaliste ; rappelons encore une fois qu’il s’agit d’un endroit public qu’il est permis de visiter et de filmer. Les militants de Shalom Akhshav se sont contentés de regarder depuis l’extérieur. Ils n’ont pas tenté de s’introduire à l’intérieur. Au moment où nous ne pouvions plus filmer, Idan Goldberger a reçu un coup dans la mâchoire. La même mâchoire que lui avait été fracassée un tireur palestinien il y a 7 ans. Idan se souvient :(6. 00)
Dire que je n’ai pas peur ? Ce n’est pas vrai. Mort de peur. Mais c’est tellement important pour moi de faire ça. Comme on dit dans le serment quand on fait ses classes : « Même sacrifier ma vie pour Israël ». Je sens que ça, c’est se sacrifier pour Israël. (6. 16)
Plateau TV (6. 21)
Présentateur : on va simplement préciser qu’une plainte a été déposée contre cet homme violent. Elle va être traitée. Les réactions ?
Journaliste : la colonie juive de Dolev dit : « Le village condamne la violence d’où qu’elle vienne, bien que le but de la visite des militants de Shalom Akhshav fasse partie d’une campagne violente et durable de cette organisation contre le projet de colonisation juive. En revanche, le village ne se considère pas comme responsable des actes d’une personne privée employée par le village. » Avec cette réaction, on apprend que cet homme est en fait un vigile d’un institut éducatif à Dolev, avec permis de port d’arme. Mais l’important, ce n’est pas cet épisode-là. Il y en a de nombreux dans les territoires, simplement il se trouve qu’une équipe de TV se trouvait là, sinon, nous n’en aurions pas entendu parler. L’histoire, c’est que la question de la construction en Cisjordanie occupe Shalom Akhshav à gauche, et les colons à droite. Et la pluoart d’entre nous allons regarder à la maison des reality show, au moment où la situation se décide sur le terrain et où se joue notre avenir ici.