Le general (de reserve) Amram Mitzna dit que le camp de la paix doit d’abord
acceder au gouvernement et, alors seulement, obtenir un accord avec les
Palestiniens sur les conditions de la paix. Le general (de reserve) Ami
Ayalon croit, lui, qu’aussi longtemps que le camp de la paix ne sera pas
arrive a un accord avec les Palestiniens, il n’aura aucune chance de gagner
les elections. C’est pourquoi l’ex-amiral et ex-chef du Shin Bet accorde
autant d’importance au document qu’il a redige avec le professeur Sari
Nusseibeh, president de l’universite Al Quds et representant de l’OLP a
Jerusalem.
Le moment venu, quand ils auront apporte la derniere touche au document, ils
comptent lancer une campagne de petition dans les rues de Tel-Aviv et de
Ramallah pour recueillir des signatures en faveur du document. Entre temps,
les deux hommes ont deja organise une campagne en reaction aux opposants
venus de leur propre camp, en creant deux conseils publics, un de chaque
cote, composes de personnalites de premier plan des societes israelienne et
palestinienne.
Bien entendu, le document Ayalon-Nusseibeh n’est pas un accord officiel et
n’engage ni l’OLP ni le gouvernement israelien. Neanmoins, les deux hommes
ne sont pas n’importe qui, et leur document n’a pas ete cree ex nihilo. On
trouve ses origines dans les points d’accord de Taba et dans le plan
Clinton. Ce dernier s’est d’ailleurs joint a une rencontre decisive entre
les groupes Ayalon-Nusseibeh qui s’est deroulee en juillet dernier a
Athenes, sous le patronage du ministre des Affaires Etrangeres grec, George
Papandreou. Clinton a appuye le document.
Son importance ne reside pas dans ses innovations, mais il montre que meme
aux pires moments de l’operation Rempart et des attentats suicides, des
personnalites respectees, israeliennes et palestiniennes, ont consacre leur
temps, leur energie, et ont mis en jeu leur prestige dans une tentative de
retrouver la raison. Le document, intitule « Les Peuples Votent », neglige les
details concernant les mecanismes institutionnels et securitaires tant
apprecies des juristes. Au lieu de cela, il affronte courageusement les
mythes et les symboles qu’evitent systematiquement les politiciens.
D’emblee, le document propose davantage que la seule reconnaissance de
l’Etat d’Israel ou du droit de l’Etat juif a l’existence. Le premier article
du preambule stipule qu’Israel et la Palestine reconnaissent les « droits
historiques » de l’autre sur la terre. Cette reconnaissance du droit du
peuple juif (et non pas seulement de l’Etat d’Israel) a retourner sur sa
terre, est etaye dans l’Article 1 de la Declaration d’Intentions : « les deux
parties declareront que la Palestine est le seul Etat du peuple palestinien,
et Israel le seul Etat du peuple juif. » Comme si cela ne suffisait pas,
l’Article 4, qui traite du probleme des refugies, stipule : « les refugies
palestiniens ne retourneront que dans l’Etat de Palestine; les Juifs ne
retourneront que dans l’Etat d’Israel. » De fait, les Palestiniens acceptent
le fait qu’Israel est la patrie des Juifs. Dans l’introduction, un peu plus
haut, il est dit : « chacun reconnait les droits historiques de l’autre
concernant la meme terre. »
Jerusalem est le deuxieme symbole auquel Nusseibeh et Ayalon osent
s’attaquer. Ils ont privilegie la possiblite qu’elle soit une ville ouverte,
ce qui signifie une capitale pour deux Etats, Jerusalem Ouest pour Israel et
Jerusalem Est pour la Palestine. Nusseibeh a resiste a l’exigence de
nombreux membres de son groupe selon laquelle les colonies et quartiers
edifies a Jerusalem Est apres 1967 passeraient sous souverainete
palestinienne. Au lieu de cela, sur la base de la formule d’echange de
territoires de un pour un, ainsi qu’il est ecrit dans l’Article 2, les
Palestiniens recevront une compensation pleine et entiere pour les quartiers
juifs qui seront annexes a Israel.
Le symbole par excellence – le Mont du Temple (Haral al-Sharif) et les lieux
saint qui l’entourent – est traite d’une maniere qui rappelle le plan
Clinton, et ceux qui l’ont precede. La solution se fonde sur une separation
entre la souverainete d’une part, et la maniere dont sont proteges et
administres les lieux saints si sensibles de Jerusalem d’autre part. La
souverainete appartiendra a Dieu, alors que le Mont du Temple sera aux mains
des Palestiniens et le Mur des Lamentations aux mains des Israeliens. Il y
aura un statu quo pour les lieux chretiens. Aucun Etat n’interviendra dans
les querelles entre eglises. Il est evident qu’en l’absence de souverainete,
la gestion quotidienne sera assuree par une administration municipale
jointe.
Si la concession sur la souverainete sur le Mont du Temple constitue une
couleuvre dure a avaler pour les Israeliens, la renonciation au droit au
retour a Jaffa et a Haifa posera des problemes dans les camps de refugies de
Gaza et du Liban. On peut aussi supposer que Nusseibeh sera critique pour
avoir renonce a l’exigence palestinienne qu’Israel reconnaisse sa
responsabilite dans la creation du probleme des refugies.
La compensation (aux Palestiniens) se cache dans la derniere partie de
l’Article 2, ou il est dit qu’apres que les frontieres seront finalisees,
aucun colon ne demeurera dans l’Etat palestinien. Ce n’est pas un hasard si
le document parle des « colons », et non des « colonies ». Les colonies
israeliennes non annexees par Israel dans le cadre des echanges de
territoires seront remises intactes aux Palestiniens, pour contribuer a la
reinstallation des refugies. Les Israeliens desireux de demeurer dans leurs
maisons perdront le titre de « colons », et deviendront des habitants de la
Palestine.
(traduction du document complet a venir)